En mars dernier, je faisais un petit point sur la monnaie numérique après les secousses qu’elle avait subies suite à la fermeture d’une place d’échange majeure, et je notais que malgré les tensions observées, le protocole tenait bon et que la monnaie ne s’était pas effondrée. Trois mois plus tard, le constat reste le même et d’autres éléments s’ajoutent positivement au développement du Bitcoin.
Pour rappel, Bitcoin est une monnaie numérique dont le comportement est entièrement indépendant de toute autorité centrale, et dont la sécurité repose non pas sur la confiance en chacun des participants mais sur des assurances mathématiques (preuves cryptographiques) que les transactions ont bien eu lieu. Cette monnaie s’est progressivement développée à partir de 2009, où un dollar achetait plusieurs centaines à plusieurs milliers de bitcoins. Depuis, cette monnaie, bien qu’ayant connu de fortes variations, s’établit à 650$ par bitcoin environ.
Parallèlement à ce développement informatique et boursier, les choses ne sont pas restées au point mort, tant dans le monde réel que dans les mondes virtuels. Malgré l’accumulation assez régulière d’articles généralement consternants d’une presse qui ne capte à peu près rien de ce phénomène et qui entend, autant que possible, diaboliser cette invention en la parant des maux qui sont pourtant exactement les mêmes que ceux des monnaies traditionnelles, malgré les efforts répétés de certaines autorités et des politiciens pour dénigrer la monnaie électronique, force est de constater que le Bitcoin n’a toujours pas rendu les armes, et se porte même de mieux en mieux : après être descendu au mois d’avril autour de 370$, il affiche maintenant une remontée progressive à 650$ dont rien n’indique a priori qu’elle soit terminée.
Cette bonne santé se traduit aussi par l’apparition de nouvelles entreprises, d’opportunités innovantes et d’avancées juridiques qui changent lentement la donne pour la monnaie numérique, la rapprochant tous les jours un peu plus d’un élément acceptable et accepté du public.
Visiblement, le bitcoin prend pied dans la réalité. Ainsi, en Suisse, on apprend que le négoce directement en bitcoins devient possible : l’Autorité suisse de régulation des marchés financiers (la FINMA) a émis une information juridique favorable sur le négoce en bitcoins dans le pays et considère à présent l’achat de ces bitcoins non comme un achat de biens et services mais bien comme un nouveau moyen de paiement, ceci entraînant, d’après le responsable de SBEX (le Swiss Bitcoin Exchange), la création d’un environnement stable et clairement régulé dans ce domaine.
Dans le même temps, la Californie vient de passer une loi rendant le bitcoin et les monnaies numériques légales, essentiellement par abrogation d’une précédente disposition qui interdisait l’utilisation de tout autre moyen de paiement que le dollar. Pour le gouverneur californien Jerry Brown, il s’agit essentiellement d’entériner une situation déjà bien avancée puisque les résidents de l’État américain utilisaient de toutes façons déjà les monnaies numériques ainsi que tous les systèmes d’affiliation et de récompense commerciale (étoiles Starbucks, bons Amazon, etc…). De ce point de vue, les Californiens ne font ici que rejoindre les Canadiens qui ont choisi, plutôt que de combattre stérilement ou d’empêcher la monnaie électronique, de simplement lui assurer un cadre légal cohérent avec les pratiques en cours de développement. Évidemment, il ne faut pas se leurrer : ces légalisations ont d’abord pour but de tracer les utilisateurs afin de pouvoir les taxer, mais la démarche reste tout de même plus constructive qu’une interdiction.
