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Banques : 1 – Irlande : 0

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Published : November 30th, 2010
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FOLLOW : Fmi Strauss Kahn
Category : Editorials

 

 

 

 

Résumant magistralement ce qu’il faut penser des chances de succès du plan de sauvetage divulgué hier soir dimanche, Christian Noyer, le gouverneur de Banque de France, a asséné qu’il n’avait « aucun doute » à ce propos. Venant de sa part, on n’en attendait pas moins. Dominique Strauss-Kahn et Olli Rehn (commissaire européen aux affaires économiques) s’y sont pour leur part mis à deux pour exprimer dans un communiqué commun qu’ils « soutenaient vigoureusement … le programme économique irlandais », préférant on ne sait pourquoi ne pas s’en attribuer la paternité.


Attendus pour plus tard, les commentaires des marchés n’étaient pas encore disponibles à l’heure où nous mettons sous presse. En Asie, l’euro était en petite forme au réveil, tenant péniblement debout avant de jouer au yo-yo.


Sans aucune ambiguïté, l’épilogue tout provisoire de la crise irlandaise se solde par une victoire à plate couture des banques européennes. En tant que créancières des banques irlandaises en totale déconfiture, elles ne sont pas atteintes (sauf à la marge, quand elles disposent d’obligations junior), tandis que les consœurs irlandaises vont continuer à être renflouées sur fonds publics. Les Irlandais payeront la très lourde addition. De manière significative, Christian Noyer, dans sa réaction au plan de sauvetage, a préféré évoquer pour l’Irlande « le boom puis la chute du marché immobilier », et s’en tenir pour la Grèce à « un problème de mauvaise gestion des finances publiques ». Les banques, moins on en parle, mieux cela vaut.


Un spectre semble avoir dominé les négociations menées au finish avant l’ouverture des marché de ce lundi matin : celui d’un défaut de payement irlandais. Non pas tant en raison des positions défendues par les négociateurs irlandais – qui s’en sont tenus au « réalisme » défendu par leur premier ministre en titre, Brian Cowen – qu’à cause de l’état d’esprit de l’opinion publique, qui s’est invitée à la table des négociations en participant à une manifestation réunissant selon les syndicats qui l’organisaient 150.000 personnes à Dublin (50.000 selon la police).


Publié par le Sunday Independent irlandais, un sondage révélait hier qu’une majorité de 57% des Irlandais estimait que le pays devrait faire défaut sur les remboursement de sa dette. Brian Cowen réagissant alors fermement en déclarant que « ce pays a une obligation et est dans la position de pouvoir payer ses dettes. [Faire défaut] aurait des conséquences gigantesques, bien au-delà de nos frontières. Nous ne sommes pas un pays irresponsable ».


Tout, ou presque, aura donc été fait pour que cette funeste perspective soit dans l’immédiat écartée. 85 milliards d’euros auront été mis sur la table afin de l’éviter, et une année supplémentaire de grâce aura été accordée afin que le déficit annuel de l’Irlande rentre en trois ans dans les clous à 3% du PIB (il est actuellement de 32%).


Tous les détails du plan – qui ne pourra toutefois entrer en vigueur que lorsque les irlandais auront adopté leur propre budget 2011 – ne sont pas encore connus, mais ses caractéristiques principales prêtent à réflexion. Afin de réunir l’enveloppe des 85 milliards d’euros, le gouvernement irlandais aura fait tapis en apportant 17,5 milliards. Symbole parfait, le fonds national de réserve pour les retraites aura été épongé pour l’occasion. A l’opposé, le fonds de stabilité européen aura été mis à contribution a minima, comme s’il fallait garder le maximum de cartouches de ce côté-là. Il n’apporte que 22,5 milliards, dans lesquels il faut comptabiliser l’aide bilatérale de plusieurs pays, la Grande-Bretagne, la Suède et le Danemark en ayant annoncé l’intention.


Le taux auquel ces fonds seront prêtés attire l’attention. Un taux moyen et flexible de 5,8% par an a été accordé, présenté comme en dessous des conditions actuelles de marché alors que le FMI annonce pour sa part de prêt d’également 22,5 milliards d’euros un taux de 3,12% pour les trois premières années (environ 4% ultérieurement). Laissant supposer, pour arriver à cette moyenne, que les conditions des autres prêts sont très élevées, ce qui devra être vérifié.


