Le World Economic Forum est surtout connu pour sa réunion
annuelle à Davos en Suisse et qui réunit les grands dirigeants politiques,
les intellectuels et les économistes du monde entier. Mais cette organisation
demeure active tout le long de l’année et elle publie de temps en temps des
communiqués et des rapports. Le dernier communiqué retient l’attention, il est signé par une
vingtaine de responsables de grandes institutions financières internationales
(UBS, HSBC, Deutsche Bank, Generali, Suisse Reinsurance, Deutsche Börse,
BlackRock). Ces dirigeants du monde bancaire et financier alertent sur le
risque d’une bulle financière, ils s’inquiètent des conséquences des taux
très bas sur la stabilité financière mondiale.
On a envie de dire qu’il était temps ! Mais savourons tout de même le
fait que les grands "institutionnels" dénoncent désormais le danger
des taux zéro des banques centrales et rejoignent ainsi des analyses qui,
pendant longtemps, sont demeurées marginales (des analyses issues de l’école
autrichienne, rappelons-le, encore méprisée aujourd’hui dans le champ
académique). Désormais, les médias "mainstream" et les économistes
en vue vont peut être arrêter de nous expliquer que les banques centrales
"soutiennent la croissance et l’emploi" pour adopter un regard plus
critique, espérons-le.
"La stabilité financière est un bien commun essentiel et bénéficie à
tous les membres de la société" rappellent les signataires, ils
expliquent que les banques centrales doivent pouvoir adapter leurs taux
d'intérêt en cas de formation d'une bulle sur un marché, comme cela a été le
cas par le passé. Mais en s’étant engagé dans une politique de taux zéro, les
autorités monétaires se retrouvent pieds et poings liés : par définition
elles ne peuvent plus baisser les taux, tandis qu’une hausse significative
provoquerait trop de dégâts (notamment un effondrement de la valeur des
obligations émises à taux faibles, et donc des pertes gigantesques pour le
système financier). D’autre part, la régulation se focalise trop sur le
secteur bancaire traditionnel et fait l’impasse sur la finance parallèle,
source de risque systémique. En attendant, la bulle grossit...
Les banques centrales elles-mêmes semblent se rendre compte du danger.
Récemment, Janet Yellen estimait que les prix des actions sont
"relativement élevés". Il était temps ! Devant une timide
remontée des taux en zone euro, Benoît Coeuré, membre du directoire de la
BCE, veut accélérer la politique d'assouplissement quantitatif (60 milliards
d’euros de QE par mois) dès les mois de mai et juin. Un début de
panique ? Quoi qu’il en soit, les responsables de la Fed et de la BCE
semblent nourrir quelques inquiétudes.
Désormais l’existence d’une bulle massive sur les marchés financiers, sur
les obligations comme sur les actions, ne fait plus vraiment de doute parmi
les grands responsables du monde bancaire et financier. Les grandes banques
s’inquiètent sérieusement d’une réédition du krach de 2008, et il n’est pas
du tout certain que les plans de sauvetage permettront, cette fois, d’éviter
des faillites bancaires. Tout le monde danse sur un volcan et la terre
commence à trembler.