… Et les exportations plongent au rythme le
plus rapide depuis 2009.
Voilà
qui serait hilarant si ce n’était pas aussi sérieux : des politiciens
épuisés en pleine session parlementaire, vilipendant le gouverneur de leur
banque centrale pour sa nouvelle politique de taux d’intérêt négatifs. C’est
là exactement ce qui s’est passé au Japon.
Les
taux d’intérêt négatifs imposés par la banque centrale ont causé un grand
nombre de troubles financiers. Depuis qu’ils ont contaminé l’Europe, ils ont
traîné une majorité des indices boursiers en territoire baissier. Aux
Etats-Unis, les actions ont plongé. Le NASDAQ est brièvement passé à la
baisse avant de rebondir, et il n’est aujourd’hui que 14% en-dessous de son niveau record. Le Russel 2000
est en marché baissier et a perdu 22,4%.
Les
actions japonaises ont été ravagées depuis que la Banque du Japon leur a
infligé des taux de dépôt négatifs il y a trois semaines, bien que son
gouverneur, Haruhiko Kuroda, ait répété plusieurs fois au Parlement qu’il ne
considèrerait jamais une telle idée. Malgré le rebond enregistré en début de
semaine, le Nikkei a perdu 24% depuis son récent record.
C’est
pourquoi Kuroda s’est tenu jeudi face au Parlement pour être vilipendé par
tous les partis présents. Selon DJ
Business News, il aurait « esquivé une attaque concertée au
Parlement par des législateurs qui pensaient que sa politique nuirait aux
consommateurs et enverrait un message de désespoir ».
Un
législateur de l’opposition du nom de Shinkun Haku s’en est pris à
Kuroda : « Niez-vous que les banques imposeront un fardeau
supplémentaire aux déposants » en imposant des frais ou des intérêts sur
les dépôts ? « Si vous ne pouvez pas le nier, ne le faites pas. C’est
oui ou c’est non. »
Kuroda
a contourné sa remarque du mieux qu’il a pu et refusé de spéculer quant à de
possibles frais, mais a déclaré que « les taux d’intérêt des dépôts
n’auront que très peu de chances de devenir négatifs ».
Il
a fait référence aux exploits des taux d’intérêt négatifs sur les dépôts en
Europe, qui ont encouragé les prêts malgré quelques effets indésirables.
« L’Europe a des intérêts négatifs bien plus larges que le Japon, et je
n’ai pas entendu parler de taux négatifs appliqués aux dépôts individuels en Europe »,
a-t-il dit. Mais nous en avons bel et bien entendu parler. Les allemands les
appellent intérêts
punitifs.
D’autres
législateurs se sont opposés à lui.
« Vous
avez annoncé au peuple qu’il devrait se méfier, parce que l’économie
japonaise est en difficulté », a déclaré le législateur du Parti
communiste, Akira Koike.
Le
législateur de l’opposition, Motoyuki Odachi, l’a accusé de « ressembler
à une machine de propagande de la seconde guerre mondiale ».
Même
le membre du parti au pouvoir, Masahiro Ishida, s’en est pris à lui. Sa
politique est difficile à comprendre, a-t-il dit, et « pourrait avoir
l’effet indésirable de déconcerter le marché ».
Déconcerter
le marché ? Quel marché ? Celui que les banques centrales essaient
de toutes leurs forces de manipuler ? Oui, celui-là. Les taux d’intérêt
négatifs le « déconcertent », ou le font plonger. Tout le monde
sait qu’il devrait grimper, notamment parce que la Banque du Japon achète 80
trillions de yens (700 milliards de dollars) par an d’obligations
gouvernementales et d’autres titres, dont des ETF et des J-REITS, dans le
seul objectif de faire gonfler les prix des actifs.
L’effondrement
des prix des actions au Japon et partout dans le monde ne fait pas partie du
plan. Et le rebond du yen face au dollar depuis l’annonce des taux négatifs,
en dépit des efforts de l’écraser, n’en fait pas partie non plus. Un yen
affaibli était supposé faire grimper les exportations japonaises de sorte que
le Japon puisse sortir de la crise. Mais les exportations aussi sont en
baisse.
Au
cours de la première moitié de 2015, les exportations ont gagné 7,9%. Et puis
elles ont plongé. Elles ont perdu 2,2% en octobre, 3,3% en novembre et 8% en
décembre. Le Ministère japonais des Finances vient de rapporter
un déclin de 12,9% des exportations au mois de janvier, leur plus grosse chute
depuis octobre 2009.
Les
exportations vers la Chine ont baissé de 17,5%. Les exportations vers Hong
Kong – qui pour beaucoup partent ensuite vers la Chine – ont perdu 26,2%. Les
exportations vers l’ensemble des pays asiatiques sont en baisse. Pour neuf des
onze pays asiatiques listés, les exportations ont plongé de 15,8 (Malaisie) à
26,2% (Chine et Vietnam). Un rapport bien vilain !
Si
les taux négatifs écrasent les actions, stimulent le yen et écrasent les
exportations en plus de punir les épargnants, les retraités, les banques et
les investisseurs sur les titres à revenus fixes comme les sociétés
d’assurance, à quoi servent-ils ?
Est-ce
la raison pour laquelle ces politiques ne gagnent pas le soutien du
public ? DJ Business News a cité une source officielle anonyme qui a
expliqué le phénomène de cette manière :
« Ceux
qui comprennent cette politique nous critiquent, et ceux qui ne la
comprennent pas nous critiquent également. »
Et
le public n’a aucune affection pour les taux négatifs. Il est vrai qu’ils permettent
à Japan Inc. d’obtenir des prêts moins chers pour financier des projets en
Thaïlande ou au Vietnam. Mais la société japonaise est composée de beaucoup
de retraités qui vivent de leur épargne et de leur pension. Ils ont déjà été
touchés par la hausse des taxes de consommation et les hausses des prix, et
les intérêts de leurs revenus ont décliné. Leurs versements de pension ont
stagné. Ces gens prévoient de vivre longtemps et de rester en bonne santé.
Alors ils se serrent la ceinture, ce qui n’est pas bon pour l’économie. Mais
ils ne sont pas d’humeur à verser des frais ou des intérêts sur leur épargne.
La
Banque du Japon a, au-delà de ses manipulations financières, une tâche
difficile à accomplir. Comme l’explique DJ Business News, elle « fait
face à une force différente et tout aussi difficile à contrôler :
l’opinion publique ». Cette réaction négative face aux taux négatifs l’a
beaucoup surprise.
Voilà
où nous en sommes aujourd’hui. Les politiques monétaires sont un jeu de
confiance. Les gens, et notamment les investisseurs, on besoin de croire en
ces politiques et en les banques centrales comme s’il s’agissait de forces
divines, ils ont besoin de les suivre à l’unisson et de refuser les appels de
la réalité. Mais lorsque cette confiance se défait, tout s’écroule.
Et
voilà ce que nous en tirons : un dérapage des échanges internationaux. Lisez
ceci : I’m in Awe at Just How Fast Global Trade is Unraveling