Il y a comme un terrifiant
côté jeu de massacre dans la succession actuelle des
événements. D’une manière semble-t-il inexorable,
les pays européens continuent les uns après les autres de
s’approcher de la zone des tempêtes. Pour ne plus en sortir pour
longtemps quand ils y sont parvenus.
Bien que refusant toujours
de l’admettre, le secteur financier européen recèle des
fragilités obstinément masquées et les banques se
retrouvent à leur corps défendant à nouveau
exposées sur le devant de la scène, sommées de se
renforcer en capital, ce qu’elles ne veulent à aucun prix.
Peu importe qu’il
soit public ou privé, les vases communiquant entre eux, le
désendettement ne passe décidément pas.
A la litanie des
réunions au sommet sans résultat – mais toujours
présentées sous leur meilleur jour – correspond
l’approfondissement d’une crise destinée à
immanquablement mal finir. Les volte-faces sont
devenues monnaie courante, des tabous tombent mais le déni se crispe
dans ses derniers réduits. Les autorités européennes
sont réduites à une figuration que l’on ne peut pas appeler intelligente.
Inquiet mais impuissant, le
reste de la planète contemple le spectacle d’une Europe dont le
système financier se délite sans que rien ne soit fait de
convaincant pour s’y opposer. Lui-même, il est confronté
à une crise qui n’épargne personne. Ni les Etats-Unis,
qui vont devoir convenir qu’ils ne retrouveront pas leur souffle, ni le
Japon, qui a depuis longtemps perdu le sien et pour lequel c’est aussi
sans espoir, ni même la Chine, qui au contraire s’essoufle pour avoir trop vite monté les marches.
Dans le monde occidental, la croissance est anémique, les pays émergents
sont destinés à en subir en retour les effets. Qui entraîne
ou contamine l’autre ? En fait de dynamique de croissance, c’est
une spirale descendante que l’on observe. Les prévisions sont
partout à la baisse.
L’acte I de la Grande
Perdition était américain à l’origine ;
l’acte II a changé de décor et se joue sur le Vieux
continent. Avec le risque d’à nouveau déborder partout,
comme le FMI vient de s’en alarmer, qui réitère ses
appels à la recapitalisation des banques européennes, une
préoccupation qui a gagné la Commission.
A la recherche des points
d’appui qui leur sont nécessaires, Les marchés
s’acharnent sur la bête, avec comme paradoxal résultat de
saper les bases de l’édifice instable qu’ils ont au fil
des ans bâti, tels de puissants acteurs de l’implosion du
système. De quoi sont-ils porteurs si ce n’est d’une
angoissante interrogation condamnée à rester sans
réponse : sur quoi peut reposer leur richesse, ces actifs financiers
qu’ils ont créés de toute pièce, puis
amassés, qui soit susceptible de résister à la
tempête ?
Certes, des secteurs
entiers de leur activité spéculative restent éminemment
profitables, puisque aucune entrave n’y a été
opposée. Successeurs des folies titrisées,
les produits indiciels (les ETF) viennent d’être projetés
sur le devant de l’actualité, en raison du bête incident
de parcours d’un trader un peu trop aventurier, ce qui devait
immanquablement arriver. Les financiers fabriquent du risque, qui un jour ou
l’autre leur échappe des mains. Mais l’avenir est pourtant
sombre, car la rentabilité des établissements financiers est en
berne.
L’eldorado
rêvé – les marchés chinois et plus
généralement émergents – est plein
d’embûches et se révèle chasse gardée. Les
nouveaux orpailleurs doivent composer avec les régimes et les
oligarchies en place, qui octroient les permis. Les privatisations et réformes
structurelles imposées en Europe au nom de la rigueur
budgétaire ne représentant que des lots de consolation, tout en
étant des promesses délicates à revendiquer.
Au cours de cette
comédie dramatique, les actes ne se succèdent pas, ils se
superposent. L’acte I se poursuit tandis que l’acte II, bien
engagé, remet une couche à la crise du système
financier. Impliquant pour l’économie, à eux deux, une
longue période récessive faite d’instabilité
financière, de soudains et brutaux incidents de parcours
n’étant jamais à exclure. De quoi sera fait l’acte
III ?
Billet rédigé par
François Leclerc
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