Réunis à Bruxelles à l’insistance des Français, alors qu’une conférence téléphonique était initialement prévue, les ministres des finances de la zone euro, puis de l’Union européenne, ont bien justifié leur déplacement. Une deuxième grosse affaire devait être réglée séance tenante, dans la perspective du sommet européen du 16 décembre prochain. Il fallait faire un sort à la proposition allemande d’obliger les banques à participer à de futures restructurations de dette par un Etat, à la faveur de ce qui est présenté comme un compromis résultant d’une conversation de dernière heure d’Angela Merkel et Nicolas Sarkozy. Tout le monde s’y est mis, en réalité, de Jean-Claude Trichet à Herman van Rompuy, en passant par Jean-Claude Juncker.


La question était décisive à un double titre : une restructuration ne pouvait absolument pas être exclue – une telle importance, sinon, ne serait pas accordée à la question – sa perspective créant sur les marchés un mauvais climat qu’il fallait assainir. Laissant pour la première fois depuis le début de la crise mondiale une épée de Damoclès planer au dessus de la tête du système financier.


Sur proposition des Français – on ne dira jamais assez leur contribution à la défense du système bancaire et sa transparence – les ministres ont donc adopté, pour confirmation par les chefs d’Etat, le principe qu’un tel mécanisme ne serait mis en œuvre qu’au « cas par cas ». Ouvrant grand la porte à l’hypothèse qu’il ne le soit pas. Ne laissant comme seule possibilité, si l’on comprend bien ce débat entouré de beaucoup de brouillard, que celle d’un rééchelonnement.


Cette décision doit être rapprochée d’une autre qui pourrait être prise jeudi prochain par le conseil des gouverneurs de la BCE. Ainsi que l’avait annoncé Jean-Claude Trichet, son président, la BCE pourrait annoncer pour la fin de l’année la suppression de ses facilités de distribution de liquidités à trois mois, en quantités illimitées et à 1% de taux d’intérêt. Le taux lui-même serait maintenu, le dispositif pour le reste modifié.


L’impact d’une telle décision sur les banques qui continuent de lui devoir leur survie serait énorme, ayant pour conséquence de fortement inciter les Etats à prendre la succession de la BCE pour éviter leur effondrement, s’il se confirmait qu’elle se retire. Ne conservant que des facilités à un mois, celle-ci prendrait donc l’initiative d’accélérer la prise en charge de l’addition de la crise financière par les finances publiques, tout en maintenant comme objectif hautement prioritaire la réduction des déficits du même nom.


La pression sur des pays comme le Portugal et l’Espagne serait alors maximum, leur donnant s’il en était besoin le coup de grâce et les précipitant dans les bras de l’Union européenne et du FMI.


Est-ce en prévision de cette situation que José Manuel Barroso, le président de la commission, a tenu à affirmer dès dimanche soir : « Nous avons tous les instruments, au cas où il y aurait d’autres crises » ? Ou qu’Olli Rehn déclarait que l’Union européenne devait discuter d’une « réponse systémique », faisant référence de manière à « des ramifications plus larges de la crise actuelle » (voulant dire irlandaise) ? Ou, pour y revenir, que le fonds de stabilité a été peu mis à contribution dans le cadre du soutien à l’Irlande ?


De deux choses l’une : cette volonté de placer hors d’atteinte, sur l’étagère du haut, les banques européennes laisse supposer qu’elles sont beaucoup plus fragiles qu’on ne le reconnait ; ou bien qu’elles font la pluie et le beau temps. Les deux n’étant d’ailleurs pas à la réflexion incompatibles ! Quoi qu’il en soit, elle va tendre à faire basculer une partie de la zone euro – qui en était déjà toute proche – dans la nécessité de faire appel à un soutien financier. Initiant une deuxième phase de la crise européenne au sein de laquelle le FMI pourrait être appelé à jouer un rôle grandissant. Chassé par la fenêtre, le spectre du défaut de remboursement de la dette rentrera alors par la porte de derrière.


Il serait temps que Wikileaks tourne ses grandes antennes vers de nouvelles cibles.


Billet rédigé par François Leclerc



Paul Jorion

pauljorion.com



(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.



Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).


 

 

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