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Lutter
contre la fraude par une augmentation sans précédent de la
répression est voué à l’échec, tant au plan
fiscal que du point de vue économique.
Le 17 septembre 2013,
l’assemblée a voté une loi de répression fiscale (presse)
qui nous fait définitivement quitter l’orbite des États
de droit, dont nous étions déjà bien excentrés.
Ironie du sort, c’est un 17 septembre, en 1793, que fut votée la
loi des "suspects", qui fit entrer la révolution dans sa
plus grande phase de terreur. La nouvelle loi n’est pas sans
présenter quelques analogies, toutes proportions gardées, car
c’est bien de terreur fiscale dont il sera question.
Ce texte prévoit en
effet, entre autres, que le contribuable qui aura utilisé un montage
fiscal pourtant prévu par la loi pourra bien plus facilement
qu’auparavant voir son montage requalifié en "abus de
droit", plaçant le contribuable en situation
d’insécurité juridique maximale, quasiment
présumé coupable par l’administration fiscale.
Inversement, au mépris de toute tradition juridique, l’État
pourra utiliser contre les contribuables des preuves obtenues de façon
illicites : aujourd’hui, listes volées, aveux achetés par
corruption, et demain, quoi ? Espionnage numérique ? Torture
?
Il y a beaucoup d’autres
dispositions qui tiennent de "l’abus de droit"
gouvernemental, au point que le bâtonnier et président du
Conseil national des barreaux, Christian Charrière Bournazel, a
dénoncé avec force le caractère liberticide de cette loi,
mais sans succès. La majorité a adopté le texte et
l’opposition s’y est très mollement opposé. La
classe politique semble unanime à vouloir faire rendre gorge à
quiconque prétend réduire sa facture fiscale.
L’évasion fiscale maintient de l’argent dans des circuits
privés efficients
La Fraude fiscale et sociale
est estimée, selon les rapports, entre 36 et 80 milliards
d’Euros (source).
Les étatistes estiment qu’arriver à en ramener ne
serait-ce que la moitié dans les caisses de l’État
réduirait grandement nos déficits, et que "la fin justifie
les moyens". Mais est-ce bien sûr ?
Tous ceux qui évoquent
le "manque à gagner de l’État" occultent sa
contrepartie, un "manque à perdre" des contribuables. Une
lutte efficace contre la fraude reviendrait à ôter du capital des
poches d’agents économiques certes peu civiques, mais
normalement efficients car soucieux du bon emploi de leurs propres deniers,
pour le transférer dans les caisses d’organismes publics les
plus inefficaces qui soient, experts en gaspillages, et dont les résultats
en matière de chômage, de sécurité ou
d’éducation sont inversement proportionnels aux sommes
engagées. Osons le dire : retirer les sommes "soustraites"
par les prétendus "fraudeurs" des circuits privés
pour les placer entre des mains publiques n’aura aucun effet positif ni
au plan macro-économique ni au plan de l’utilité et de la
qualité des services rendus par le secteur public.
Cette remarque liminaire ne
saurait constituer une justification morale de la fraude. En effet,
l’État compense le manque à gagner qui en résulte
par des taux d’imposition plus élevés sur ceux qui, par
civisme ou par manque d’opportunité de contourner le code des
impôts, paient le plein tarif. L’équité vis-à-vis
de ces contribuables honnêtes impose donc que des dispositions concrètes
soient prises pour limiter les conséquences de
l’inégalité devant la capacité à fuir
l’impôt.
Mais
l’hyper-répression fiscale est elle le
bon choix ?
Impôt juste, ou extorsion
illégitime ? À partir de quel niveau de spoliation la
fraude cesse-t-elle d’être immorale ?
Au plan moral, le choix
hyper-répressif interroge. Osons un parallèle avec le mur de
Berlin. Avant 1989, ceux qui voulaient fuir les enfers rouges étaient
considérés comme des traîtres vis-à-vis des États
communistes, au point que celui-ci s’arrogeait le droit de les abattre
comme des chiens. Aujourd’hui, tout le monde s’accorde à
dire que les tentatives d’évasion de ces victimes de la
répression communistes étaient parfaitement légitimes,
et que les gardiens qui les mitraillaient depuis les miradors
obéissaient à des ordres criminels. Cette
légitimité était fondée sur le caractère
oppresseur des États communistes.
