La prochaine crise monétaire fera redécouvrir un principe
millénaire : la dette doit avoir une limite. A défaut, on crée une
société d’esclaves.
Les banquiers centraux, par l’usage abusif du crédit infini et
quasi-gratuit, ont nationalisé les marchés financiers. A la prochaine crise,
ces mêmes banquiers centraux – qui contrôlent la monnaie – seront mis sur la
sellette ; la confiance, qui est l’unique assise de nos monnaies, sera
ruinée.
Les abus des banquiers centraux nous ont conduits à des absurdités tels
que les taux négatifs et l’endettement des générations à venir. Or, jamais on
n’a vu dans l’Histoire une génération accepter le passif financier de la
précédente. Même les histoires de dettes de guerre se sont mal terminées… par
un défaut ou une autre guerre.
L’institut Bruegel a récemment sorti une réflexion intitulée « Les
libertés économiques et politiques sont-elles étroitement liées ? »
(1).
Si votre premier réflexe a été de répondre « bien sûr que
oui ! » dans un haussement d’épaule, réfléchissez-y à deux fois.
« Au début du capitalisme (XVIIIème, XIXème et même début du
XXème siècle), une économie de marché (avec un rôle très restreint du gouvernement)
s’accompagnait de régimes politiques, qui selon les critères d’aujourd’hui,
étaient soit non démocratiques, soit partiellement démocratiques. Ceci a
progressivement changé au cours du XXème siècle, la plupart des pays à hauts
revenus ayant adopté à la fois des régimes démocratiques et une économie de
marché. […]
Néanmoins, il n’y a pas d’exemple historique de démocratie stable sans
économie de marché prédominante fondée sur la propriété privée. Les rêves
utopiques de planification centrale démocratique ne se sont jamais
matérialisés ».
Les libéraux considèrent que la concurrence ne se limite pas à l’économie,
elle doit aussi toucher le domaine politique, celui des idées. Dans le
premier cas, le marché tranche, dans le second cas, les électeurs tranchent.
Dans les deux cas, laisser l’ordre spontané s’imposer est source de
prospérité. La prospérité ne peut s’épanouir que dans la paix, pas la guerre
et le pillage.
Lorsqu’un banquier central trafique une monnaie (ou le crédit, puisque
c’est devenu la même chose), il commence par fausser la concurrence, altérer
l’économie mais il va aussi altérer la politique ; la fuite devant la
monnaie, l’inflation généralisée des prix et les troubles sociaux qui
s’ensuivent ne sont que le résultat de la défiance qui remplace la confiance.
La monnaie est au carrefour des libertés politiques et économiques.
La monnaie et la politique de contrôle des changes reflètent le niveau de
totalitarisme des pays. Il y a une différence fondamentale entre le régime
d’un Franco et celui d’un Staline, tous deux qualifiés de totalitaires. Sous
Franco, celui qui n’était pas content pouvait partir avec ses pesetas voir si
l’herbe était plus verte ailleurs. Pas sous Staline puisque le rouble n’était
pas convertible.
Voici mon classement personnel en cinq niveaux de dictature :
- Niveau 1 : libre circulation du bipède et de son argent
: Dans ce régime idéal, chacun va où il le veut avec le fruit de
son travail.
- Niveau 2 : rançon à la sortie. Si vous n’êtes pas
content, on vous laisse partir mais vous payez une rançon. L’exit tax
n’est pas autre chose. D’ailleurs une première tentative de législation
par la France en 2004 s’était fait retoquer car jugée incompatible avec
la liberté d’établissement prévue par le droit européen.
- Niveau 3 : limitation de la convertibilité de la monnaie
et contrôle des changes. À ce stade, le piège se referme même en
démocratie. En pratique, la législation vous interdit d’emporter plus
d’une certaine somme dans votre valise en carton ou bien limite la
convertibilité de la monnaie à un certain montant. La France a connu ce
régime après la Première Guerre mondiale, puis de 1939 à 1984 avec une
courte interruption en 1967. Bien entendu, vous entendrez que ces
mesures liberticides sont prises dans l’intérêt du bien public : c’est
pour lutter contre la spéculation, la fuite des capitaux, etc.
