Bien comprendre la création monétaire et la balance commerciale

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Frank Shostak
From the Archives : Originally published March 22nd, 2017
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Selon les analyses conventionnelles, l’un des facteurs clés de la détermination des taux de change est l’état de la balance des paiements. Il est dit que tant que les Etats-Unis conserveront un important déficit commercial, qui s’élevait à 48,5 milliards de dollars en janvier 2017, des pressions continueront d’être exercées sur le taux de change du dollar contre les autres devises.

Selon cette logique, une hausse des importations fait grimper la demande en devises étrangères. Pour obtenir ces devises étrangères, les importateurs vendent de leur devise domestique. Ce qui mène évidemment au renforcement du taux de change des devises étrangères contre la devise domestique.

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A l’inverse, si les exportations grimpent, une fois que les exportateurs échangent leurs réserves de devises étrangères contre des unités de devise domestique, le taux de change de la devise domestique se renforce contre les devises étrangères.

Selon cette ligne de pensée, les exportateurs déterminent l’offre de devises étrangères, alors que les importateurs déterminent la demande en devises étrangères. Ainsi, les interactions entre l’offre et la demande permettent l’établissement d’un taux de change.

Nous pouvons donc dire que l’état de la balance des paiements, qui est le résultat des exportations et des importations, est un déterminant clé des taux de change.

Importateurs et exportateurs, et demande et offre de devises étrangères

Est-il correct de dire que l’offre de devises étrangères et déterminée par les exportateurs, alors que la demande en devises étrangères est déterminée par les importateurs ?

Ou, par exemple, que la demande en yens n’émane pas seulement des importateurs américains de produits et services japonais, mais aussi des Japonais eux-mêmes ?

Toutes les activités économiques qui ont lieu au Japon font grimper la demande en monnaie japonaise – le yen. Un fabricant japonais de chaussures exerce sa demande en monnaie en vendant ses produits contre des yens, qu’il utilise ensuite pour s’acheter d’autres biens et services.

De la même manière, les producteurs d’autres biens et services exercent leur demande en monnaie en échangeant leurs biens et services contre de la monnaie, qu’ils échangent ensuite contre d’autres biens et services.

D’où viennent les devises étrangères telles que le yen et l’euro ? Au sein du système monétaire moderne, elles proviennent des politiques des banques centrales et du système bancaire de réserve fractionnaire. La quantité de yens et d’euros en existence est déterminée par leurs banques centrales et système bancaire de réserves fractionnaires respectifs, et n’a rien à voir avec les activités des exportateurs.

Toutes choses étant égales par ailleurs, les politiques monétaires respectives des banques centrales déterminent le pouvoir d’achat de leurs monnaies. Et donc les taux de change. Voici comment :

Pouvoir d’achat relatif de la monnaie et taux de change

Le prix d’un panier de biens est la quantité de monnaie payée pour ce panier de biens. Nous pouvons également dire que la quantité de monnaie payée pour ce panier de biens représente le pouvoir d’achat de la monnaie en termes de ce panier de biens.

Si, aux Etats-Unis, le prix d’un panier de biens est un dollar, et qu’un panier de biens identiques est vendu pour 2 euros en Europe, alors le taux de change entre le dollar et l’euro est de deux euros pour un dollar.

Un important facteur de la détermination du pouvoir d’achat d’une monnaie est l’offre de monnaie. Si, au fil du temps, le taux de croissance de la masse monétaire américaine excède le taux de croissance de la masse monétaire de l’euro, le dollar souffre de pressions.

Parce que le prix d’un bien est la quantité de monnaie versée pour une unité de bien, cela signifie que les prix des biens en dollars augmentent plus rapidement que les prix des biens en euros.

Un autre facteur important de la détermination du pouvoir d’achat de la monnaie et du taux de change est la demande en monnaie. Par exemple, si la production de biens augmente, la demande en monnaie augmente également.

La demande en services rendus par le moyen d’échange augmente, parce que davantage de biens peuvent être achetés. En conséquence, pour une quantité donnée de monnaie, le pouvoir d’achat de la monnaie augmente. Il faut moins de monnaie pour acheter un même bien.

Au sein d’une économie domestique, chaque individu est à la fois un exportateur et un importateur. Les individus qui produisent et vendent des biens et services à d’autres individus peuvent être perçus comme des exportateurs de ces biens et services, alors que ceux qui achètent ces biens et services peuvent être observés comme étant des importateurs. 

Parce qu’au sein d’une économie domestique, chaque individu est à la fois un exportateur (un vendeur) et un importateur (un acheteur), l’état de ses achats et de ses ventes peut être vérifié par la balance domestique des paiements. Notez que cette balance des paiements ne modifie par le pouvoir d’achat de la monnaie d’un pays. La raison en est que, pour une quantité de monnaie donnée, un individu qui a vendu des biens a augmenté sa demande en monnaie, alors que celui qui a acheté ces biens a réduit sa demande en monnaie. Il n’y a en conséquence aucune transformation de la demande générale en monnaie.

Cela signifie que, pour une quantité donnée de monnaie et une demande inchangée en monnaie, le pouvoir d’achat d’une monnaie demeure inchangé.

