|
Une
fois passé l’effet d’annonce, les calculettes sont
à l’œuvre et l’on s’aperçoit que la
recapitalisation des banques ne va pas être si facile que celles-ci
affectent de le reconnaître et les hommes politiques de le
présenter. C’était pourtant le plus facile à
décider ! C’est particulièrement valable pour les banques
des pays au bord du trou, l’Espagne et l’Italie, mais
également pour toutes les autres, à des degrés divers.
Les banques grecques étant évidemment hors concours.
Ewald
Nowotny, le gouverneur de la banque centrale
autrichienne, a déclaré : « ce ne sera pas facile,
si vous regardez la situation du marché des capitaux »,
mettant l’accent sur le danger qui verrait les banques réduire
leur offre de crédit pour éviter l’injection de fonds publiques. Un article du Financial Times remarquait de son
côté que de nombreux détails du plan
n’étaient pas clairs, notamment le mode de calcul des fonds
propres, les méthodes permettant de les accroître et les mesures
qui pourront être prises pour éviter que la recapitalisation se
fasse au détriment du crédit aux entreprises. Un
problème qu’a soulevé en France Laurence Parisot, la présidente du Medef
(l’organisation patronale), en admettant sans en identifier
l’origine que « l’économie réelle
commence à être atteinte par cette crise ». Ce
n’est pas fini.
Au
Portugal, une déclaration de Pedro Passos
Coelho, le premier ministre, éclaire ce qui va s’y passer,
après que la BCP et la BPI – deux des principales banques
portugaises – aient déclaré se préparer à
utiliser les fonds de l’Union européenne et du FMI du plan de
sauvetage, la première croyant devoir ajouter qu’il
n’y avait « pas honte à faire appel à ce
fonds ». L’État portugais, avait-il répondu
par avance pour la rassurer, n’aurait [dans ce cas] qu’un
rôle « d’actionnaire passif »,
n’ayant pas « l’intention de s’immiscer dans la
gestion des banques ni en être le propriétaire ».
L’annonce
des besoins de recapitalisation des cinq plus grandes banques a fait
l’effet d’un coup de tonnerre en Espagne. Elles étaient
jusqu’alors présentées comme sans problèmes,
à la différence du secteur des Cajas
(les caisses d’épargne), qui continue de faire l’objet
d’une restructuration en profondeur, faisant appel aux fonds publics
nettement plus qu’il n’était prévu. Depuis des
mois, le gouvernement tentait d’obtenir que soit pris en compte,
à titre dérogatoire, les obligations convertibles dans le
calcul des fonds propres, ce qui permettait de masquer l’étendue
du problème.
Elena
Salgado, la ministre des finances, vient désormais de prudemment
considérer que les banques « peuvent avoir la
capacité de trouver ces fonds par elles-mêmes et ne pas avoir
besoin d’aides publiques ». UBS par ailleurs (merci
à Pablo75) vient de dévoiler un secret de polichinelle en
estimant que les banques espagnoles détenaient encore pour 400
milliards d’euros de crédits liés au secteur du
bâtiment et de l’immobilier, sur lesquels le taux de
défaut ne cesse de monter. D’où il apparaît que le
problème espagnol numéro un est la dette privée et non
publique…
Les
banques françaises, comme à l’habitude, se réfugient
derrière des déclarations affichant la sérénité
et niant tout problème. Dans le cas de la Société Générale
– qui doit trouver 3,3 milliards d’euros d’ici juin 2012 –
Frédéric Oudéa a
déclaré qu’elle puiserait dans ses fonds, sans
préciser qu’elle va devoir pour cela poursuivre dans
l’urgence son programme de cessions d’actifs.
La
question hautement politique des dividendes et des bonus va devoir être
suivie de près, le même ayant déclaré de
manière évasive, au nom de la Fédération bancaire
française (FBF) : « Les banques ne
détermineront le montant des bonus et des dividendes qu’à
la fin de l’année, comme elles le font ordinairement, mais
intègreront dans leurs décisions les éléments de
l’accord européen. Naturellement, on va prendre ces
éléments- là de l’environnement en compte le
moment venu, c’est-à-dire plutôt en fin
d’année » (moment privilégié de
distribution des bonus et de décision à propos des dividendes).
Naturellement
est un mot codé qui dans le monde politique veut dire son contraire,
à savoir que cela ne va pas de soi (exemple : je fais naturellement
confiance à la justice de mon pays). François Baroin, le ministre des finances, a tourné sa
phrase différemment pour dire la même chose :
« Les banques de l’Hexagone augmenteront leurs fonds propres
sur leurs propres résultats, et nous serons très attentifs
à un point, c’est que la réduction du bilan pour monter
leur niveau de protection, leurs fonds propres, se fera d’abord et
avant tout au détriment de la distribution des dividendes et des
bonus »…
Giuseppe
Mussari, le responsable de l’association des
banques italiennes, pour lesquelles l’addition est lourde, a de son
côté adressé une lettre aux autorités
européennes afin de leur faire part de sa « profonde
perplexité ». Devant la nécessité de
renforcer les fonds propres de ses membres ou sur la manière d’y
procéder, on ne sait trop ! En tout cas, on s’intéressera
plus particulièrement au cas d’UniCredit,
la plus importante banque par la taille de son bilan, dont une
émission obligataire a échoué l’été
dernier. Elle va devoir lever 7,4 milliards d’euros pour être
dans les clous, selon l’EBA (European Banking Authority).
Tout
en se félicitant avec des formules de circonstances de l’accord
intervenu dans la nuit à propos de la décote grecque, Charles Dallara, directeur général de
l’International Institute of Finance (IIF), a indiqué
qu’il ne voyait pas de contagion possible de la crise à
l’Italie. « Je ne vois pas cela arriver. L’Italie est
maintenant dans un processus pour rebâtir sa crédibilité
et cela a été renforcé cette semaine par les mesures
qu’ils prennent ». Lorsque la première décote
de la Grèce avait été négociée, il avait
déclaré que cela valait pour solde de tout compte. O tempora o mores !
Dans
les mois à venir, le choix des banques qui ne parviendront pas
à se renforcer par elles-mêmes va être entre solliciter
les finances publiques de leur pays ou bien le FESF, qui risque
d’être déjà beaucoup mis à contribution pour
d’autres causes, sauf à ouvrir le parapluie d’une garantie
d’État. Boucher un trou d’un côté, en boucher
un autre de l’autre côté, cela ne s’arrêtera
donc jamais ?
Billet
rédigé par François Leclerc
|
|