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Published : March 12th, 2012
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Category : Editorials

 

 

 

 

Des manifestations monstres se sont déroulées aujourd’hui dans soixante villes espagnoles, comme une répétition de la grève générale organisée par les deux grandes centrales UGT et CCOO (les Commissions Ouvrières) le 29 mars prochain. Plusieurs centaines de milliers de personne sont descendues dans les rues de Madrid, Barcelone, Valence et Séville pour manifester leur rejet de la politique du gouvernement Rajoy. L’Espagne est en train de prendre la succession de la Grèce.


Peut-on dans ces conditions penser que l’accalmie intervenue sur le marché obligataire, grâce à la BCE, et la restructuration réussie de la dette grecque, sous les auspices des mégabanques, vaut solde de tout compte de la crise européenne ? Les avis ont été plutôt nuancés, lorsque l’on se réfère aux déclarations des dirigeants européens. Si Nicolas Sarkozy, fidèle à ses habitudes, a jugé que « la page financière [de la crise] est en train de se tourner », Herman Van Rompuy s’est contenté d’un « nous allons vers une mer plus calme » et Wolfgang Schäuble de « nous ne sommes pas sortis d’affaire, mais nous avons fait un grand pas en avant » et d’un « personne ne peut prédire l’avenir »… La prudence est devenue de mise.


Comme à la suite de la restructuration précédente de la dette grecque, Charles Dallara a tenté, au nom de l’Institute of International Finance, de prévenir les tentations en expliquant que l’on ne l’y reprendrait pas. C’est de bonne guerre mais ce n’est qu’un voeu pieux. Il va en effet falloir prolonger les plans de sauvetage irlandais et portugais, si l’on veut éviter de se retrouver contraint à de nouvelles restructurations, et pour cela mettre en service le grand pare-feu financier européen (le MES). En faisant mentir Christine Lagarde, directrice générale du FMI, qui pour trouver des fonds utilise l’argument qu’il sera d’autant moins utilisé qu’il sera volumineux et impressionnant.


Les discussions ont donc changé de terrain, avec comme objectif de trouver d’ici fin mars un compromis européen permettant de renforcer les moyens du pare-feu, au-delà des 500 milliards d’euros initialement prévus pour le futur MES, à propos duquel le Bundestag ne se prononcera qu’en juin prochain. Mi-avril, les ministres des finances du G20 devront entretemps décider de l’augmentation des ressources du FMI, afin qu’il puisse venir conforter les Européens.


Sur cette question, on tente de contourner l’épineux sujet de la nouvelle répartition des quotes-parts et des droits de vote au sein du FMI, en recherchant des accords de prêt bilatéraux. On a toutefois appris que les discussions sur cette répartition se poursuivaient, et qu’elles pourraient aboutir à un nouveau mode de calcul de celle-ci qui donnerait plus de poids aux pays émergents. Le modeste objectif poursuivi est de parvenir à un accord de principe en janvier 2013… ce qui ne signifiera pas qu’il sera pour autant appliqué. Les Brésiliens, dont le pays a été consacré sixième puissance économique mondiale, mènent la danse au nom des BRICS, tandis que les Occidentaux traînent des pieds.


Dans l’immédiat, la participation des émergents au plan de renforcement des moyens financiers du FMI risque d’être effectuée a minima, à titre d’encouragement pour faire avancer ces laborieuses discussions. Les Américains n’y contribueront pas financièrement, le Japon envisageant de prêter 50 milliards de dollars et les Européens 197 milliards (qu’il va falloir réunir).


Le gouvernement espagnol n’a pas attendu la conclusion de tous ces pourparlers pour mettre les points sur les « i », car il a été forcé de reconnaître impossibles à atteindre les objectifs de réduction de la dette publique qui lui ont été assignés. Il va falloir pénétrer dans les méandres de la comptabilité nationale espagnole pour voir ce que cache son déficit et comment il peut évoluer, ce que les autorités de Bruxelles ont finalement décidé de faire en envoyant à Madrid leurs meilleurs experts. Le moins qu’ils pouvaient faire pour ne pas prononcer immédiatement de sanctions, en attendant la suite.


Les calculettes vont chauffer, afin de déterminer sur quelle pente ascendante le déficit public se trouve, avant de mesurer comment il va pouvoir en redescendre. La dette était chiffrée à 66% du PIB en septembre dernier, soit 706 milliards d’euros, ce qui restait plus que raisonnable dans le contexte général, mais on craint qu’elle ne dépasse très vite la barre des 90%.


Afin d’aider les régions et les municipalités à honorer leurs factures, et éviter des faillites en cascades des PME, le gouvernement va les éponger grâce à un prêt syndiqué (sous la responsabilité des banques) de 35 milliards d’euros sur dix ans et à 5%. Ce qui va permettre de tirer un trait sur le passé mais ne règlera rien pour l’avenir, les collectivités étant désormais elles aussi soumises à la rigueur ambiante, ce qui affecte le financement de l’éducation, des aides sociales et de la santé. Puis il s’apprête à lutter contre la fraude fiscale, en espérant ainsi récupérer 8 milliards d’euros. Le dossier des privatisations, qui a montré le peu qui pouvait en être effectivement attendu, est par contre au point mort.


