Les séries TV américaines constituent
un véritable phénomène de société. Rares
sont ceux qui ne sont pas accros à l’une d’entre elles :
NCIS, Dr House, Mentalist,
Les Experts, Esprits Criminels, Dexter, Desperate Housewives etc…
. Il y a en réalité une telle profusion qu’il est parfois
difficile de s’y retrouver surtout quand elles ne sont pas
diffusées en France ou ne passent pas sur les trois grandes
chaînes nationales TF1, M6 ou Canal+.
Je souhaite attirer l’attention sur l’une
d’entre elles qui a su trouver son public Outre-Atlantique et qui - une
fois n’est pas coutume - fait l’unanimité de la
critique : Breaking Bad.
La série n’est pas nouvelle
puisque la saison 4 s’est achevée récemment aux États-Unis.
Elle est diffusée en France sur Arte et Orange cinéma
séries. La saison 4 commencera à partir du 29 novembre. Elle reste malgré
tout encore trop confidentielle en France.
Je profite donc de la sortie en DVD du coffret
de la saison 3, le 7 décembre prochain, pour prêcher la bonne
parole et la recommander vivement à ceux qui ne la connaîtraient
pas encore.
Le pitch n’est à priori pas du
tout vendeur. Il faudra donc me faire confiance :
Walter
White (Bryan Cranston), professeur de chimie vivant au Nouveau-Mexique avec
sa femme Skyler (Anna Gunn) et son fils Junior (RJ Mitte), découvre qu'il est atteint d'un cancer de
niveau 3 et qu'ilne lui reste que deux ans à vivre au
maximum. N'ayant plus peur de rien et souhaitant assurer la
sécurité financière de sa famille avant de mourir, White
a cette idée folle de mettre à profit ses talents de chimiste
et de « cuisiner » de la métamphétamine.
L’intérêt de Breaking Bad ne réside pas tant dans l’idée initiale
que dans le développement de l’intrigue et
l’inventivité de la mise en scène.
Pourquoi en effet s’intéresser à un
type comme Walter White qui au départ a tout d’un antihéros ?
Promis à une carrière de brillant chimiste, il a raté nombre
d’opportunités et se
retrouve professeur dans un lycée où il barbe ses
étudiants. Pour joindre les deux bouts, il doit se transformer en
laveur de voitures après les cours…Bref, sa vie n’a rien
de très exaltant et il se laisse piétiner sans vergogne.
L’annonce de son diagnostic va le réveiller et c’est
là que commence vraiment tout l’intérêt de
l’histoire.
Conscient qu’il va laisser derrière lui sa
femme enceinte et son fils handicapé, il se creuse la tête pour
savoir comment les mettre à l’abri du besoin. C’est son
beau-frère, Hank Schrader,
agent à la DEA (Drug Enforcement
Administration) qui,sans
le vouloir, lui donne l’idée de fabriquer de la
drogue. Petit génie de e la chimie, il est capable de fabriquer la métamphétamine - réputée être la
drogue du « pauvre » - la plus pure qui soit.
Néophyte dans le deal de drogue, il va s’associer à l’un
de ses anciens étudiants, Jesse Pinkman,
gentil loser junkie, chargé d’écouler la
marchandise.
Breaking Bad
est une expression du sud des États-Unis qui signifie à peu de
choses près « partir en vrille ». Nous allons ainsi
assister au cours de la série à la métamorphose
progressive et schizophrénique d’un homme qui commence une
double vie : celle du bon père de famille, d’un
côté, et celle d’un trafiquant de drogue, de
l’autre. Cette dichotomie à la Dr Jekyll
et Mr Hyde, qui devient ici Dr Heisenberg et Mr White, aura des
conséquences sur les deux facettes du personnage.
Walter White démarre sa nouvelle activité
pétri de bons principes : il fait ça pour sa famille.
Rapidement, il va pourtant devoir se salir les mains pour se frayer une place
dans le monde de la drogue et y survivre. S’affranchissant des normes sociales
de la légalité et de la morale, il va y trouver un nouveau sentiment
de puissance. Par delà le bien et le mal, Breaking Bad nous plonge dans des thèmes
très nietzschéens qui renvoient à des interrogations
intemporelles et en même temps très actuelles :
jusqu’où sommes-nous prêts à aller pour atteindre
nos objectifs ?
Breaking Bad
est avant tout une série extrêmement bien construite. Rien dans
le scénario n’est gratuit ou superflu. Tout
s’enchaîne et prend sens au fur et à mesure. Logique
implacable doublée d’une mise en scène digne des
meilleurs réalisateurs de cinéma. Vince Gilligan, le
« showrunner » de la
série, a fait ses classes sur X-Files et a bien compris comment
intriguer le spectateur pour l’emmener là où il veut. On
ne s’ennuie jamais même si Breaking Bad s’autorise le luxe à une époque
où le rythme se doit d’être frénétique, de
prendre son temps. En outre il est important de signaler que le
scénario n’est jamais prévisible et l’on
apprécie de ne pas avoir ce sentiment de
« déjà vu ».
La série a déjà remporté six
Emmy Awards dont deux pour
l’époustouflant Bryan Cranston, jusqu’ici connu pour son
rôle de gentil père de famille farfelu dans Malcolm. Il réussit une performance remarquable
qui n’est pas sans rappeler parfois celle de Robert de Niro. Il n’y a aucune erreur de casting. Chaque
acteur donne corps à son personnage. Que ce soit Hank,
l’agent de la DEA, gouailleur et bon-vivant qui va gravement
pâtir des activités de son beau-frère et perdre progressivement
sa bonne humeur ou Saul Goodman caricature hilarante de l’avocat
véreux, en passant par Jesse Pinkman au look
de rappeur dont les phrases sont quasi systématiquement
composées d’un « yo »
et d’un « bitch ».
En réalité, je n’ai qu’une chose
à dire : regardez la première séquence de la saison
1. Vous aurez certainement envie de voir la suite et de comprendre le
pourquoi du comment de cette scène épique, drôle,
loufoque et tragique. Vous serez ensuite happé et vous
dévorerez la suite ! Pour moi, il s’agit sans conteste de
la meilleure série de ces dernières années.
Il va sans dire que cette série est
réservée à un public adulte et comprend de nombreuses
scènes choquantes, âmes trop sensibles s’abstenir.
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