Selon les analyses
conventionnelles, l’un des facteurs clés de la détermination des taux de
change est l’état de la balance des paiements. Il est dit que tant que les
Etats-Unis conserveront un important déficit commercial, qui s’élevait à 48,5
milliards de dollars en janvier 2017, des pressions continueront d’être
exercées sur le taux de change du dollar contre les autres devises.
Selon cette logique, une hausse
des importations fait grimper la demande en devises étrangères. Pour obtenir
ces devises étrangères, les importateurs vendent de leur devise domestique.
Ce qui mène évidemment au renforcement du taux de change des devises
étrangères contre la devise domestique.
A l’inverse, si les exportations
grimpent, une fois que les exportateurs échangent leurs réserves de devises
étrangères contre des unités de devise domestique, le taux de change de la
devise domestique se renforce contre les devises étrangères.
Selon cette ligne de pensée, les
exportateurs déterminent l’offre de devises étrangères, alors que les
importateurs déterminent la demande en devises étrangères. Ainsi, les
interactions entre l’offre et la demande permettent l’établissement d’un taux
de change.
Nous pouvons donc dire que
l’état de la balance des paiements, qui est le résultat des exportations et
des importations, est un déterminant clé des taux de change.
Importateurs et exportateurs,
et demande et offre de devises étrangères
Est-il correct de dire que
l’offre de devises étrangères et déterminée par les exportateurs, alors que
la demande en devises étrangères est déterminée par les importateurs ?
Ou, par exemple, que la demande
en yens n’émane pas seulement des importateurs américains de produits et
services japonais, mais aussi des Japonais eux-mêmes ?
Toutes les activités économiques
qui ont lieu au Japon font grimper la demande en monnaie japonaise – le yen.
Un fabricant japonais de chaussures exerce sa demande en monnaie en vendant
ses produits contre des yens, qu’il utilise ensuite pour s’acheter d’autres
biens et services.
De la même manière, les
producteurs d’autres biens et services exercent leur demande en monnaie en
échangeant leurs biens et services contre de la monnaie, qu’ils échangent
ensuite contre d’autres biens et services.
D’où viennent les devises
étrangères telles que le yen et l’euro ? Au sein du système monétaire
moderne, elles proviennent des politiques des banques centrales et du système
bancaire de réserve fractionnaire. La quantité de yens et d’euros en existence
est déterminée par leurs banques centrales et système bancaire de réserves
fractionnaires respectifs, et n’a rien à voir avec les activités des
exportateurs.
Toutes choses étant égales par
ailleurs, les politiques monétaires respectives des banques centrales
déterminent le pouvoir d’achat de leurs monnaies. Et donc les taux de change.
Voici comment :
Pouvoir d’achat relatif de la
monnaie et taux de change
Le prix d’un panier de biens est
la quantité de monnaie payée pour ce panier de biens. Nous pouvons également
dire que la quantité de monnaie payée pour ce panier de biens représente le
pouvoir d’achat de la monnaie en termes de ce panier de biens.
Si, aux Etats-Unis, le prix d’un
panier de biens est un dollar, et qu’un panier de biens identiques est vendu
pour 2 euros en Europe, alors le taux de change entre le dollar et l’euro est
de deux euros pour un dollar.
Un important facteur de la
détermination du pouvoir d’achat d’une monnaie est l’offre de monnaie. Si, au
fil du temps, le taux de croissance de la masse monétaire américaine excède
le taux de croissance de la masse monétaire de l’euro, le dollar souffre de
pressions.
Parce que le prix d’un bien est
la quantité de monnaie versée pour une unité de bien, cela signifie que les
prix des biens en dollars augmentent plus rapidement que les prix des biens
en euros.
Un autre facteur important de la
détermination du pouvoir d’achat de la monnaie et du taux de change est la
demande en monnaie. Par exemple, si la production de biens augmente, la
demande en monnaie augmente également.
La demande en services rendus
par le moyen d’échange augmente, parce que davantage de biens peuvent être
achetés. En conséquence, pour une quantité donnée de monnaie, le pouvoir
d’achat de la monnaie augmente. Il faut moins de monnaie pour acheter un même
bien.
Au sein d’une économie
domestique, chaque individu est à la fois un exportateur et un importateur.
Les individus qui produisent et vendent des biens et services à d’autres
individus peuvent être perçus comme des exportateurs de ces biens et
services, alors que ceux qui achètent ces biens et services peuvent être
observés comme étant des importateurs.
Parce qu’au sein d’une économie
domestique, chaque individu est à la fois un exportateur (un vendeur) et un
importateur (un acheteur), l’état de ses achats et de ses ventes peut être
vérifié par la balance domestique des paiements. Notez que cette balance des
paiements ne modifie par le pouvoir d’achat de la monnaie d’un pays. La
raison en est que, pour une quantité de monnaie donnée, un individu qui a
vendu des biens a augmenté sa demande en monnaie, alors que celui qui a
acheté ces biens a réduit sa demande en monnaie. Il n’y a en conséquence
aucune transformation de la demande générale en monnaie.
Cela signifie que, pour une quantité
donnée de monnaie et une demande inchangée en monnaie, le pouvoir d’achat
d’une monnaie demeure inchangé.
