De temps à autres, une
nouvelle idée apparaît, semblant venir de nulle part – idée qui se trouve
heurte généralement à des suspicions et de la méfiance. Si elle a du mérite,
elle peut devenir un élément perturbateur pour les sceptiques, que nous appellerons
les « prudents ». La prudence et la sécurité sont présentées comme
des raisons pour lesquelles une nouvelle idée devrait souvent être ignorée.
Une nouvelle idée ne se
développent vraiment que si quelqu’un, quelque part – un « innovateur »
- imagine une manière de monétiser cette idée. C’est seulement à ce moment-là
que les prudents commencent à s’y intéresser, ce qui met en marche tout un
appareil d’examen.
Contrairement aux joueurs
établis, l’innovateur n’a rien à perdre, et n’a pas peur de se lancer. S’il
rencontre un succès initial, les prudents réagissent, non pas en changeant
leur façon de faire, mais en stipulant prétentieusement que bien que son idée
soit intéressante, ils sont capables de faire tout aussi bien, et sans risque.
Ils paient ensuite des comptables pour leur expliquer en quoi consiste
exactement la nouvelle idée, pour avoir l’air moins stupide la prochaine
fois. Voyez-vous, avec le temps, le succès finit parfois par entraver l’innovation,
puisque nous avons tendance à protéger ce que nous avons et à ne pas nous
aventurer dans l’inconnu et le complètement nouveau.
C’est un comportement dont
font preuve de nombreuses industries : les compagnies aériennes low-cost, le téléchargement de musique sur internet, les
moteurs de recherche, les voitures électriques, et même les taxis.
Et si je vous disais qu’une
nouvelle idée se répand en ce moment-même, et qu’elle a une importance telle
qu’elle pourrait réécrire tout ce que vous faites, et la manière dont vous le
faites ? Si vous pensiez que l’arrivée d’internet était importante,
alors attendez-vous à voir arriver son grand frère.
Avant d’expliquer plus en
détails ce que je veux dire par là, commençons par en établir les bases. Les
êtres humains que nous sommes n’accordent pas facilement leur confiance. Nous
pouvons être aimables, polis et civilisés, mais quand il en vient à vraiment
se faire confiance les uns aux autres, toute notre gentillesse passe à la
trappe.
Il faut dire que nous ayons un
besoin presqu’accablant d’acheter, de gagner, de construire et de conserver
toutes sortes d’actifs. Nous ne voulons pas seulement tous les actifs
possibles, nous voulons aussi que tout le monde sache que nous les avons. Il
existe certains saints parmi nous qui sont au-dessus de tout cela, mais ils
sont des exceptions (ou peut-être la reconnaissance qu’ils recherchent
est-elle plus intellectuelle). C’est en raison de notre capacité à prendre
des raccourcis et à mentir dès que nous en avons l’opportunité que nous avons
un système de contrats complexe et énergivore. Notre désir de posséder des
actifs à n’importe quel prix et faire tout notre possible pour les protéger
gouverne en grande partie l’entreprise humaine.
L’idée que la somme de nos
activités puisse avoir des effets préjudiciables sur le monde qui nous
entoure et celui de nos voisins et de nos enfants est relativement récente. C’est
pourquoi nous avons commencé à développer une conscience collective pour
améliorer la manière dont nous gérons nos affaires, et les effets qu’elles
peuvent avoir sur l’environnement.
Au cœur de l’économie globale
se trouvent un certain nombre d’actifs, de propriétés, de terres, de
compagnies, de propriétés intellectuelles, de marques, de talents, etc… Nous
passons énormément de temps à essayer de comprendre qui possède quoi et
comment, comment protéger et évaluer des actifs, comment en tirer de la
valeur, comment les rendre plus efficaces que ceux de nos voisins, comment
les exploiter, comment s’en prendre aux actifs de nos voisins, et calculer les
taxes qui leurs sont applicables. Il est assez surprenant de voir qu’après
tout cela, une fois qu’un actif est vraiment mis au travail, la société
puisse encore en tirer une quelconque valeur nette.
Pensez à la flopée d’analystes
professionnels chargés de la gestion des actifs : avocats, banquiers,
auditeurs, départements des impôts, développeurs, etc… On les rassemble
souvent sous la catégorie des « services », et les percevons comme
la meilleure forme d’activité économique que puisse posséder une économie
jeune et axée sur la technologie. Certains politiciens y font souvent
référence par les termes « économie du savoir », comme si cela
voulait vraiment dire quelque chose.
Mais venons-en maintenant au
changement qui nous attend. Imaginez un monde dans lequel chaque actif
possède une « étiquette » universelle, qui présente exactement à
quel compte il appartient, qui le contrôle, et comment l’acheter et le
vendre. Imaginez que ces informations soient indisputables, aussi vraies qu’1+1=2.
Imaginez que vous pouviez vendre votre maison, ou tout autre actif, sans
passer par des contrats légaux. Imaginez un monde où vous pourriez acheter un
actif ou un produit n’importe où dans le monde en une microseconde, et sans
avoir à payer des frais à une guilde bancaire incapable.
