Le premier
signe en est le développement de l’hyperinflation, plus correctement décrit
comme un effondrement du pouvoir d’achat de toutes les devises
gouvernementales majeures.
Les banquiers centraux continuent
pour la plupart, je n’en doute pas, d’ignorer cette réalité ; en partie
parce que leurs statistiques choisies manquent de la capturer, mais
principalement parce que leurs théories économiques et monétaires manquent de
traiter de ce problème.
Cet article se penchera sur les
preuves de surévaluation extrême sur les marchés mondiaux des actions et des
obligations, pour en arriver à la conclusion que l’explication en est de plus
en plus liée à une meilleure perception par le public du risque représenté
par l’accumulation d’espèces ou la tenue d’un compte bancaire. Les relations
de risque entre les espèces et les actifs commencent à s’inverser en raison
de l’échec des politiques monétaires employées et de l’escalade du risque de
contrepartie des banques.
Il y a évidemment d’autres
intrigues qui entrent en jeu, tels que la manipulation réelle et imaginaire
des marchés par les banques centrales, et la confiance haussière qu’elle
donne aux acheteurs et aux accumulateurs d’investissements. Sans oublier l’idée
unanime selon laquelle les taux d’intérêt devront un jour remonter.
Pour laisser de côté les
suppositions les plus extrêmes, la raison première des disparités entre les
valeurs semble être la dévaluation des devises plutôt que la réévaluation des
actifs. Si la même chose arrivait à la relation de la monnaie avec les biens
et services, les économistes commenceraient à s’inquiéter de l’inflation, de
la stagflation, et même de l’hyperinflation.
Pourquoi l’inflation
des actifs a de l’importance
Personne ne s’inquiète aujourd’hui,
parce que l’inflation des prix touche majoritairement les actifs. Les
investisseurs se réjouissent de l’effet de richesse qu’elle génère. Les
actifs ne sont pas représentés dans les indices des prix à la consommation, c’est
pourquoi le danger d’un déclin du pouvoir d’achat de la monnaie en termes d’actifs
ne semble pas exister. Cela ne signifie pas que le problème devrait être
ignoré. Si la raison derrière la croissance des marchés est une fuite depuis
le capital, alors il nous faut nous inquiéter. Et cela semble être le cas.
Plutôt que de nous réjouir de notre accumulation de capital, nous devrions
nous concentrer sur le pouvoir d’achat futur de nos devises.
Confiner l’estimation de l’inflation
des prix à certains biens et services présélectionnés est une erreur à très
courte vue. C’est à l’origine pour des raisons pratiques que les achats des
consommateurs ont été si catégorisés, et il est fallacieux que de croire qu’aux
yeux des consommateurs, une telle division existe entre l’acquisition de
différents produits. En termes économiques purs, il n’existe aucune
distinction entre l’achat d’un bien consommable et un prêt de monnaie qui
permet à quelqu’un d’autre d’acheter des immobilisations ou d’accéder à des
fonds de roulement. L’exclusion de produits de seconde main partiellement
dépréciés est tout aussi illogique. Tous les achats sont des achats, point
final.
Non seulement les économistes et
économétriciens d’aujourd’hui ignorent cette erreur fondamentale dans leurs
tentatives d’établir des mesures de l’inflation des prix, les banquiers
centraux et la communauté de l’investissement commettent sans s’en rendre
compte une autre omission, qui est d’estimer que la monnaie a une valeur
constante dans le cadre de toutes les transactions. C’est très peu surprenant,
parce que nous comptons en termes de monnaie, et parce que nous payons des
impôts sur des profits mesurés en monnaie.
Ces deux erreurs distordent
toutes les analyses économiques, et peuvent avoir de sérieuses conséquences.
L’inflation des actifs commence
à se propager sur le secteur des marchandises, nécessaires à la fabrication
des produits finis. Elle s’est aussi infiltrée sur les services, pour faire
grimper les taux de rémunération du secteur du bâtiment et les commissions d’agence.
