Le
monde bancaire est à nouveau en émoi, et nous avec. Non
seulement en raison de sa nouvelle spectaculaire dégringolade
boursière, mais tout autant pour ce qui l’attend encore devant.
Pour
les Américains, le danger vient des filiales des banques
européennes, le risque étant que leurs capitaux soient
rapatriés d’urgence en Europe, pouvant ainsi les amener à
manquer à leurs engagements et contaminer les banques
américaines. Les fonds monétaires américains y
contribuent, qui restreignent leurs prêts aux établissements
européens – ou bien ne les accordent qu’à
très court terme – accroissant leurs difficultés de
financement.
En
Europe, tous les signaux clignotent. Les dépôts des banques
à la BCE restent très élevés (80 milliards
d’euro cette semaine), signe qu’elles
répugnent à prêter leurs liquidités à leurs
consoeurs, tandis que le spread
Euribor-OIS, indicateur de référence des tensions du
marché interbancaire, est à son plus haut niveau depuis 2009.
La BCE avait réactivé en mai dernier son offre en dollar et une
banque non identifiée qui l’a utilisé aujourd’hui
pour emprunter 500 millions de dollars à sept jours, signe que cette
dernière éprouve des difficultés à s’en
procurer pour honorer ses engagements, accréditant les
inquiétudes de la Fed.
Les
tensions financières ne sont pas au niveau de celles qui
étaient subitement apparues lors de la faillite de Lehman
Brothers, mais elles sont fortes et semble-t-il,
installées. Plaçant la BCE dans l’obligation de faire feu
de tout bois, en soutenant d’une main le marché obligataire par
ses achats de titres italiens et espagnols, et en tendant son autre
généreuse main secourable aux banques.
Les
marchés bruissent de rumeurs à
propos de ces achats et de leur poursuite. Convaincus que la BCE ne peut en
rester là si elle veut montrer sa détermination. Ce qui revient
à créer une situation nouvelle d’addiction pour
l’Italie et l’Espagne, dont l’accès au marché
obligataire est conditionné par la relance de ce programme que la BCE
avait suspendu. Ainsi qu’à rendre pour le moins incertain le
passage de relais qu’elle entend obtenir du Fonds de stabilité
financier européen, vu les ressources limitées de celui-ci.
Le
système bancaire européen marche à nouveau en crabe et
le marché obligataire n’est pas en meilleure posture. Même
si paradoxallement les taux des pays
considérés comme les plus solides continuent de baisser,
exprimant une profonde aversion au risque des investisseurs qui fuient
les bourses et se ruent vers les seuls refuges disponibles. Les rendements
des obligations américaines et allemandes sont même descendus en
dessous du taux d’inflation, ce qui signifie que ceux qui les
achètent préfèrent perdre de l’argent ! Il ne fait
pas bon, ces temps-ci, de disposer de capitaux…
Les
banques sont pourtant à la recherche des capitaux, mais elles ne
représentent pas le meilleur des placements, comme on peut le
constater, tandis que les investisseurs traditionnels menacent de faire
défaut. En application de Solvency II,
l’équivalent pour les compagnies d’assurance de Bâle
III pour les banques, les groupes d’assurance pourraient en effet vite
bouder les émissions de titres obligataires des banques, selon un
rapport de l’Institute of International Finance (IIF), cette nouvelle
réglementation entrant en vigueur en janvier 2013. Or les assurances
détiennent environ 60% de la dette des banques, qui sont
elles-mêmes à la recherche de 750 milliards de dollars pour
répondre aux nouvelles exigences de fonds propres qui sont les leurs.
Combinées, les deux réglementation
produisent un effet inattendu et désastreux, ce que la Banque des
règlements internationaux (BRI) avait déjà
souligné. Des accommodements sont à prévoir.
Le
balancier est à nouveau du côté du système
bancaire, qui espérait l’avoir repoussé. La crise de la
dette n’est pas seulement publique, elle est aussi privée et
réclame tout autant d’attention. Elle intervient alors que se
multiplient les signaux d’un nouveau ralentissement économique
touchant l’ensemble du monde occidental, qui s’approche
dangereusement de la récession. Ce fantôme que tous les
responsables politiques cherchent à exorciser.
Billet
rédigé par François Leclerc
Paul Jorion
(*) Un «
article presslib’ » est libre de
reproduction en tout ou en partie à condition que le présent
alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion
est un « journaliste presslib’ »
qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions.
Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui
tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.
|