L’Europe apporte une toute nouvelle signification
à la technique du ‘bootstrap’,
ou au principe vertueux qu’est celui de se relever après
qu’une terrible explosion ou infortune vous ait jeté au sol. Sa
nouvelle stratégie pourrait être surnommée ‘de
l’hameçon’, puisqu’un immense dispositif de secours
semble soulever une à une les nations exténuées de leur
position à genoux pour leur offrir des vacances. D’où le
spectacle intéressant qu’est celui d’un continent entier
semblant se préparer à prendre du repos malgré sa ruine
financière, ses révolutions et ses guerres civiles.
Aucune personne ayant déjà eu la chance de
voyager en Europe ne peut douter qu’elle est un continent parfait dans
lequel passer ses jours. Les villes et villages sont immaculés, y
compris ceux ayant été réduits en poussière
à la suite des années 1940. Trains, tramways et métros
circulent en permanence, et à l’heure. Les citoyens, bien que
bien nourris, maintiennent une physionomie normale et portent en public des
vêtements d’adultes qui se respectent. Partout transparait la
notion centrale à la civilisation qu’est celle de
l’importance de la grâce et de la beauté – jusqu’à
l’écriture à la craie sur les menus des bistros.
L’Europe est un endroit merveilleux où j’aimerai beaucoup
retourner. Les évènements actuels, en revanche,
suggèrent que la plus douce des périodes de son histoire touche
à sa fin, et que ce qui reste à venir ressemblera bien moins
à Midnight in Paris qu’à Riots in Cellblock D.
L’instauration de la tactique de
l’hameçon a été à la fois drôle et
pénible à observer, à la manière d’un
numéro public de cascadeurs se fixant des objectifs surhumains. Le
spectacle Européen est celui d’un groupe de nations, toutes
enfoncées jusqu’au cou dans les sables mouvants de la dette,
prétendant attraper les lignes de sauvetage de crédit leur
étant jetées depuis les nuages par les
hélicoptères des banques centrales, simplement pour se rendre
compte qu’elles ne sont autre qu’une hallucination commune se
présentant à elles alors qu’elles traversent leurs pires
heures de désespoir. Cela peut paraître cruel, tout
particulièrement du fait qu’elles semblent désormais
enfoncées dans les sables mouvants non plus jusqu’au menton mais
jusqu’aux yeux.
Il est impossible pour tout observateur que
d’imaginer que ce chapitre historique puisse se terminer autrement que
par une catastrophe, et qu’on manque un jour d’y faire
référence comme étant l’ère des gouvernements
sans chèques de provision. Il n’en est pas moins que même
la nation Européenne la plus angoissée qu’est
l’Espagne continue de voir ses restaurants s’emplir de clients et
ses plages de la Costa Brava se peupler de nubiles à moitié
nues. En Italie, un écureuil pourrait se frayer un chemin depuis Monterotondo jusqu’à Lago
Maggiore en sautant simplement d’une table de
restaurant à une autre, ses petites pattes ne touchant jamais le sol.
La question qui se pose est la suivante : que se
passera-t-il lorsque tout le monde se rendra compte qu’il n’y a
tout simplement plus de monnaie du tout ? Et que tout ce cirque de plans
de sauvetages n’était qu’une fraude ? Selon moi, les
sociétés se fractureront, et tous se bousculeront pour les
restes de la table de banquet sur laquelle la congrégation des nations
du monde aura posé sa carte de paiement. Et lorsqu’il ne restera
plus rien de la table de banquet, les membres de certaines nations, ainsi que
les régions de certains nations, se mettront à piller leurs
voisins jusqu’à faire de l’Europe une scène si
dévastée que même les touristes Chinois n’oseront
pendant quelques temps plus y mettre les pieds.
Ce que je dis ici ne signifie pas que les choses ne se
passent pas de la même manière dans d’autres endroits du
monde. Par exemple, nos amis Chinois sont tout aussi négligents et en
mauvaise posture que les Eurolandais. Et je ne parlerai même pas de la
situation Anglo-Américaine, ayant offert au reste du monde un futur
aussi dangereux que l’appartement piégé de l’homme
à l’origine de la fusillade au cinéma Aurora.
En cet automne 2012, n’est-il cependant pas plus
simple de se servir un nouveau gin-tonic et de profiter de l’été
indien plutôt que que de se soucier de
tout cela ? Reposez-vous tous. La réalité n’en sera
pas moins violente lorsqu’elle viendra nous frapper de plein fouet dans
quelques semaines. Quant à moi, je me contente pour l’instant de
bien arroser mes arbres fruitiers.
Quelques personnes font du kayak à Battenkill,
Juillet 2012
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