Si l’on fait le bilan de ce qui a été déjà effectué depuis 2008, des coupes budgétaires de près de 9 milliards d’euros sont enregistrées et des hausses d’impôt de plus de 6 milliards. Aboutissant à bien peu de résultats pour beaucoup de conséquences économiques et sociales désastreuses. Réduire le déficit pour revenir à une dette de 60% du PIB, quand on estime qu’elle a déjà dépassé 80% si l’on prend tout en compte, représente un mur qui ne pourra pas être franchi quand le chômage a déjà atteint les plafonds que l’on connait.


D’après les estimations de Mc Kinsey, le montant de la dette publique et privée additionnées serait de 363% du PIB. Ce qui par une simple soustraction permet de chiffrer la dette privée à pas loin de 300% de celui-ci, en raison notamment de la bulle immobilière. Or celle-ci n’a que commencé à se dégonfler, et son éclatement brutal est contenu au prix d’accommodements comptables.


Certes, la dette publique s’est développée à un rythme soutenu (elle augmentera de 60 milliard d’euros en 2012), résultat de la folie des années de prospérité à crédit et des dépenses somptuaires enregistrées à tous les niveaux, central, régional et municipal. Mais de nouveaux facteurs y contribuent désormais : aides au secteur bancaire, moindres recettes fiscales résultant de la récession et dettes des entreprises et des fonds de pension publics. Tous comptes faits, un gros nuage sombre s’annonce. Un nouveau sauvetage du système bancaire qui pourra difficilement être éludé, la crise immobilière ne donnant aucun signe d’être terminée, risque encore de les alourdir.


300.000 expulsions ont eu lieu depuis 2008, le gouvernement tentant de freiner le mouvement. Au prétexte de venir en aide aux familles surendettées et au chômage, mais avec l’intention d’éviter que se retrouvent sur le marché un nombre de plus en plus important de logements ne trouvant pas acquéreur en dépit de la baisse des prix, ce qui l’accentue, obligeant les banques à déprécier les stocks en leur possession et faire apparaître des besoins de recapitalisation cachés, ou bien conduisant inéluctablement le gouvernement à un sauvetage financier à forte incidence sur le déficit public.


Pour l’Espagne, comme d’ailleurs pour l’Italie, le seul choix possible réside dans le moment où il va falloir leur tendre un bras secourable. Les dirigeants européens ayant montré des capacités limitées à agir à froid et à anticiper, ils seront dans l’obligation de le faire à chaud, dans de mauvaises conditions, s’ils suivent le même pli. A quoi cela va-t-il revenir ? A poursuivre la mutualisation de la dette publique européenne, qui a été engagée dans des conditions scabreuses et à contre-coeur, et à finir par l’assortir d’une réduction de peine sous forme de nouvelles restructurations de la dette.


L’étape suivante pourra être de s’interroger sur les moyens et la nature de la relance économique européenne, car il ne suffit pas de parler de croissance sur le mode de l’incantation. L’image d’une prospérité retrouvée s’appuyant sur une Europe redevenue compétitive et toute entière tournée vers les exportations, car la stratégie libérale revient à cela, est une franche absurdité.




Billet rédigé par François Leclerc





 

 



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Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).
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Il serait enfin concluant que P Jorion ouvre un livre traitant du libéralisme sinon il va finir par ne plus être audible. Nous suffoquons sous l’emprise de l’Etat tout puissant en toute matière donc d’un dirigiste ahurissant et il s’agirait du libéralisme ???? Ne pourrait-on pas faire confiance à l’entrepreneur individuel en supprimant cette manie de faire croire que l’Etat sait mieux créer et gérer une entreprise et à l’épargnant en taxant moins (cf. Alberto Alesina et Silvia Ardagna, de l’Université Harvard aux États-Unis, qui ont examiné 107 plans gouvernementaux visant à réduire la dette publique dans 21 pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) entre 1970 et 2007. Leur étude publiée en octobre 2009 présente les éléments de preuve. Les stimuli fiscaux basés sur des réductions d’impôts sont plus susceptibles d’augmenter la croissance que celles basées sur l’augmentation des dépenses. Les réductions de dépenses publiques sont beaucoup plus efficaces que les hausses d'impôts afin de stabiliser la dette de l’État et d'éviter les ralentissements économiques. Mieux, ils présentent plusieurs cas où la réduction des dépenses de l’État adoptée afin de réduire le déficit public a provoqué une forte croissance économique en lieu et place d’une récession.
Ce qu’il faut lire.
Connaissez vous un des principes des services secrets Brittanniques ?

Une fois c'est un hasard
Deux fois c'est une coincidence
Trois fois c'est une conspiration.

Toute la planète, depuis des dizaines d'années, suit le meme chemin.
Votre démonstration est pertinente, mais je pense que chercher une solution aux problèmes que vous mentionnez n'est pas l'objectif de ceux qui nous gouvernent.
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Très bon ce petit dicton des services secrets de sa Majesté.
Et j'ajouterais à votre commentaire : d'autant plus que ceux qui nous gouvernent sont gouvernés par ceux qui sont à l'origine des problèmes.
Nous ne vivons en effet pas à proprement parler dans un régime strictement libéral, non plus que socialiste, mais dans ce qu'on pourrait appeler du "capitalisme financier de copinage".
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Très bon ce petit dicton des services secrets de sa Majesté. Et j'ajouterais à votre commentaire : d'autant plus que ceux qui nous gouvernent sont gouvernés par ceux qui sont à l'origine des problèmes. Nous ne vivons en effet pas à proprement parler dans  Read more
boutros - 3/13/2012 at 5:51 AM GMT
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