Aujourd’hui,
l’État Français est inefficace, rogne chaque jour un peu
plus toutes nos libertés, mais est incapable d’assurer notre
plus élémentaire sécurité. Cet État sur
lequel nous n’avons AUCUN moyen de contrôle réel,
malgré l’illusion démocratique que l’on tente de
nous faire valoir au motif que nous pouvons voter pour choisir nos gardiens
de prison, cet État indigne et impotent prétend voler aux
contribuables les plus entreprenants, les plus créateurs de valeur,
une proportion de leurs gains qui représente une authentique
confiscation.
Une telle extorsion des
productifs vers un service public aussi inconséquent est-elle moralement
légitime ? Dans quelle mesure la tentative, pour les victimes de cette
extorsion, de s’y soustraire, est-elle illégitime ?
N’est-il pas normal de vouloir préserver le fruit de son travail
d’une spoliation, fut-elle votée en assemblée par une
nomenklatura politique elle-même prompte à
s’exonérer des charges qu’elle impose aux simples citoyens
? À partir de quel niveau de prélèvement ou de
gabegies, la réduction de la facture fiscale cesse-t-elle
d’être une "Fraude" mais au contraire devient un
impératif moral ?
Si l’on considère
qu’il est légitime de fuir ou de résister à
l’oppression (article 2 de notre déclaration des droits de
l’homme, rappel), alors l’on ne peut faire
l’économie d’une réflexion sur la
répartition des torts lorsqu’un contribuable tente de
réduire son niveau d’oppression fiscale.
La répression ne tuera
pas les tentatives d’évasion… et freinera la
volonté de réussir
On peut douter qu’un
surcroît de coercition produise le moindre résultat tangible. En
effet, exception française là encore, les services du
Trésor public entretiennent déjà une relation quasi
inquisitoriale avec des contribuables qu’ils peuvent soumettre à
des investigations extrêmement intrusives, voire traumatisantes, hors
de tout contrôle judiciaire.
Le fisc peut d’ores et
déjà renverser aisément la charge de la preuve au
détriment des justiciables. Il n’engage pas sa
responsabilité civile lorsqu’il émet des redressements
abusifs, ce qui arrive hélas souvent, afin de pousser des
contribuables de bonne foi à accepter des transactions iniques pour en
finir avec des
contrôles qui relèvent parfois de la persécution.
Malgré cet arsenal
répressif préexistant, que d’aucuns jugent indigne
d’une nation qui se veut démocratique et aime à se
dépeindre comme le pays des droits de l’homme,
l’administration fiscale ne parvient déjà pas à
éviter que de très nombreux contribuables tentent de fuir un
impôt qu’ils jugent excessif. Expatriation,
sous-déclarations, économie parallèle, montages de plus
en plus imaginatifs… Plus l’impôt est perçu comme
injuste et spoliateur, plus le jeu en vaut la chandelle.
Mais la façon la plus
évidente d’échapper à la pieuvre fiscale est de
réduire son revenu : ce sont des heures de travail que l’artisan
ou le médecin ne fera pas, des étudiants en médecine qui
préfèrent en masse le salariat, des entreprises que des
aspirants créateurs renonceront à créer parce
qu’ils estimeront que cela n’en vaut pas la peine… Tous ces
moyens d’échapper "par le bas" à
l’État requin sont réducteurs nets de richesse pour
l’ensemble des Français.
Par conséquent, lutter
contre la fraude par une augmentation sans précédent de la
répression est voué à l’échec, tant au plan
fiscal que du point de vue économique. L’effet Laffer continuera à jouer à plein, et les
contribuables les plus aisés prendront la seule décision
rationnelle qui restera à leur disposition : fuir. Et ce, pendant que
les moins aisés se contenteront d’en rêver, et les
chômeurs de galérer pour trouver un emploi.
