Au lieu de
chercher les origines de la crise actuelle du côté des
politiques monétaires laxistes des banques centrales, comme le
suggère l’école d’économie autrichienne, les gouvernements
européens ont adopté une série de mesures de
« gouvernance économique » (le « six
pack »), entrées en vigueur le 13 décembre dernier.
L’objectif
officiel est d’éviter que des États-membres de l’Union
européenne (UE) se retrouvent – comme la Grèce – en
faillite, risquant ainsi de déstabiliser la zone euro dans son
ensemble. Parmi les nouvelles règles de « gouvernance
économique » figurent, certes, grâce à la
pression de l’Allemagne, des mesures de rigueur budgétaire
visant à empêcher dans l’avenir un dérapage des
finances publiques.
Cependant,
parallèlement à ces mesures dont le respect limiterait à
juste titre l’appétit des gouvernements à
s’accaparer une partie croissante des ressources économiques, un
« nouvel » outil d’une nature tout à fait
différente a également vu le jour. Dans le jargon
technocratique de Bruxelles, on l’appelle la
« Procédure de Déséquilibre
Macroéconomique » (PDM).
De quoi
s’agit-il ?
Dans une
logique digne du pilotage des économies planifiées des pays
ex-soviétiques, les économies nationales des pays-membres de
l’UE, se trouvent de facto
soumises au contrôle central de Bruxelles.
En effet, grâce
à la mise en place de la PDM, la Commission européenne est aux
commandes d’un véritable « tableau de
bord » macroéconomique, constitué de 10
indicateurs. Ceux-ci vont du solde du compte courant et de la part dans
les exportations mondiales (on voit mal comment la Commission pourrait exiger
d’un pays qu’il améliore ses parts de marché dans
le commerce mondial ?), au taux de chômage, en passant par la dette publique et
privée et le coût salarial unitaire nominal. Des
« fourchettes » et des seuils-limite à respecter
ont été arbitrairement choisis
pour chacun d’entre eux : par exemple un plafond de 160% du PIB
pour la dette privée, 10% en moyenne sur 3 ans pour le taux de
chômage, 4% de déficit du PIB pour le compte courant, etc.
La Commission devra
publier des rapports réguliers à ce sujet dans le cadre
d’un « Mécanisme d’Alerte », visant
à identifier d’éventuels
« déséquilibres » dans les
différents pays-membres. Le premier rapport a été publié
le 14 février dernier.
Sans surprise
la grande majorité des pays s’y trouve pour non-respect d’un ou de plusieurs
indicateurs : Belgique, Bulgarie, Chypre, Danemark, Espagne, Finlande,
France, Hongrie, Italie, Royaume-Uni, Slovénie et Suède
La véritable
nouveauté de la PDM cependant, est qu’après des analyses
complémentaires, Bruxelles pourra déclencher une
« procédure de déséquilibres
excessifs », consistant à exiger des mesures correctives,
voire condmaner à des sanctions
financières un État-membre « fautif » et
ce jusqu’à 0,1% de son PIB !
Alors que la
Commission n’a jamais été capable de faire respecter les
critères de Maastricht, la voilà donc chargée de faire
respecter des « indicateurs » dont la signification
économique est hautement plus problématique. Par exemple, une
augmentation de l’endettement privé peut très bien
être source de développement économique, s’il
s’agit d’investissements productifs. Or, la Commission n’est
certainement pas la mieux
placée pour juger de la productivité d’un investissement.
De même,
ne vaut-il pas mieux laisser le marché du travail et les acteurs
économiques juger du niveau des salaires – s’il est trop
élevé ou pas – que de déléguer cette
tâche aux bureaucrates de Bruxelles ? La Bulgarie – pourtant
bons
élève en matière d’assainissement des finances
publiques et d’investissements étrangers – s’est vue
reprocher une croissance trop forte des salaires.
Pourtant, cette croissance reflèterait,
selon le Ministère des
Finances du pays en question, une augmentation de la productivité
et un rattrapage par rapport aux rémunérations pratiquées
dans les autres économies européennes entre 2007 et 2009. En
dépit de cela, le coût de la main d’œuvre bulgare
reste pourtant parmi les plus faibles dans l’UE (le salaire minimum
bulgare serait même inférieur
à celui en Chine).
Au lieu de
reposer sur des règles telles que la libre circulation des biens, des
capitaux et des personnes, l’objectif sera désormais de « piloter »
les économies européennes à l’aide d’une
poignée d’indicateurs statistiques.
La PDM s’avérera
à coup sûr un exercice futile d’un point de vue
économique. Par contre, elle débouchera à coup sûr
sur une politisation et un « micro management » sans
précédent de l’économie européenne.
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