Comme pour les balances des
paiements au sein d’un pays, la balance des paiements entre deux pays ne
cause aucune transformation des pouvoirs d’achats respectifs de leurs
monnaies, et ne détermine pas les taux de change.
Nous pouvons en effet voir que
la réduction du déficit commercial des Etats-Unis avec le Japon entre juin
2007 et février 2009 a été associé avec un déclin du taux de change du dollar
contre le yen – moins de yens étaient nécessaires pour acheter un
dollar ; ce qui est exactement le contraire que ce que veut la
conceptualisation populaire.
Entre mars 2012 et janvier 2017,
un resserrement du déficit commercial des Etats-Unis avec le Japon a été
associé à un renforcement du dollar contre le yen, ce qui correspond à la
théorie conventionnelle. Ce qui est évident ici, c’est qu’il n’existe aucune
relation observable qui soutient la théorie conventionnelle concernant la
balance des paiements et le taux de change.
Création monétaire et taux de
change
Imaginons que le taux de change
entre le dollar et le yen soit de un pour un, c’est-à-dire un dollar pour un
yen, et qu’il corresponde aux pouvoirs d’achats respectifs du dollar et du
yen.
Imaginons également que de la
monnaie soit créée à partir de rien aux Etats-Unis et que les importateurs
américains emploient cette nouvelle monnaie pour acheter des yens. En cours
de route, le taux de change du yen contre le dollar passe à deux dollars pour
un yen. Avec leurs yens, les Américains s’achètent des biens japonais. La
balance commerciale entre les Etats-Unis et le Japon devient déficitaire. Ce
que nous avons ici est un échange de rien contre quelque chose. Les
Américains échangent leur monnaie, qui n’est garantie par rien, contre des
produits japonais.
Les Japonais éprouvent ensuite
des difficultés à se procurer les produits américains avec leurs dollars,
puisque ces dollars ne sont pas garantis par la production. Ce qui se
manifeste par une hausse des prix des biens aux Etats-Unis. Ainsi, au travers
de leurs dollars sans valeur, les Américains ont détourné vers eux-mêmes des
ressources réelles depuis le Japon.
En conséquence, ce que nous
avons ici est un déclin du pouvoir d’achat américain, un déclin du taux de
change du dollar contre le yen et un élargissement du déficit commercial des
Etats-Unis avec le Japon.
Notez que la théorie
conventionnelle attribuerait cette faiblesse du dollar contre le yen au
déficit commercial américain.
Comme nous l’avons vu, cette
logique constitue une explication erronée du déclin du dollar, parce qu’elle
ignore le pouvoir d’achat relatif du dollar. Tout écart du taux de change
avec le taux déterminé par le pouvoir d’achat relatif de la monnaie déclenche
un processus d’arbitrage qui vient annuler cet écart.
La balance commerciale comme
indicateur de redistribution de capital
Notez que bien que la balance
commerciale ne détermine pas le taux de change, elle fournit une indication
de l’étendue des abus monétaires par la banque centrale. Elle fournit une
indication du détournement de capital réel étranger vers le pays engagé dans
des politiques monétaires insouciantes.
Parce que le dollar est le plus
accepté des moyens d’échange, les politiques monétaires de la banque centrale
américaine sont un important moyen de détournement de capital réel depuis les
étrangers vers les Américains.
Au troisième trimestre de 2016,
les réserves de dollars en termes de pourcentage des réserves de devises
étrangères globales s’élevaient à 63%. Notez qu’au deuxième trimestre de
2001, ce pourcentage était de près de 73%.
Le déclin de la popularité du
dollar est un important facteur du déclin du détournement de capital réel
depuis les étrangers vers les Américains.
Ce déclin continue d’affecter le
niveau de vie des Américains qui ont bénéficié de ce détournement de capital
depuis le reste du monde.
Une fois de plus, en imprimant
le plus populaire des moyens d’échanges internationaux, la banque centrale
des Etats-Unis permet aux premiers destinataires de ces nouveaux dollars, qui
sont les Américains, de détourner du capital réel depuis le reste du monde.
Dans le cadre d’un taux de
change fixe, une création monétaire excessive par la banque centrale d’une
nation mène à une ruée vers la devise de ce pays, qui met finalement fin à
ses politiques monétaires laxistes.
En revanche, dans le cadre d’un
système de taux de change flottants, les ajustements des taux de changes sont
réguliers, et il faut un certain temps pour voir émerger une crise.
Et si toutes les banques
centrales coordonnent leurs politiques monétaires, comme c’est le cas
aujourd’hui, la crise peut être évitée pendant plus longtemps encore.
Ce n’est que si les banques
centrales mettent fin à la coordination de leurs politiques monétaire qu’un
déclin des devises et une crise économique peuvent émerger – chose qui se
passe lorsqu’une banque centrale se met à imprimer plus agressivement.
Dans le cadre d’un système de
changes flottants, au travers de la coordination de leurs politiques
monétaires par les banques centrales, ces dernières peuvent créer une
illusion de stabilité monétaire.
Plus le système actuel de taux
de change flottants perdurera, plus les dommages qui seront infligés aux
producteurs de capital seront lourds. Notre seule manière de nous en sortir
sera un retour à une monnaie choisie par le marché, qui se trouve être l’or.