Arnaud Montebourg est un ministre actif. Il s’occupe de l’économie de la France, il défend la veuve, l’orphelin et l’entreprise française contre toute ingérence étrangère surtout si cela peut sauver l’entreprise en question. Mais cela ne lui suffit pas. Il a de la frétillance à revendre, de l’agitation à mettre à profit. Alors il s’attaque au crowdfunding.
Et lors de la fête du crowdfunding organisée par l’association Financement Participatif France (FPF) samedi dernier, au lieu d’y envoyer la ministre dédiée au numérique, Axelle Lemaire, Arnaud Montebourg s’y est rendu lui-même, histoire de bien montrer son implication dans le sujet (et il a peut-être jugée qu’Axelle ne ferait pas l’affaire, encore que ce sexisme hypothétique ne soit pas dans les habitudes de Sa Grande Frétillance).
On se souvient que les efforts de Pellerin dans le domaine du crowdfunding avaient quelque peu laissé des traces. Même si la nouvelle règlementation que le gouvernement pousse actuellement permet de simplifier un peu l’accès au capital participatif (elle limite l’obligation du lourd prospectus AMF aux seules levées de fonds supérieures au million d’euros, et allège la paperasserie pour les levées plus faibles), elle impose tout de même un don maximal de 1000€ par internaute, ce qui, pour le coup, est particulièrement faible, pour ne pas dire étriqué. En outre, l’ensemble des mécanismes proposés pousse (ou favorise, voire impose) une intervention difficilement canalisable des entités d’État qui font tant de bien à ce pays à commencer par la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) et la Banque Publique d’Investissement (BPI) dont la vice-présidente du conseil fut Ségolène Royal, ce qui en dit long sur le sérieux du bousin administratif destiné à placer les thunes du contribuable.
En effet, le ministre a évoqué l’éventuelle mise en place d’un fonds d’abondement du prêt, sur le principe que pour 100€ abondé par l’internaute, l’État mettrait lui aussi 100€ via la BPI ou la CDC. Le brave chevalier Arnaud du Crowdfunding en a aussi profité pour appeler les Français à sortir l’argent de leurs bas de laines dodus pour les investir dans ces sémillantes plateformes, au motif que les banques et les assurances ne prêtent pas assez aux entreprises, et qu’il faut donc absolument faire quelque chose.
Moui. L’État qui « investit » autant que les investisseurs particuliers, voilà qui donnera immédiatement des sueurs froides à toute personne un minimum consciente de ce que veut dire « l’État rentre dans mon capital » et ce n’est pas Heuliez qui me contredira (et bises à Ségolène, hein).
D’autant que la raison invoquée par Montebourg laisse un tantinet perplexe : apparemment, l’État doit investir parce qu’il se doit d’être stratège, et puis c’est tout.
« Si ces plateformes ont besoin de capital pour accélérer leur internationalisation, nous l’apporterons. C’est cela, un État stratège. »
Avec nos sous, donc, et son passif chaotique en matière d’investissements à la qualité fort variable, je ne suis pas sûr que cet État-là puisse réellement servir de référence.
Mais voilà : investir n’est déjà pas chose aisée en France pour un Français et il semble évident que pour que nos belles plateformes grossissent, et que nos entreprises grossissent avec, il faut uniformiser les règlements (notamment fiscaux et financiers) dans toute l’Union européenne afin de faciliter les investissements étrangers chez nous. En vertu de quoi, Arnaud Montebourg aimerait donner une portée européenne à la réglementation française, parce que déjà, seuls dans notre coin, c’est particulièrement joli, alors à 28, cela promet un renouvellement sans fin du spectacle. De façon surprenante, certains (à commencer par François Carbone, le vice-président de la FPF, et qui a organisé l’événement dans lequel Montebourg est venu frétiller de la tête) semblent trouver cette idée géniale même si, bien sûr et comme d’habitude, quelques petits obstacles restent à franchir :
« Cela sera difficile à mettre en place, car la réglementation européenne est très structurante et cela nécessiterait de revoir certaines directives européennes. Mais la légitimé de la France sur le sujet est bonne. »
Contrairement à Carbone, je ne m’avancerai pas sur la légitimité de la France au sujet du crowdfunding tant il m’apparaît incertain de qualifier comme légitime sur un tel sujet un pays dont les ministres pourchassent avec une hargne assez volubile les entreprises (au point de pousser les nouveaux entrants potentiels à s’installer au Luxembourg).
En revanche, en ce qui concerne l’idée qu’il faille étendre l’intervention de l’État dans le crowdfunding au niveau européen, je peux déjà affirmer sans me tromper que, d’une part, le nécessaire modification d’une demi-douzaines de directives européennes (notamment financières) promet cette idée à un avenir absolument radieux, et d’autre part, je ne suis pas absolument sûr que l’interventionnisme à la française marche aussi bien que ça auprès de nos partenaires qui commencent doucement à en avoir assez de notre arrogance et de nos factures. D’autant que, je le rappelle, les interventions des politiciens français dans le milieu du crowdfunding n’ont toujours pas prouvé leur efficacité jusqu’à présent, et leur historique global de réalisations autorise un sain scepticisme sur leurs actions ultérieures.
On pourrait croire que ce morceau est largement suffisant pour occuper le ministre : envisager une telle réforme européenne, chapeau ! Mais que nenni, il en faut plus pour fatiguer Arnaud qui va plus loin en déclarant aussi vouloir, pour la France, une visibilité internationale :
« La seconde brique de ma stratégie, c’est la visibilité internationale. Je souhaite faire de Paris la capitale européenne du crowdfunding. »
Et pour obtenir une visibilité internationale, outre le fait d’échanger des lettres d’insultes avec des patrons étrangers, on peut aussi :
a/ organiser un événementiel à Paris, comme par exemple la prochaine rencontre annuelle du réseau européen des plateformes de crowdfunding, et
b/ organiser un événementiel à Paris, comme par exemple les nouvelles Assises du Financement Participatif, en décembre prochain.
Inutile de dire qu’après ces deux événementiels, ça va pulser grave du crowdfunding en France.
Encore une fois, toute cette agitation moutebourgeoise s’apparente fort à de grandes envolées lyriques remplies d’air chaud dans le meilleur des cas, et, dans le pire, à une nouvelle bordée d’interventionnisme d’État. Si cette intervention avait effectivement pour but d’alléger la masse considérable de régulation et d’assouplir les relations entre les entrepreneurs et les investisseurs, on pourrait s’en réjouir. Mais il n’en est rien : pour un assouplissement valable ou constaté, les gouvernements qui se succèdent et se copient ajoutent deux ou trois contraintes, taxes ou un petit paragraphe règlementaire qui insèrent un peu plus l’État et ses institutions entre les individus, entre les adultes responsables qui, d’un côté, entreprennent et de l’autre, investissent.
De ce point de vue, on ne peut souhaiter qu’une chose : que l’État et tous ses commis, à commencer par Montebourg, se désintéressent de ces questions. Qu’ils s’en aillent loin et laissent les gens tranquilles, respirer sans leur aide étouffante de sollicitude, asphyxiante de prévention, mortifère de bonnes intentions calculées. Voilà qui offrirait de réelles opportunités de croissance à la France.
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