Comme pour les balances des paiements au sein d’un pays, la balance des paiements entre deux pays ne cause aucune transformation des pouvoirs d’achats respectifs de leurs monnaies, et ne détermine pas les taux de change.

Nous pouvons en effet voir que la réduction du déficit commercial des Etats-Unis avec le Japon entre juin 2007 et février 2009 a été associé avec un déclin du taux de change du dollar contre le yen – moins de yens étaient nécessaires pour acheter un dollar ; ce qui est exactement le contraire que ce que veut la conceptualisation populaire.

Entre mars 2012 et janvier 2017, un resserrement du déficit commercial des Etats-Unis avec le Japon a été associé à un renforcement du dollar contre le yen, ce qui correspond à la théorie conventionnelle. Ce qui est évident ici, c’est qu’il n’existe aucune relation observable qui soutient la théorie conventionnelle concernant la balance des paiements et le taux de change.

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Création monétaire et taux de change

Imaginons que le taux de change entre le dollar et le yen soit de un pour un, c’est-à-dire un dollar pour un yen, et qu’il corresponde aux pouvoirs d’achats respectifs du dollar et du yen.

Imaginons également que de la monnaie soit créée à partir de rien aux Etats-Unis et que les importateurs américains emploient cette nouvelle monnaie pour acheter des yens. En cours de route, le taux de change du yen contre le dollar passe à deux dollars pour un yen. Avec leurs yens, les Américains s’achètent des biens japonais. La balance commerciale entre les Etats-Unis et le Japon devient déficitaire. Ce que nous avons ici est un échange de rien contre quelque chose. Les Américains échangent leur monnaie, qui n’est garantie par rien, contre des produits japonais.

Les Japonais éprouvent ensuite des difficultés à se procurer les produits américains avec leurs dollars, puisque ces dollars ne sont pas garantis par la production. Ce qui se manifeste par une hausse des prix des biens aux Etats-Unis. Ainsi, au travers de leurs dollars sans valeur, les Américains ont détourné vers eux-mêmes des ressources réelles depuis le Japon.

En conséquence, ce que nous avons ici est un déclin du pouvoir d’achat américain, un déclin du taux de change du dollar contre le yen et un élargissement du déficit commercial des Etats-Unis avec le Japon.

Notez que la théorie conventionnelle attribuerait cette faiblesse du dollar contre le yen au déficit commercial américain.

Comme nous l’avons vu, cette logique constitue une explication erronée du déclin du dollar, parce qu’elle ignore le pouvoir d’achat relatif du dollar. Tout écart du taux de change avec le taux déterminé par le pouvoir d’achat relatif de la monnaie déclenche un processus d’arbitrage qui vient annuler cet écart.

La balance commerciale comme indicateur de redistribution de capital

Notez que bien que la balance commerciale ne détermine pas le taux de change, elle fournit une indication de l’étendue des abus monétaires par la banque centrale. Elle fournit une indication du détournement de capital réel étranger vers le pays engagé dans des politiques monétaires insouciantes.

Parce que le dollar est le plus accepté des moyens d’échange, les politiques monétaires de la banque centrale américaine sont un important moyen de détournement de capital réel depuis les étrangers vers les Américains.

Au troisième trimestre de 2016, les réserves de dollars en termes de pourcentage des réserves de devises étrangères globales s’élevaient à 63%. Notez qu’au deuxième trimestre de 2001, ce pourcentage était de près de 73%.

Le déclin de la popularité du dollar est un important facteur du déclin du détournement de capital réel depuis les étrangers vers les Américains.

Ce déclin continue d’affecter le niveau de vie des Américains qui ont bénéficié de ce détournement de capital depuis le reste du monde.

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Une fois de plus, en imprimant le plus populaire des moyens d’échanges internationaux, la banque centrale des Etats-Unis permet aux premiers destinataires de ces nouveaux dollars, qui sont les Américains, de détourner du capital réel depuis le reste du monde. 

Dans le cadre d’un taux de change fixe, une création monétaire excessive par la banque centrale d’une nation mène à une ruée vers la devise de ce pays, qui met finalement fin à ses politiques monétaires laxistes.

En revanche, dans le cadre d’un système de taux de change flottants, les ajustements des taux de changes sont réguliers, et il faut un certain temps pour voir émerger une crise.

Et si toutes les banques centrales coordonnent leurs politiques monétaires, comme c’est le cas aujourd’hui, la crise peut être évitée pendant plus longtemps encore.

Ce n’est que si les banques centrales mettent fin à la coordination de leurs politiques monétaire qu’un déclin des devises et une crise économique peuvent émerger – chose qui se passe lorsqu’une banque centrale se met à imprimer plus agressivement.

Dans le cadre d’un système de changes flottants, au travers de la coordination de leurs politiques monétaires par les banques centrales, ces dernières peuvent créer une illusion de stabilité monétaire.

Plus le système actuel de taux de change flottants perdurera, plus les dommages qui seront infligés aux producteurs de capital seront lourds. Notre seule manière de nous en sortir sera un retour à une monnaie choisie par le marché, qui se trouve être l’or.

 

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Frank Shostak est le directeur des études économiques de M.F. Global.
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