Vous avez certainement entendu
parler de Bitcoin, la crypto-devise électronique
qui fait parler d’elle aux quatre coins du globe. Les prudents l’appellent « volatile »,
l’ami des criminels, et j’en passe. Avec le temps, il pourrait certainement
le devenir. Mais derrière cette crypto-devise se trouve la technologie la
plus transformatrice que nous ayons jamais vue.
Cette technologie est connue
sous le nom de « blockchain ». Son
origine, et son modèle, sont similaires aux méthodes comptables dont rêvaient
les premiers commerçants internationaux il y a des milliers d’années. L’incarnation
moderne de ces concepts vénérables est infiniment plus pratique, dynamique et
accessible aux individus hyper-connectés de l’ère moderne.
Le blockchain
est tout simplement un registre d’actifs public qui identifie clairement :
un actif, son propriétaire, et tout un nombre d’informations utiles
permettant de comprendre les propriétés de l’actif en question. Cela signifie
que vous pouvez être certain qu’un actif est bien réel, et qu’il peut être acheté
ou vendu. Ces informations sont publiques, et sont indisputables.
Ce que cela signifie est que
les critères d’entrée se trouvent réduits, ce qui permet une plus importante
participation économique par de plus en plus de personne, et pour moins cher.
Cela signifie que des procédés complexes tels que le négoce d’actions peuvent
être quasi-instantanés en termes de règlements d’opérations, que la cession
des biens peut se faire en un instant plutôt qu’en un mois, et que la
question des taxes peut être réglée au moment de la transaction. L’idée de
payer des frais pour accéder à certains marchés deviendra bientôt obsolète,
puisque le coût de participation se trouvera énormément réduit.
J’ai récemment participé à une
conférence très intéressante à Dublin, baptisée BitFin.
Cette expérience m’a beaucoup impressionné. Dans la salle de conférence se
tenaient près de 400 personnes de milieux complètements différents. Disons qu’il
y avait des geeks à la recherche d’un investissement, des Klondykers
cherchant à devenir riches, des parties intéressées et certains régulateurs
officiels cherchant à comprendre ce nouveau système. Je n’ai depuis cette
conférence pas été capable de tempérer mon enthousiasme. Disons que je me
situe quelque part entre les parties intéressées et les Klondykers.
Bitcoin n’est rien de plus que la technologie blockchain appliquée aux devises. Les devises sont un bon
début pour cette technologie. Elle permet au procédé complexe qui est déployé
pour sécuriser, identifier et vérifier chaque transaction d’être infiniment simplifié.
Imaginez que vous écriviez un
livre et le vendiez sur Amazon dès le lendemain de sa parution. Si quelqu’un vous
l’achèterait, votre compte se trouverait crédité une milliseconde après que
le compte de l’acheteur ait été débité. Imaginez que chaque étape du
processus d’approvisionnement soit infiniment plus efficace et que la
bureaucratie ne soit plus là pour entraver le commerce.
Grâce à Bitcoin,
le coût de votre livre ne serait qu’une fraction de ce qu’il est aujourd’hui.
Un vendeur de livres suffisamment innovant pour convaincre ses fournisseurs
et ses écrivains d’accepter Bitcoin comme moyen de
paiement pourrait profiter d’une intégration verticale, et accélérer le
processus économique. Les premiers à s’y mettre feront paraître leurs
compétiteurs comme étant trop chers et obsolètes. Bitcoin
est essentiellement et potentiellement un système de traitement sous
stéroïdes pour toutes les industries, tous les actifs et toutes les
transactions. Les devises fiduciaires, avec leurs tests de sécurités, auront
vite l’air de dinosaures.
L’autre avantage de Bitcoin est la possibilité de contourner l’abus des
gouvernements sur nos marchés des changes. L’existence même des banques
centrales pourrait être remise en question, puisqu’elles ne pourraient pas être
propriétaires d’une devise internationale et décentralisée.
Nous mangeons actuellement
tous la brioche monétaire, pour citer Marie-Antoinette, et notre épargne et
nos pensions se trouvent volées et dévaluées par les bureaucrates. Ce droit
de pillage est, notons-le également, alloué sur la base du statut et de l’accès
plutôt que sur la base du mérite. Les riches deviennent plus riches, et un
jour, des révoltes en découleront.
Même sur le plan
technologique, l’avancée de la robotique est entravée par la confusion
générée par les procédés bureaucratiques humains et les systèmes obscurs de
registre de propriété. A cause des devises, nous avons adopté une manière alambiquée
de gérer nos actifs, et il est presqu’impossible pour un système
semi-autonome et logique de nous assister. Si nous avions un registre de
gestion d’actifs efficace et des systèmes de transaction et de sécurité
complémentaires, la robotique serait enfin en position d’améliorer nos
procédés économiques.
Comment tout cela pourra-t-il
nous transformer ? Il est évident que ce soit une épreuve pour la
société et la démographie. Mais tout ce que nous connaissons, tout ce que
nous savons finira par en être changé. Peut-être les ressources humaines
pourront-elles être déployées en faveur de la recherche de nouveaux actifs, qui
pourra devenir plus exacte et gaspiller moins ? Peut-être pourrons-nous
enfin nous concentrer sur les effets de nos comportements cumulés sur notre
environnement et l’avenir de nos enfants ?