Le monde monétaire fut pris d’un orgasme la
semaine dernière, alors qu’entre deux bouchées de scamorza con arugula,
Mario Draghi déclarait que la BCE ne
s’arrêterait devant rien pour empêcher le cœur
financier de l’Europe de s’arrêter de battre. Vous vous
demandez très certainement combien de verres de Campari
il a pu descendre avant de déblatérer de tels bobards. Les
marchés se sont tous trémoussés de joie. Je suppose que
ça leur fait du bien, de se faire souffler de la fumée par
derrière.
Voici venu le dernier mois du Grand Faire Semblant en ce
joli continent aux villes exquisément préservées, avec
des corniches se jetant dans une mer vert de jade et des tables de jardins
installées sous des tonnelles couvertes de vignes… C’est
du moins ainsi que paraît l’Europe en comparaison aux banlieues
Américaines regorgeant de voies rapides assourdissantes
jonchées de centres commerciaux illuminés, de magasins de
perruques, de repères de tatoueurs, de prêteurs sur gage, de
parkings, et de citoyens obèses se dandinant avec grande
difficulté sous un soleil de plomb. Lorsque tout finira par exploser,
les Européens auront au moins la chance de sombrer dans un
environnement merveilleux. L’expérience des Américains
ressemblera plus à ce que l’on ressentirait si nous
étions jetés dans une cuvette de toilettes avec la chasse
d’eau en marche.
Plus vous réfléchissez à la remarque
de Draghi, plus vous vous demandez si
quelqu’un paie effectivement attention au fait qu’il
n’existe plus aucune monnaie capable de soutenir les trop nombreuses
promesses de plan de sauvetage. Les plus grosses banques Européennes
sont toutes insolvables, et l’ensemble des nations leur étant
venu en aide sont également structurellement insolvables. Les
économies dépendant de la circulation de fonds dans cet
organisme qu’est l’Europe ne pourront pas échapper
à l’effondrement. L’élément de
l’histoire sur lequel nous ne parvenons pas encore aujourd’hui
à mettre le doigt est l’étendue de la colère dans
laquelle se trouveront les citoyens de tous ces pays lorsque la saison
estivale touchera à sa fin. Je ne pense pas qu’ils se mettront
tout de suite à se battre les uns les autres, mais il y a de fortes
chances que les lampadaires des rues de leurs capitales soient
décorés de corps de banquiers, de ministres et de politiciens
de choix, alors que dans les rues, les gens seront affairés à
se chamailler les restes d’un banquet de 30 ans de dettes.
Du côté Américain, certaines questions
commencent à être soulevées : qui sont les
gentils ? Pourquoi n’existe-t-il pas une seule figure politique
aux Etats-Unis qui semble avoir une relation
confortable avec la vérité ? Peut-être
l’élimination de l’honnêteté dans les
affaires bancaires et gouvernementales est-elle si complète
qu’il n’existe plus aucune vérité avec laquelle
établir une relation. Ou peut-être plus aucun Américain
ne croit-il assez en ce système pour lui prêter secours. Tout
ceci nous pousse à nous poser une troisième question :
où se cachent les courageux capables de s’opposer à cette
culture de mensonges, d’escroqueries et de racket ?
Je ne dirai jamais assez à mes lecteurs que la vie
est tragique. Les individus et groupes sociaux prennent de mauvaises
décisions, ou ne parviennent simplement pas à faire face aux
défis que leur présente l’Histoire. Lorsque les gens
échouent, les évènements prennent le contrôle sur
le cours des choses et mènent les gens où bon leur semble.
C’est ainsi que les évènements prendront le dessus sur
les élections clownesques qui opposeront bientôt un enfant
errant à un âne. Le public dégénéré
aux mamans footballeuses tatouées et aux papas portant encore des
vêtements d’enfant n’a aucune idée de la
rapidité à laquelle les étalages des supermarchés
se videront. Le système bancaire se rapproche dangereusement des
chutes du Niagara, et emportera avec lui notre petit confort.
Les gens ont tendance à préférer
l'ordre au chaos. Ne soyez donc pas surpris lorsque vous verrez un
général du Pentagone décider qu’il n’a plus
d’autre choix que d’entrer en scène et de devenir le
gouvernement. Une telle chose nous plongerait certainement dans les heures
les plus sombres de notre Histoire, mais c’est exactement ce à
quoi nous avons aspiré avec nos politiques du mensonge et du racket.
Ce que je décris ici est bien entendu le revers de la loi martiale. Un
citoyen la déclare, et les choses deviennent rapidement martiales
– les citoyens insignifiants ayant laissé la situation
dégénérer sans réagir seront
éliminés en faveur d’autres capables de faire ce
qu’on leur demande. Et ce qu’on leur demandera tout d’abord
de faire sera de réorganiser le système bancaire, de relancer
la croissance, et de faire en sorte que les supermarchés et pharmacies
puissent rouvrir leurs portes.
J’aimerai bien sûr que nous n’en
arrivions jamais à une telle situation, mais c’est là le
scénario vers lequel se dirigent les yeux fermés les citoyens
imbéciles de notre nation dépravée. Retirez-leur leurs
pizzas à emporter et leurs bouteilles de Pepsi, et tout peut arriver.
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