C’est une conséquence qui se développe depuis le ralentissement de la
dernière crise, et qui a accéléré avec le renversement de la chute des prix
des marchandises. Selon les publications officielles, l’inflation des prix est
quasiment inexistante, ce qui induit les marchés, le public et les
planificateurs économiques en erreur.
Les
investisseurs sont des êtres rationnels
Il devient évident que certains
investisseurs fassent preuve d’une préférence plus grande pour les actifs d’investissement
que pour les dépôts bancaires. Les analystes supposent généralement que cette
préférence n’est pas un vote contre la monnaie, mais représente un désir de
générer des profits. C’est correct pour les gestionnaires de fonds mutuels, à
qui on demande de générer des profits en termes absolus ou relatifs.
Les autres, notamment les plus
riches qui s’intéressent de près à leurs finances, commencent à voir les
choses d’un autre œil. Ils observent les prix des actions des banques qui
leur doivent de l’argent. Les banquiers privés d’Europe demandent
actuellement à leurs clients les plus fortunés de ne pas effectuer de retraits
substantiels. Transférer des dépôts d’une banque à une autre ne fait rien
pour protéger contre le risque systémique, c’est pourquoi il est nécessaire d’acheter
quelque chose, comme par exemple une obligation gouvernementale ou de l’or, pour
se débarrasser de sa monnaie et transférer le risque à d’autres.
Pour ces investisseurs fortunés,
le danger principal est une hausse du taux d’inflation, mais pour l’heure, les
discussions concernent exclusivement la déflation et le risque systémique. En
revanche, les prix des matières premières ont augmenté significativement
cette année pour renverser la tendance des années précédentes. A moins que
les prix des matières premières commencent bientôt à décliner, ils feront
grimper l’inflation des prix malgré le manque d’activité économique au sein
des économies les plus avancées. Eventuellement, les banques centrales
devront y répondre en faisant grimper les taux d’intérêt, ce qui minera les
marchés des obligations gouvernementales et la valeur de toutes les classes d’actifs
qui y sont liées.
La fuite depuis les espèces
reflète, du moins pour le moment, l’importance des risques systémiques. En
revanche, nous ne pouvons dire avec assurance qu’un effondrement du système
bancaire se produira, à moins que les taux d’intérêt augmentent pour refléter
le déclin du pouvoir d’achat des devises fiduciaires. Alors seulement, nous
pourrons être certains de notre immolation financière générale, qui viendra
accélérer la fuite depuis les dépôts bancaire.
Pour le moment, les marchés se
concentrent sur la déflation. Les conditions déflationnistes sont nécessaires
à l’expansion monétaire future requise pour refinancer les banques, l’économie,
ou les deux. Une majorité des investisseurs semblent en être aussi certains
qu’ils l’étaient de voir le Royaume-Uni choisir de rester dans l’Union. L’erreur
qu’ils commettent, c’est d’ignorer qu’une inflation des prix peut coexister
avec une contraction des activités commerciales.
L’inflation monétaire, notamment
lorsqu’elle devient extrême, garantit une contraction de l’activité
économique, parce qu’elle réduit le pouvoir d’achat des masses. C’est la
raison pour laquelle les premiers signes de l’inflation des prix des actifs
issue d’un déclin de la préférence pour la monnaie devraient être traités
avec sérieux. A mesure que ses effets se répandront jusqu’à atteindre l’indice
des prix à la consommation, le rejet de la monnaie en faveur des produits se
généralisera également.
Cela pourrait très vite nous
mener à ce que l’économiste autrichien, Ludwig von Mises, a qualifié de crack-up
boom : la fuite finale depuis la monnaie vers les biens. Nous n’accumulons
pas encore de boîtes de haricots rouges et de papier toilette, mais tout
pousse à croire que nous viendrons un jour à le faire.