La France n’est pas en reste. Bien que l’administration du pays soit particulièrement sclérosée, les bonnes volontés sont pourtant nombreuses et les initiatives dans le domaine du Bitcoin s’y développent malgré tout. Ainsi, Lodgis, agence spécialisée dans la location meublée à Paris, accepte à présent les paiements en bitcoins de la part de ses clients. Ainsi, on découvre au détour d’un article à la titraille facile, qu’un magasin vient d’ouvrir ses portes à Paris qui permet de rendre furieusement plus tangible la monnaie électronique en donnant la possibilité aux clients d’aller échanger, directement au comptoir, des euros contre des bitcoins, ou de les accompagner lors de la création d’un porte-monnaie sécurisé. Bref, des startups naissent, des commerces tentent l’aventure, à tel point que quelques acteurs du secteur Bitcoin lancent leur lobby en France, cherchant ainsi à contrebalancer les déclarations sidérantes de nullité de notre caste politique, ou les articulets mal boutiqués d’une presse subventionnée (en bon euros bien frais de l’État français, pas en bitcoin).
De façon générale, et même si le mouvement d’acceptation de la monnaie numérique reste lent, il devient perceptible. Véritablement, les mentalités changent et s’ouvrent à la possibilité que Bitcoin puisse constituer une alternative crédible aux monnaies actuelles. On trouve même des propositions que certains pourraient qualifier de couillues comme par exemple en Angleterre, accepter le paiement des impôts en Bitcoin ce qui revient de fait à libéraliser la monnaie sur le sol britannique (la livre serait alors en concurrence avec d’autres monnaies, dont les monnaies électroniques), ou celle de Peter Diamandis, un riche industriel, qui, jugeant la monnaie électronique particulièrement intéressante, a décidé de changer une partie de son stock d’or pour des bitcoins. Selon lui, d’ici un à deux ans, la monnaie devrait accéder à la reconnaissance mondiale avec la cotation en bourse de sociétés basant leur business model sur Bitcoin.
Bitcoin, et plus généralement, les monnaies numériques, gagnent en notoriété et s’installent dans les moeurs. Un long chemin reste bien sûr à parcourir, mais petit à petit, le rapport entre le nombre de commerces fragiles ou douteux et les commerces légitimes et socialement bien acceptés penche maintenant en faveur des derniers. Certes, il y a eu SilkRoad, place d’échange suffisamment anonyme pour permettre les achats d’armes et de drogues qui ont accolé Bitcoin à ces activités souvent illicites. Certes, on a assisté à l’épuration douloureuse de MtGox, cette plateforme d’échange qui a fait faillite avec fracas. Certes, la valeur du bitcoin a grandement fluctué ces trois dernières années. Mais ces étapes sont en réalité nécessaires (et il y en aura d’autres) avant de parvenir à un marché reconnu et suffisamment stable.
Et c’est parce que les pionniers s’en aperçoivent que les initiatives se développent, tant sur ce protocole et avec cette monnaie que sur d’autres, tant dans la partie purement monétaire que dans d’autres domaines (par exemple, les contrats dont les clauses – notamment financières – peuvent être sécurisées dans la blockchain de Bitcoin de façon simple, efficace et valide pour toutes les parties prenantes) on pourra noter le développement récent de Nxt, dont les buts et les fonctionnalités laissent présager de grandes opportunités.
En outre, je le redis : peu importe que ce soit BTC ou une autre monnaie qui finalement se taille la plus grande part de marché. Ce qui est essentiel, c’est qu’à présent, l’idée est implantée : non seulement une monnaie n’a pas besoin d’un État ni d’une centralisation, non seulement on peut départir la monnaie des mains des politiciens, mais en plus, par la concurrence introduite, on peut s’assurer que la monnaie ne devienne pas un instrument d’enrichissement au profit de quelques uns et au détriment de tous ceux qui ont l’obligation de l’utiliser. Mieux encore, cela renvoie les institutions financières à leur premier rôle qui n’est pas de créer de la monnaie, mais de favoriser l’épargne, favoriser l’investissement, calculer et prendre des risques. Enfin, le Bitcoin et les monnaies numériques donnent un moyen concret de résistance contre l’État et ses services fiscaux.
Et c’est de loin la chose la plus importante.
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