Rendons l’impôt
acceptable… et économiquement efficace !
Or, il existe bien un moyen
bien plus efficace de lutter contre la fraude. Il s’agit d’en
réduire les incitations. Notre système fiscal doit se
transformer, en réduisant considérablement sa
progressivité et en adoptant des impôts à taux marginaux
faibles, voire des taxes à taux uniques ("flat tax"), sans la moindre niche, exemption
ni échappatoire, en remplacement de nombreuses usines à gaz
fiscales actuelles.
Pensez
qu’aujourd’hui, l’impôt sur le revenu ne rapporte que
5,8% des sommes déclarées, ou 7,2% des sommes
déclarées et considérées comme imposables
(chiffres 2008, ordres de grandeur identiques aujourd’hui). Autrement
dit, un impôt sur le revenu de 7,2% avec comme unique niche fiscale une
réduction de 10 000 Euros du revenu imposable par enfant à
charge, rapporterait exactement la même somme
qu’aujourd’hui… À assiette fiscale
égale. Mais cette dernière hypothèse est absurdement
pessimiste : pourquoi frauder à un tel taux ? Ou limiter son
enrichissement ? L’assiette de l’impôt
s’élargirait très rapidement et sans douleur pour les
contribuables, provoquant par conséquent une hausse du produit fiscal
! Cet effet a d’ailleurs été observé dans tous les
pays qui l’ont adoptée. Encore plus fort : la moindre incitation
à frauder l’impôt sur le revenu tend à refiscaliser l’ensemble des chaînes de
création de valeur autrefois entièrement "au black" :
on observe aussi, dans les pays qui l’ont adoptée, de fortes
hausses des rentrées de TVA !
Mieux : on pourrait remplacer
la somme de l’actuel impôt sur le revenu, de l’impôt
sur les sociétés, de la plupart des impôts locaux (y
compris droits de mutation ), dont je rappelle qu’ils sont
"régressifs", l’ISF (un impôt qui
"rapporte" 4Mds au budget de l’État mais lui en
coûte au moins 15 !) et les droits de succession par un
impôt unique sur tous les revenus et bénéfices des
entreprises d’environ 16 à 18%, toujours avec 10 000 Euros de
réduction par enfant et aucune autre niche, transformant de facto la
France en paradis fiscal, sans la moindre perte de revenu pour la collectivité.
Mais naturellement, rien n’interdit d’espérer
conjointement une baisse des dépenses publiques permettant d’en
réduire encore plus le taux ! Bien sûr, d’autres
combinaisons d’impôts supprimables et remplaçables par une
flat tax sont possibles, ce qui
précède n’est qu’une possibilité parmi
d’autres.
À ceux qui
affirmeraient que de tels impôts sont injustes, rétorquons que
le caractère "juste" d’un système truffé
de niches fiscales qui ne sont accessibles qu’aux classes aisées
(notamment les niches "logement" de type Scellier-Duflot)
échappe au sens commun, et qu’une somme d’impôts qui
amoindrit considérablement la création de richesse impose aux
Français la pire des injustices : le chômage de masse. Et les
dénis de justice, au sens propre du terme, que permettra
l’abominable loi du 17 septembre, sont certainement bien plus
importants que l’injustice ressentie par les bobos qui bavent à l’idée
d’infliger une humiliation fiscale à ces salauds de riches.
Ajoutons qu’un
impôt de ce genre, nettement inférieur à 20%, en
réduisant considérablement l’incitation à
l’évasion fiscale, permettrait d’abolir les lois anti-fraudes ultra répressives d’inspiration
quasi-mussolinienne, et de replacer le contrôle fiscal sous mandat
d’un juge, replaçant le droit fiscal, et les droits de la
défense en la matière, dans le droit commun. En contrepartie,
les condamnations infligées suite à une procédure
judiciaire normale, aux derniers fraudeurs congénitaux,
apparaîtraient nettement plus justifiées aux yeux de
l’opinion, car frauder un impôt à 15% est moins excusable
qu’à 50 ou 75. Le gain ne serait donc pas
qu’économique, mais aussi civique et démocratique.
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