Grande
nouveauté dans l’histoire de la BCE : des fuites ont
donné dès hier les grandes lignes de son nouveau programme
d’achats de titres de dette souveraine. À croire qu’il
était nécessaire de préparer le terrain, les
décisions de la BCE étant en deçà de certaines
des spéculations qui s’étaient manifestées.
Le
montant de ces achats obligataires sur le second marché seront
illimités, selon Mario Draghi, mais il faut
relativiser la portée de cette annonce : ils seront en effet
décidés au coup par coup et non en fonction du franchissement
de tel ou tel seuil, leur taux d’intérêt ou leur spread par exemple. Il se confirme par ailleurs
qu’ils porteront sur des titres de un à trois ans de
maturité, ce que le marché avait bien anticipé ces jours
derniers, à considérer le résultat des émissions
intervenues.
Plus
délicat, Mario Draghi a affirmé que
si un pays bénéficiant de ces achats destinés à
stabiliser le taux d’intérêt de sa dette venait à
sortir des rails du plan de sauvetage, auquel il doit avoir
préalablement souscrit, les achats de la BCE cesseraient. Ce qui est
plus facile à dire maintenant qu’à faire le jour venu,
à voir les atermoiements actuels autour de la Grèce. La BCE va
par ailleurs continuer à »stériliser » ces achats
afin de ne pas augmenter la masse monétaire, mais ce dispositif
demande être examiné de plus près (nous y reviendrons).
En fin de compte, les garanties données à ceux qui craignent
que cette intervention puisse dissuader les États de faire preuve de
la rigueur nécessaire, ou qu’elle puisse être
inflationniste, sont assez formelles.
Deux
autres décisions ont été prises, qui ne doivent pas
être escamotées par les précédentes. L’une
est l’abandon de la « séniorité », la
priorité de remboursement de la BCE sur les autres investisseurs, qui
leur garantit un traitement équivalent en cas de défaut ou de
restructuration. Que celle-ci ait une telle importance reflète
l’inquiétude dont les investisseurs continuent de faire preuve.
L’autre est la suppression de tout seuil d’acceptabilité
des actifs apportés par les banques en garantie. Cette dernière
disposition fait de la BCE une bad bank de rêve et va permettre aux banques de
continuer à lui emprunter des fonds sans plus avoir à se soucier
de fournir du collatéral qui commençait à faire
défaut. Accessoirement, elle va aussi garantir les achats de titres
des États menacés sur le marché, puisqu’ils
pourront être apportés en garantie à la BCE ensuite (sauf
pour les titres grecs, a-t-il été précisé).
Les
Espagnols et les Italiens, au premier chef concernés, n’ont pas
encore commenté ce nouveau programme. Celui-ci laisse entière
la question des contreparties qui seront demandées aux gouvernements
pour que la BCE entre en action. Mario Draghi a seulement
évoqué l’appui qui allait être demandé au
FMI par la BCE, ce qui peut être compris de différentes
manières dans l’immédiat, étant donnée la
souplesse d’application de la stratégie de rigueur que le fonds
a préconisée à différentes reprises. Dans l’immédiat,
les marchés sont à la détente, mais
l’expérience a appris qu’il ne fallait pas s’y fier.
Billet
rédigé par François Leclerc
Son livre, Les
CHRONIQUES DE LA GRANDE PERDITION vient de
paraître
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