- Niveau 4 : non-convertibilité de la monnaie, mais sortie
possible. Dans ces régimes autoritaires, si vous n’êtes pas content,
vous pouvez partir, mais sans votre argent. La monnaie n’est pas
convertible. Utile pour l’image du régime, car suffisamment dissuasif
pour tarir le flot sortant de mécontents. La Chine appartient encore à
ce niveau, puisqu’une partie de la monnaie continentale n’est pas
convertible.
- Niveau 5 : non-convertibilité de la monnaie et sortie du
territoire impossible.
Avec les dictatures les plus féroces, les frontières sont bouclées et la
monnaie n’est pas convertible.
Mais mon classement a un défaut : il part du postulat que la concurrence
monétaire est possible.
Or le rêve de la bureaucratie internationale serait de s’en affranchir en
instaurant une monnaie mondiale et une gouvernance mondiale…
C’est oublier que la monnaie mondiale peut très bien exister sans une
armée de fonctionnaires internationaux.
A partir d’une histoire multimillénaire, l’or et l’argent ont spontanément
émergé comme monnaies sans se préoccuper des frontières politiques. Des
monnaies sans frontières, les plus aptes à garantir la liberté et la
propriété, indépendamment du régime politique.
« L’étalon-or intégral ou la monnaie couverte à 100% par l’or est
le seul barrage de protection qui pourra être érigé entre les citoyens et le
Léviathan. A partir du moment où les citoyens acceptent l’étalon-papier émis
par l’État, il n’y a plus aucune entrave théorique ou pratique à leur
exploitation et leur asservissement absolu – même sous la meilleure des
constitutions » – Roland Baader (2)
Puis avec la fin des accords de Bretton Woods et la rupture de tout lien
entre les monnaies et l’or, nous assistons à une phase de déconstruction
systématique de la monnaie et du système monétaire.
La monnaie redevient du crédit pur, comme du temps d’Hammourabi 3 000 ans
avant J.-C., comme avant que l’usage des monnaies métalliques ne se diffuse
(environ 1 000 ans avant J.-C.).
Mais la régression est pire encore que ce que vous pouvez imaginer. Les
Anciens punissaient les mauvais payeurs d’esclavage. Mais, pour éviter le
surendettement qui aurait conduit à une société d’esclaves contrôlés par
quelques puissants, des remises de dettes étaient périodiquement instaurées.
Or dans notre système de monnaie-crédit d’après Bretton Woods, aucune
limitation à la dette n’est prévue.
La prochaine crise monétaire nous fera redécouvrir des principes
millénaires.
« Raconte-moi le passé et je connaîtrai le futur », disait
Confucius.
Dans cette future crise monétaire et ce jubilé, une extraordinaire
quantité d’épargne reposant sur la dette et des promesses vides sera
détruite. Autant s’y préparer.
(1) article
disponible ici qui cite par ailleurs trois autres études
(2) MSC d’économie, élève du prix Nobel Hayek, auteur de Geld, Gold und
Gottspieler (Monnaie, Or et se prendre pour Dieu), publié en 2005 et
sous-titré : A la veille de la première crise économique mondiale.
Pour plus d’informations et de conseils de ce genre, c’est ici et c’est gratuit.
Article de Simone Wapler, via les Publications
Agora. Simone Wapler est directrice éditoriale des publications Agora,
spécialisées dans les analyses et conseils financiers. Ingénieur de
formation, elle a quitté les laboratoires pour les marchés financiers et vécu
l’éclatement de la bulle internet. Grâce à son expertise, elle sert
aujourd’hui, non pas la cause des multinationales ou des banquiers, mais
celle des particuliers.
Elle a publié « Pourquoi la France va faire faillite » (2012), «
Comment l’État va faire main basse sur votre argent » (2013), « Pouvez-vous
faire confiance à votre banque ? » (2014) et “La fabrique de pauvres” (2015)
aux Éditions Ixelles.