Aujourd’hui, je vous propose de nous éloigner un peu de la pipolitique politicienne française, pour laquelle il
semble acquis, si l’on s’en tient aux déclarations de François Hollande et de
sa fine équipe, que tout ira pour le mieux. Faisons donc plutôt un point
rapide sur quelques mouvements survenus dernièrement sur le marché de l’or.
Et si je me penche à nouveau sur l’or aujourd’hui, ce n’est pas —
contrairement à ce que certains pourraient croire — parce que je trouve un
attrait mystique au métal précieux, mais tout simplement parce qu’il est un très bon marqueur de la psychologie des foules, et un
bon indice du degré de manipulation (des cours et des foules) en vigueur par
les autorités financières de toute la planète. J’avais déjà montré, dans un
précédent billet, nous avons une situation assez rare dans l’histoire de
l’humanité où un bien est fortement réclamé par beaucoup, où sa production
n’augmente pas sensiblement, et où ses prix, malgré tout, ont violemment
baissé.
On pourra regarder un récent graphique des cours (cliquez sur celui de
gauche pour le voir en taille normale) pour se rappeler qu’avant avril de
cette année, l’or se baladait de façon assez insolente du côté des 1700$
l’once, et qu’il est maintenant à 1360, en étant passé par un point bas
autour de 1200. Les quatre derniers mois furent donc agités.
Pourtant, dans le même temps, la demande n’a pas faibli : les banques
centrales, même si elles restent aussi discrètes que possibles, continuent
d’acheter de l’or, quand bien même stocker la relique barbare n’est pas
officiellement une bonne idée. Quant aux particuliers, leurs besoins ne
semblent pas se tarir, comme en témoigne les mouvements massifs d’or de Londres vers la Suisse, et ce
d’autant plus que les monnaies produites par les États trouvent de moins en
moins grâce aux yeux du public. Il suffit de déchiffrer le graphique livré dans ce billet pour comprendre l’engouement du
métal précieux actuellement. Le cas de la roupie, en Inde, est
particulièrement symptomatique : plus les autorités, dépassées, tentent de
juguler l’importation et l’achat d’or sur leur territoire, plus les foules en
réclament, et plus la roupie se dévalue (tant contre l’or que contre le
dollar).
Mieux : depuis des années, JPMorgan, qui avait
hérité des positions à la baisse massives au rachat de Bear
Stearns en mars 2008 et déconseillait l’achat d’or auprès de sa clientèle, a
changé de discours et recommande l’achat à présent ; ils disposent maintenant de 85.000 contrats
« longs » (misant sur la hausse du cours) – à comparer aux 75.000
contrats « shorts » (à la baisse) qu’ils détenaient précédemment.
Historiquement, la concentration actuelle à la hausse sur le COMEX (le marché
de l’or à New-York) par les quatre plus gros traders sur ce marché n’a jamais
été aussi élevée. Tout ceci ressemble à un beau « corner« …
Et c’est là que les choses deviennent intéressantes : sur le mois d’août,
de fort étranges mouvements ont été notés par les observateurs habituels sur
ces marchés, à commencer par ZeroHedge.
Ainsi, le 7 août nous offre un premier échange de bons procédés
entre HSBC et JPMorgan, précisément. Les seconds
demandent quelques 6400 onces d’or aux premiers.
Le lendemain, JPMorgan jugeant
sans doute que HSBC ne serait pas disponible pour une nouvelle transaction
aussi tôt, contacte Scotia Mocatta
pour une livraison amicale de 20.000 onces (« il y a un peu plus, mais
sachons vivre, je vous l’emballe ou c’est pour consommer de suite ? »).
Les petits mouvements de quelques tonnes d’or par-ci, par-là, sont
normalement assez rare, et le sens général de ces
derniers brosse une tendance intéressante.
Et c’est le 12 août qu’on apprend finalement que 44.000 onces sortent
du stock de JPMorgan, pendant que Scotia Mocatta refile 23.000
onces à HSBC, et que HSBC en refourgue 43.000 à JPMorgan.
La conclusion de ZeroHedge, généralement bien
informé, mérite d’être reproduite ici :
The above chart shows
what happened in terms of intravault activity alone, where the only net exit
of gold from the Comex took place at JPM. Everything else was, well, a
« musical chairs » scramble to actually obtain the gold. What is really
going on behind the scenes, however, nobody knows. — Le
graphique ci-dessus montre ce qui s’est passé seulement entre les différents
coffres, où les seules ventes hors du COMEX furent du fait de JPMorgan. Tout le reste n’est qu’un jeu de chaises
musicales pour obtenir l’or physique. Ce qui se passe vraiment en coulisse,
en fait, personne ne le sait.
Tout ceci est évidemment très rassurant puisque cela revient à dire que JPMorgan semble récupérer l’or physique un peu partout où
il peut pour subvenir aux demandes de livraisons enregistrées sur le marché
de l’or. À ce propos, rappelons que les stocks d’or officiellement déposés au
COMEX sont actuellement au plus bas … Cette situation tendue sur l’or, la
nouvelle position acheteuse de JPMorgan, ces
récents jeux de bonneteau comique entre coffres sont peut-être les raisons
qui ont poussé, dans la foulée, JPMorgan à mettre en vente, justement, les coffres dont il avait la
propriété. Allez savoir. Officiellement, JPMorgan
explique vouloir sortir complètement des matières premières, l’or en faisant
partie.
Soit. Mais on ne peut s’empêcher de ressentir une impression étrange à la
lecture de ces derniers faits : celle d’une entreprise qui tente de s’en
aller le plus vite possible d’un marché dont il sait qu’il ne pourra plus le
maîtriser plus longtemps.
Quoi qu’il en soit, ces derniers événements, couplés aux remarques qui
ouvrent mon billet, laissent songeur : d’un côté, on nous explique que l’or
est une relique barbare, mais de l’autre, les banques centrales en achètent,
et tout indique que la demande est bien plus forte que ce que le marché peut
fournir. Un investisseur avisé aurait déjà tendance, sur cette base, à
conseiller l’achat. Si, en plus, on tient compte des cinq années passées à
injecter des centaines de milliards d’euros ou de dollars dans l’économie, et
de l’historique moyen des monnaies fiat (qui se sont toutes,
systématiquement, terminées sur des échecs), on comprend en quoi les métaux précieux
peuvent constituer un refuge alors que les marchés accumulent actuellement
des signes inquiétants de nervosité : les taux des bons du trésor américain
n’arrêtent pas de monter, les investisseurs s’en débarrassent, les présages boursiers défavorables s’empilent, les deux grosses
entités de crédit immobilier Freddie Mac et Fannie Mae ont camouflé des milliards de pertes, les pertes de Walmart sont très
inquiétantes, la bourse indonésienne a dévissé, …
Alors oui, le marché de l’or est fort étrange actuellement, d’autant plus
pour ceux qui voient arriver une reprise, la croissance et la sortie du
tunnel. Je leur souhaite bien de la chance. Pour les autres, vous savez ce
qui vous reste à faire.