Le premier
ministre français Jean-Marc Ayrault a annoncé le 11 septembre
2013 une baisse des dépenses publiques de seulement 0,75 point de PIB
en 2014 (15 milliards d’euros), en soulignant que ces économies
étaient « sans précédents ».
La
foule des commentateurs et politiciens subventionnés a
immédiatement dénoncé l’ultralibéralisme du gouvernement,
en hurlant que l’austérité ne fonctionnait nulle part en
Europe.
Je vais
donc vous parler d’un pays européen qui a baissé ses
dépenses publiques de 10 points de PIB en 8 mois.
Licenciement d'un tiers des fonctionnaires
en 18 mois
La
Lettonie est le pays de l’Est qui a été le plus
touché par la crise financière mondiale, perdant environ un
quart de son PIB entre 2008 et 2010. Mais dès la seconde moitié
de l’année 2010, la Lettonie a renoué avec la croissance
économique. Un retour à la croissance en seulement deux ans!
Mieux, cette dernière a atteint 5,5% en 2011 et 2013.
Comment
cela est-il arrivé si vite?
En
dévaluant leur monnaie? En augmentant les impôts? En
dépensant plus d'argent du contribuable? En créant des emplois
subventionnés ? Non, rien de tout cela.
Au bord
de la faillite, le gouvernement letton a entrepris des réformes
structurelles exceptionnelles, telles que le licenciement d'un tiers des
fonctionnaires et la fermeture de la moitié des organismes de
l'État. Et ce en seulement 18 mois.
Vous
voyez, les réformes jaillissent lorsque l'argent public se tarit.
Chronologie des faits
Apres
la démission du gouvernement précèdent, et alors que les
finances du pays étaient en chute libre, un nouveau gouvernement de
coalition fut formé en mars 2009. Il disposait d'une majorité
au Parlement où 64 % des députés le soutenaient. Mais Valdis Dombrovskis, le jeune
premier ministre de 37 ans (ancien député européen), le
ministre des Finances et le ministre de l’Économie
étaient tous trois issus d’un parti n'ayant reçu que 6,6 %
des voix.
Après
avoir réduit le nombre de ministères de 16 à 14, le premier
ministre a déclaré que le pays était à
quelques mois de la faillite et a promis de stabiliser la situation financière,
de diminuer les dépenses publiques, d’accroitre l’efficacité
et la transparence de l’État.
Le
gouvernement s’est appuyé sur le
travail d’Alberto Alesina et Silvia Ardagna de l’Université Harvard aux
États-Unis qui, après avoir examiné 107 plans
gouvernementaux visant à réduire la dette publique dans 21 pays
de l'Organisation de coopération et de développement
économiques (OCDE) entre 1970 et 2007, ont conclu que la
réduction des dépenses de l’État est le moyen le
plus efficace pour réduire le ratio d’endettement d’un
pays. Le premier ministre letton s’est engagé à
réduire les dépenses publiques là où il
était possible d’améliorer l’efficacité de
l’État, à expliquer ces choix au peuple letton et
à faire preuve d’équité dans la réforme.
Aux
mois d’avril et mai 2009, les ministères ont mis au point trois plans
de réductions des dépenses de 20 %, 30 % et 40 % et de
diminution des salaires de 20 %. Les ministères à reformer en
priorité étaient ceux de la Santé, de l’Éducation
et de l’Administration publique.
Pendant
ce temps, un accord de principe sur les réformes à mener a
été signé par tous les députés de la
coalition. Les partenaires sociaux ont donné leur accord à
l’essentiel des reformes. Les salaires des gestionnaires des grands
groupes publics, des ministres et des hauts fonctionnaires ont
été considérablement diminués afin de montrer
l’exemple.
Au sein
du ministère de la Santé, 44 % du personnel a été
licencié pour s’aligner sur le nombre de fonctionnaires estoniens,
et 35 hôpitaux sur 59 ont été fermés pour
s’aligner sur la moyenne européenne.
Lorsque
l’attention du public s’est concentrée sur ces fermetures,
le gouvernement a immédiatement mis l’accent sur les
réformes menées dans les autres secteurs, pour montrer que
l’ensemble de la population faisait des efforts et que sa
stratégie était cohérente. Le premier ministre a
accepté la démission des ministres et conseillers ayant
exprimé leur désaccord avec la politique du gouvernement.
Au ministère
de l’Éducation, 100 écoles ont été
fermées, 2400 professeurs ont été licenciés,
faisant passer le ratio professeur/nombre d’élèves de 1/7
à la moyenne européenne de 1/12.
Enfin,
au ministère de l’Administration publique, la moitié des
75 agences étatiques ont été fermées.
En
tout, 29 % des fonctionnaires ont été licenciés en un an
et demi. Le salaire moyen du secteur public a diminué de 26 %,
s’alignant sur le salaire moyen du secteur privé.
La TVA
a été augmentée, ce qui a provoqué
d’importantes manifestations dans le pays. Mais les trois quarts de la
rigueur ont consisté, non en hausses d’impôt, mais en
baisses des dépenses publiques.
Le
gouvernement ayant réalisé cet effort budgétaire dans
l’urgence sans libéraliser au préalable les secteurs des
biens et des services, aucune perspective de croissance supplémentaire
ne pouvait conduire à plus d’embauches de la part des
entreprises privées. Le chômage letton est donc passé de
6,6 % en 2008 à 20,7 % en 2010. Depuis, il a baissé d’un
point par trimestre environ (11,4 % en 2013).
Des
fonds européens ont été alloués à soutenir
l’entreprenariat et les secteurs industriels orientés vers
l’export. La durée des allocations chômage a
été allongée, un filet de sécurité a
été créé pour les plus démunis.
Et en
octobre 2010, la coalition soutenant le gouvernement a gagné les
élections législatives.
Quelles conclusions en tirer?
D’abord
que le régime parlementaire letton, ne permettant que des coalitions
instables, semble plus adapté aux temps de crise qu’un
régime présidentiel.
Ensuite
qu’un régime démocratique peut tout à fait baisser
ses dépenses publiques de 10 points de PIB en 1 an, faisant en sorte
que son État-providence aide ceux dans le besoin, pas ceux proches du
pouvoir.
Aujourd’hui,
Valdis Dombrovskis est le
premier ministre letton ayant la longévité la plus grande
après avoir été réélu deux fois. Il a fait
tout ce qu'il pouvait, dès que possible, il a obtenu un accord avec
les partenaires sociaux avant de lancer les réformes, il a
expliqué qu'il n'y avait pas de meilleure solution de rechange et a
fait en sorte que son gouvernement montre l’exemple.
La
Lettonie, comme la Suède, la Nouvelle-Zélande, l’Estonie, le Canada, la Finlande, la Pologne et
l'Allemagne, montrent qu’accomplir des réformes structurelles
courageuses peut conduire à être réélu, tandis que
les pays refusant de se reformer au sud de l’Europe montrent qu'il est
politiquement très coûteux de mener des politiques
irresponsables et des ajustements lents.
La
leçon à tirer du cas letton est qu’une réforme structurelle
rapide et complète ainsi qu’un ajustement budgétaire
radical donnent de bons résultats, tant économiquement que
politiquement.
En
2008, l’économiste superstar Paul Krugman
avait comparé la Lettonie à l’Argentine en recommandant
une politique keynésienne. Le 19 septembre 2013, il concluait qu’il était peut-être
possible qu’en fin de compte, la Lettonie ait bien fait de choisir la
voie de l’austérité.
Le
triomphe tardif des faits sur l’idéologie, en quelque sorte.
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