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Pardon pour le
jeu de mot laid du titre, mais en juillet, je m'autorise quelque
relâche, question discipline verbale. Histoire de dire que je ne vous
abandonne pas, contrairement à certains qui profitent
honteusement de leurs vacances pour mettre leur blog en jachère, un
petit post, vite fait, bien fait, et surtout, pas trop fatigant à
produire.
Les ennuis des
banques américaines avec les prêts "titrisés",
c'est à dire contractés par une banque et revendus à une
autre (Fannie, Freddie, ou un établissement privé) pour
être "repackagés" en titres obligataires, ne sont pas
terminés.
Je vous ai déjà parlé de l'affaire
MERS, du nom de cette structure interbancaire mise
en place pour faciliter le "suivi" des créances que les
banques se sont vendues et revendues. En clair, MERS est censé savoir
qui détient un droit sur la maison hypothéquée dans le
cadre d'un crédit immobilier, sans que les banques soient, du moins le
croyaient-elles, obligées de tenir à jour toute la paperasse
afférentes à de tels transferts de créances.
Sauf que les promoteurs de MERS avaient pris leurs désirs pour des
réalités, et nombre de juges estiment que le fait de ne pas
avoir rempli leurs obligations auprès de l'équivalent local des
notaires (County Clerks) rend impossible la satisfaction des demandes de
saisie sur vente des maisons dont les propriétaires ne paient plus le
crédit. Sans acte notarié, pas de preuve du transfert de la
créance !
Or, après le Nevada et quelques autres états moins importants,
un tel jugement susceptible de faire jurisprudence vient d'être rendu en Californie,
l'état qui a émis le plus de crédit hypothécaires
titrisés -avec le Nevada-, et dont les banques sont de loin les plus
touchées par les faillites de propriétaires rendus
impécunieux par la crise.
Une association des défenseurs de propriétaires en
difficulté, "Foreclosure nationwide", estime que:
This opinion (NdVB: exprimée par le
tribunal) thus serves as a legal basis to challenge any
foreclosure in California based on a MERS assignment; to seek to void any
MERS assignment of the Deed of Trust or the note to a third party for
purposes of foreclosure; and should be sufficient for a borrower to not only
obtain a TRO against a Trustee’s Sale, but also a Preliminary
Injunction barring any sale pending any litigation filed by the borrower
challenging a foreclosure based on a MERS assignment.
En
clair, suite à ce jugement, toute faillite diligentée par le
groupement des plus grandes banques US dénommé "MERS"
en Californie pourrait être retardée sine die par le
propriétaire défaillant, lui laissant encore de nombreux mois
pour occuper sa maison sans la payer, le temps que la banque
détentrice remette toutes ses procédures de cession, qui
remontent parfois à plusieurs années, en règle... Or, le
délai moyen de résolution d'une faillite hypothécaire
aux USA est d'ores et déjà monté
à 449 jours, soit 15 mois.
A cela deux raisons: la première, officielle, est que les banques sont
débordées par l'afflux de dossiers. C'est sans doute vrai, mais
cela ne peut tout expliquer. La seconde, qui me paraît plus
essentielle, est que tant que le prêt sous jacent n'est pas
déclaré "NPL", "Non Performing Loan", il
apparait toujours à l'intégralité de sa valeur faciale
dans le bilan de la banque qui détient la créance (nonobstant les incertitudes
liées au MERS...). Celles ci tentent de retarder au
maximum le moment où il faudra bien déclarer un prêt
comme défaillant, et dégrader la créance correspondante
dans les comptes.
Dans le cas de l'affaire jugée par le tribunal californien, c'est
CitiBank, filiale de Citigroup, qui se voit refuser un droit à
créance sur une maison forclose. Or, c'est dans tout le pays que la
banque a enregistré des créances rachetées à
d'autres via le système MERS. Y-aura-t-il d'autres jugements similaires
? Que valent réellement les bilans de Citi dans ces conditions ?
Le dernier rebondissement de l'affaire MERS ne va pas arranger les affaires
des banques "détentrices" (les guillements sont
désormais de rigeur) de créances hypothécaires via le MERS...
Cela ne va pas inciter les propriétaires désireux de ne plus
payer le crédit de maisons achetées trop cher à plus de
civisme.
A ce niveau d'incompétence, si le monde était bien fait, les
dirigeants bancaires qui ont élaboré le système MERS
devraient être trainés en justice par leurs déposants,
créanciers et actionnaires.
Vincent
Bénard
Objectif Liberte.fr
Vincent Bénard, ingénieur
et auteur, est Président de l’institut Hayek (Bruxelles, www.fahayek.org) et Senior Fellow de Turgot (Paris, www.turgot.org), deux thinks tanks francophones
dédiés à la diffusion de la pensée
libérale. Spécialiste d'aménagement du territoire, Il
est l'auteur d'une analyse iconoclaste des politiques du logement en France, "Logement,
crise publique, remèdes privés", ouvrage publié
fin 2007 et qui conserve toute son acuité (amazon), où il
montre que non seulement l'état déverse des milliards sur le
logement en pure perte, mais que de mauvais choix publics sont directement
à l'origine de la crise. Au pays de l'état tout puissant, il
ose proposer des remèdes fondés sur les mécanismes de
marché pour y remédier.
Il est l'auteur du blog "Objectif
Liberté" www.objectifliberte.fr
Publications :
"Logement: crise publique,
remèdes privés", dec 2007, Editions Romillat
Avec Pierre de la Coste : "Hyper-république,
bâtir l'administration en réseau autour du citoyen", 2003, La doc
française, avec Pierre de la Coste
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