Pour
les décennies à venir, la centrale de Fukushima va-t-elle
rester une machine à produire de l’eau contaminée fuyant
de partout ? Actuellement, seulement une partie de celle-ci est
récupérée, pour être partiellement
décontaminée avant d’être utilisée pour le
refroidissement des réacteurs selon un circuit qui n’est pas
fermé, en raison de fuites à des endroits encore à
localiser ou bien connues et ne pouvant pas être arrêtées.
Des
stocks d’eau contaminée estimés entre 100.000 et 120.000
tonnes se sont également accumulés au fil des mois dans les
sous-sols de la centrale. Tepco, la compagnie
exploitante, ne parvient pas à empêcher cet accroissement
continu, car 150 à 200 tonnes d’eau sont injectées par
jour et par réacteur afin de refroidir les installations. Pourtant
180.000 tonnes d’eau contaminées seront par ailleurs
stockées dans des réservoirs alignés à perte de
vue sur le site, d’ici à la fin juillet prochain.
Tepco cherche en premier lieu à
localiser les fuites afin de les obstruer.. Elle y
est parvenu lorsqu’elle a trouvé, le 5
avril dernier, une canalisation souple rompue, dont se sont
échappées vers la mer douze tonnes d’eau
contaminée au strontium. Elle a pu la constater dans le
réacteur n°3 sans rien pouvoir y faire, en envoyant la semaine
dernière un robot dans celui-ci, pour découvrir que le bouchon
d’un sas permettant d’accéder à
l’intérieur de l’enceinte de confinement était
déplacé et que de l’eau contaminée s’en
était échappée. Elle ne l’a par contre pas
trouvé lorsqu’elle a envoyé un autre robot inspecter le tore du réacteur n°2, après
une inspection de sa partie supérieure, seule accessible. La recherche
des fuites au sein des bâtiments des réacteurs va se poursuivre,
avec comme objectif de si possible les colmater afin qu’elles ne
fassent pas obstacle aux futurs travaux de démantèlement.
Mais
l’envahissement des sous-sols de la centrale par des masses d’eau
contaminée est encore une autre affaire, ayant déjà
conduit la compagnie à demander aux autorités
l’autorisation de procéder à des déversements
d’eau contaminée dans la mer, qui lui a été
refusée. L’eau contaminée présente dans les
sous-sols pénètre en permanence dans les sols et atteint la
nappe phréatique, ainsi que la mer, sans que rien ne puisse
l’empêcher.
Tepco vient d’annoncer le creusement
autour des réacteurs de quatorze puits destinés à forer
l’eau de la nappe phréatique située sous le site de la
centrale afin de rejeter, dès cet automne quand ils seront
terminés, 1.000 tonnes d’eau par jour dans la mer.
L’objectif serait d’éviter que la remontée
quotidienne de 200 à 400 tonnes d’eau de la nappe qui a
été constatée dans les sous-sols de la centrale
n’aboutisse sous cet effet au débordement sur le site ou dans la
mer de l’eau contaminée qui s’y trouve. En
prévision d’une telle éventualité, Tepco va d’ailleurs débuter les travaux de
construction d’une digue composée d’éléments
métalliques, parallèle au rivage et courant sur tout le long de
la centrale, destinée à contenir l’eau contaminée
qui pourrait se déverser dans la mer. Sans préciser ce qui
serait fait ensuite.
De
l’eau se trouve d’après les études
géologiques en abondance sous la centrale, se déversant
finalement dans la mer en raison de la couche de grès en pente sur
laquelle elle circule. Rendant vraisemblable le fait que de l’eau
contaminée provenant de la centrale suive désormais le
même cheminement. Mais Tepco ne communique
plus depuis plus d’un an sur la pollution de la nappe
phréatique, après avoir reconnu à l’époque
qu’elle était polluée à 15 mètres de
profondeur par de l’iode radioactif. Le 5 avril, Tepco
a annoncé avoir découvert du tritium (un
radioélément) au fonds d’un puits situé à
500 mètres des réacteurs, qui n’y était pas en
novembre dernier. Cela laisse peu de doute sur la pollution de l’eau
qui sera pompée dans la nappe phréatique avant
d’être rejetée dans la mer. Comme si, dans le cas
où une contamination est avérée, Tepco
n’avait comme choix que de déverser dans la mer de l’eau
plus ou moins fortement contaminée, suivant qu’elle provient des
sous-sols ou qu’elle est pompée dans la nappe phréatique
à distance de ceux-ci…
Les
rares informations disponibles à propos de la pollution de la mer
mettent l’accent sur la rapide dilution de celle-ci qui serait
intervenue grâce à la présence d’un très
fort courant marin à l’aplomb de la centrale, des moyens de
rétention ayant été installés dans la mer devant
les réacteurs par Tepco. Consécutives
aux plus importants rejets radioactifs provenant de la centrale, les analyses
effectuées en juin 2011 par un navire océanographique
américain en ont fait état. La surveillance du littoral et des
produits de la mer (crustacés, poissons et algues) va en tout
état de cause être nécessaire pendant de longues
années, en raison du dépôt sur les sols marins de partie
des radionucléides. Un vaste secteur maritime, comme d’ailleurs
de nombreux cours d’eau et de larges étendues terrestres autour
de Fukushima, témoignent désormais et pour longtemps
d’une activité radioactive accrue, souvenirs du 11 mars 2011 et
de ce qui s’en suivit et dont les Japonais se seraient passés.
La
forte contamination constatée au sein des réacteurs – qui
interdit dans de larges sections toute présence humaine et la limite
très fortement dans d’autres – ainsi que les fuites et la
menace de débordement des eaux contaminées du sous-sol sur le
site de la centrale représentent deux obstacles de taille aux
opérations de démantèlement à venir.
L’opérateur va devoir trouver les moyens de faire avec la
première et de solutionner les secondes.
La
longue histoire du démantèlement sans précédent
de quatre réacteurs, annoncée pour durer 40 ans et sans savoir
où l’on va, ne fait que commencer. Avec trois coriums en vadrouille totalisant environ 250 tonnes de
matière très hautement radioactive et une piscine
bourrée de plus de 1.500 barres de combustible nucléaire
susceptibles d’être dégainées (faisant redouter des
incidents de criticité, avec le risque du feu au contact de
l’air si la piscine s’écroulait).
Dans
l’immédiat, Tepco court après
les problèmes au fur et à mesure qu’elle affecte de les
découvrir, ne parvenant pas à maîtriser la situation.
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