Jim Bianco, le président de Bianco Research, met en garde contre les interventions monétaires de moins en moins conventionnelles. Il craint de voir le ralentissement mondial s’empirer tout en voyant des opportunités sur les obligations à long terme et l’or. C’est ce qu’il a expliqué dans cette interview accordée au média suisse The Market, dont voici certains morceaux choisis :
« Nous vivons dans un monde globalisé. Si le Japon et l’Europe éprouvent des difficultés, si la planète a un problème, cela finira par atteindre les États-Unis », a déclaré Jim Bianco.
D’après le stratégiste macro de renommée internationale, la plus grosse menace qui pèse sur les États-Unis est l’inversement de la courbe des rendements. « Il s’agit de la façon des marchés de dire que le taux directeur est trop élevé, qu’il doit baisser », a-t-il dit. Selon lui, la FED devrait baisser les taux américains de 0,5 % à sa prochaine réunion (Bianco a d’ailleurs été interviewé en mai pour occuper l’une des places vacantes au Conseil des Gouverneurs de la FED). Il met cependant en garde contre le recours aux taux négatifs à l’occasion de la prochaine récession , car selon lui ils paralyseraient le système financier mondial.
Pourquoi la FED ne bouge pas ?
Selon Bianco, le gros problème de la FED est qu’elle se concentre sur les statistiques économiques américaines pour prendre ses décisions alors que nous vivons dans un environnement mondialisé. Les risques de récession ne sont pas à chercher du côté des chiffres US, mais des taux internationaux. Les investisseurs obligataires prennent en compte ce facteur international, ce qui explique pourquoi la courbe des rendements s’est inversée aux États-Unis.
Selon lui, la situation de la FED aujourd’hui n’est pas différente de celles que nous avons connues par le passé : le marché a toujours un temps d’avance, elle n’anticipe jamais les coups durs et doit toujours parer au plus pressé lorsqu’elle se retrouve devant le fait accompli.
Des taux négatifs aux États-Unis ?
Concernant les taux négatifs, à la question de savoir si la FED devrait y avoir recours en cas de récession la réponse de Bianco est sans équivoque :
« Je pense que les taux d’intérêt négatifs sont extrêmement toxiques pour le système financier. Les économistes et la FED commettent l’erreur de les considérer du point de vue des emprunteurs. Bien sûr, lorsque vous empruntez, plus le taux est bas mieux c’est, et si c’est négatif c’est encore mieux. Je suis d’accord avec cela.
En revanche, qu’en est-il du point de vue du système financier ? D’où cet argent va-t-il venir ? Du système financier, donc des prêteurs. Le système financier a été bâti en partant du principe que les taux sont positifs. Ce sera donc un gros problème. Le système bancaire ne peut pas fonctionner normalement avec des taux négatifs, tout comme les systèmes de retraite.
De plus, tous les modèles de valorisation qui ont été inventés, que ce soit celui de la FED, des actions ou même des options de Black-Scholes, tout cela ne fonctionne pas avec les taux négatifs. Tout simplement parce que cette éventualité n’a pas été prise en compte dans leur élaboration. »
Des fissures dans les établissements
bancaires européens
Les conséquences des taux négatifs sont déjà visibles en Europe, selon Bianco. « Les banques allemandes s’en plaignent avec grand bruit auprès de la BCE. La seule chose qui leur permet de tenir debout est la possibilité d’obtenir du rendement aux États-Unis, en Grande-Bretagne et dans d’autres pays. Aujourd’hui, 94 % de tous les intérêts perçus dans le monde développé proviennent de la dette américaine. Cela explique pourquoi des banques comme UBS et Credit Suisse peuvent survivre malgré des taux largement négatifs en Suisse. Lorsqu’elles perdront cette opportunité, elles éprouveront de grandes difficultés, comme les autres banques. Si les États-Unis entraient en récession et avaient recours aux taux négatifs, cela ferait énormément de tort au système bancaire international. »
Sur le dollar
Concernant le dollar, Bianco se positionne en tant que « bull modéré ». Selon lui, le rendement positif des obligations américaines offre un support structurel important au billet vert. Il ne le voit donc pas s’affaiblir de façon substantielle.
Que doivent faire les investisseurs dans
un tel environnement ?
« Les investisseurs doivent comprendre qu’en raison du ralentissement économique, le prix des obligations va continuer de grimper, ce qui devrait engendrer des taux encore plus négatifs en Europe. Ceux-ci ont permis d’engranger de belles plus-values sur les obligations. »
En ce qui concerne l’or, voici ce que
Bianco en dit :
« L’or affiche une corrélation presque parfaite avec la quantité de dettes à taux négatif dans le monde. Si les taux continuent de baisser, si les taux négatifs deviennent toujours plus courants, cela sera positif pour l’or, il continuera de grimper. Durant les 5.000 années de son histoire, le plus gros problème du métal jaune fut son absence de rendement. Aujourd’hui, l’or est une option à rendement élevé en raison des taux négatifs. Tant que l’économie mondiale continue de ralentir, que le dossier des droits de douane n’est pas résolu et que la FED manque d’agressivité, je vois le métal jaune atteindre les 1700 ou 1800 $ durant le dernier trimestre de 2019. Il pourrait même dépasser les 1900 $ d’ici la fin de l’année. »