Chypre est en passe de
remporter le prix du sauvetage le plus problématique de la zone euro, après
avoir déjà donné lieu à une passe d’arme inaccoutumée entre Wolfgang Schäuble et Mario Draghi, en
attendant les prochains épisodes.
Les données de base sont
simples : l’État a besoin de 17,5 milliards d’euros, dont 10 milliards pour
les banques, qui ont subi de plein fouet la restructuration de la dette
grecque. La somme n’a rien d’inabordable pour le Mécanisme européen de
stabilité (MES), à ceci près qu’elle ne pourra jamais être remboursée. Ce qui
a pu être dissimulé un temps pour la Grèce ne peut pas l’être pour Chypre,
car le ratio d’endettement actuel de 80% du PIB pourrait grimper jusqu’à
150%. C’est d’ailleurs pour cette raison que le FMI avait préconisé dès
décembre dernier de restructurer la dette chypriote, faute de quoi il ne
pourra participer au sauvetage.
Mais les Européens ont
répliqué par la bouche d’Olli Rehn
que le chose était hors de question, tenus par une
promesse faite lors du dernier sauvetage grec. Les choses sont toutefois
complexes, car les banques chypriotes détiennent l’essentiel de la dette
publique et seraient atteintes par sa restructuration. Aboutissant à un jeu à
somme nulle, l’aide qui ne serait pas versée à l’État devant alors l’être au
profit des banques !
L’importance des dépôts
d’origine russe sur les 70 milliards d’euros qui sont déposés sur les compte bancaires chypriotes est un autre aspect du
problème : on estime qu’ils en représentent la moitié, et ces fonds sont
considérés comme d’origine douteuse. Renflouer Chypre et ses banques, c’est
sauver les oligarques russes, ce qui explique le récent rendez-vous entre
Vladimir Poutine et Dimitris Christofias,
le président communiste de Chypre ! Restructurer les banques chypriotes, y
faire participer leurs actionnaires et créanciers, aller jusqu’à geler les
dépôts supérieurs à 100.000 euros pour les utiliser comme garantie, comme il
a été envisagé, soulèvent donc des questions qui ne sont pas seulement
financières ! C’est comme s’il fallait sauver un paradis fiscal.
Le gouvernement russe a
d’ailleurs manifesté ses bonnes intentions, après s’être fait prier, en
proposant de prolonger le calendrier de remboursement d’un prêt de 2,5
milliards d’euros déjà effectué, mais cela ne règle rien : qui va à l’arrivée
essuyer les pertes ? Si le MES répond aux besoins de financement de Chypre,
il ne pourra pas l’éviter… S’il s’y refuse, ce sont les banques grecques
créancières qui risquent à leur tour d’en subir les conséquences, alors
qu’elles ne sont pas encore totalement renflouées de leurs pertes sur la
dette souveraine de leur pays, ne faisant que déplacer le problème.
Billet
rédigé par François Leclerc
Son livre,
Les CHRONIQUES DE LA GRANDE PERDITION vient de
paraître
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