Cela fait une semaine qu’une série d’actions terroristes a eu lieu dans la capitale française, ce qui a permis au gouvernement de déployer toute la panoplie des émotions républicaines officiellement autorisées, depuis la colère jusqu’à la peine en passant par la détermination, le tout enrobé dans moult petits coups de mentons, force sourcils froncés et belles phrases prononcées avec componction.
Le résultat est en tout point conforme à ce qu’on pouvait attendre.
Ne pouvant guère renforcer un plan Vigipirate lui-même déjà écarlate, permanent et renforcé, ne pouvant pas non plus expliquer calmement que les arsenaux légaux et policiers existent déjà depuis un moment et qu’il faut maintenant les employer vraiment et de façon systématique sans plus faiblir, le gouvernement a pris les choses dans ses petites mains tremblotantes puis manipulatrices pour bien nous faire comprendre qu’on entrait dans une folle période d’action.
À l’état d’urgence aura succédé un vote solennel, bien évidemment entériné par une majorité totalement écrasante, vote qui aura lui-même fait place à une révision constitutionnelle dans les tuyaux, probablement parce que tripoter la constitution est exactement ce dont les Français ont actuellement le plus besoin, avant même une économie florissante, une société apaisée et une saine sécurité apportée par un État concentré sur ses priorités régaliennes.
D’ores et déjà, on sait que ce sera une réussite : dotée d’une batterie de décrets, de lois adoptées en urgence, de révision constitutionnelle, la République, après avoir analysé avec finesse le problème qui se posait, va à l’évidence apporter un ensemble de solutions adaptées, comme cela s’est toujours passé.
Ainsi, l’État Islamique ayant revendiqué les attentats, il semble normal de se placer immédiatement sur le terrain que l’ennemi officiel a choisi. C’est recommandé par Sun-Tzu et des millénaires de traditions stratégiques : pour envisager une victoire éclatante, rien de tel que laisser le choix du terrain (idéologique ici) à l’adversaire. Rien de tel, non plus, que lui laisser le choix des armes. Et mieux encore, rien de tel que lui fournir, directement et indirectement, les ressources financières, humaines et militaires dont il aura besoin pour attaquer.
Nul besoin de calmer les esprits. Puisque la terreur doit s’emparer de nous, laissons-faire et lançons des alertes, dans tous les sens : la discrétion et le travail de fond doit laisser place à la communication tous azimuts, les démonstrations de force, et les opérations médiatiques visibles. Puisque, de l’aveu même des fins analystes du gouvernement, « les vilains-méchants nous ont attaqués à cause que nous sommes libres d’abord », réduisons drastiquement nos libertés. Comme cela se passe ici et maintenant, inscrivons notre réponse ailleurs, loin de préférence, et dans l’immédiat. Et puisqu’on a besoin que nos citoyens soient en sécurité, désarmons-les !
Difficile d’échapper aux évidences, mais peut-être est-il bon de les rappeler malgré tout tant celles-ci sont très soigneusement évitées par la presse, actuellement monolithiquement acquise aux actions entreprises et dont la critique se borne à des points de détail.
Par exemple, difficile d’oublier que c’est bel et bien l’État qui a fourni (et, très probablement, fournit encore) des armes à l’Etat Islamique (EI) via des livraisons au petit bonheur la chance au Moyen-Orient. Oh bien sûr, ce sont les rebelles syriens qui sont les destinataires souhaités de ces armes. Mais voilà : tout ne se déroule pas toujours comme prévu, certains rebelles finissent par rejoindre l’EI, ou l’EI les capture… Au final, le résultat est le même.
Par exemple, difficile d’oublier que la sécurité des dépôts d’armes militaires (explosifs, détonateurs, armes de poing) en France dépend bel et bien de l’État français. À qui, sinon l’État, imputer la responsabilité d’une sécurité inadaptée lorsqu’un vol survient ?
Par exemple, c’est bien en prétendant assurer la sécurité des Français que l’État français, par son gouvernement, décide d’interventions armées au Moyen-Orient et en Afrique, ce qui semble être un échec, et c’est, du reste, le même gouvernement qui prend un air totalement ahuri en constatant des ripostes, et ce alors même qu’il n’a jamais explicitement prévenu le peuple français de la probabilité même de ces ripostes.
Par exemple, c’est bien ce même État, ce même gouvernement français qui, il y a neuf mois, après les attentats de Charlie Hebdo, s’agitaient, distribuaient de l’incantation et des petits coups de mentons et qui n’ont, très concrètement, absolument rien fait mis à part mettre un place un numéro vert, un site web consternant de niaiserie et une campagne d’embrassades vivrensemblesques dans les établissements scolaires.
Par exemple, c’est toujours le même État français qui, dès janvier 2015, lançait une batterie de nouvelles lois qui, en pratique, revenait à placer tous les Français sous observation, en pure perte. C’est là encore le même État français qui, très régulièrement, attrape et relâche ou laisse s’échapper ceux qui deviendront, rapidement, ces terroristes qu’il entend combattre de toutes ses forces.
Par exemple, c’est encore le même État français qui, en tabassant les entrepreneurs de taxes et de ponctions, en poursuivant de façon toujours plus débile les citoyens qui ne demandent qu’à travailler ou les automobilistes qui se déplacent sans tuer personne, en culpabilisant le citoyen de ses méchantes dépenses carbonées, c’est cet État qui contribue majoritairement à la dégradation sévère et continuelle de l’économie et qui crée un terreau humain particulièrement fertile pour le recrutement terroriste.
Par exemple, c’est encore et toujours le même État français qui, par une guerre permanente, inutile et déjà perdue contre la drogue, par des prohibitions imbéciles, provoque l’apparition de marchés noirs incontrôlables qui formeront une excellente base de financement du banditisme et du terrorisme.
Et puis par exemple, c’est aussi l’État qui contraint la population à être complètement désarmée face aux attentats, soit physiquement (en lui interdisant de s’armer ou en montant contre elle et toute légitime défense un arsenal impraticable), soit — pire encore — psychologiquement en lui cachant la réalité d’un monde toujours aussi rude, en lui enseignant, à longueur de classes, d’émissions et de débats parlementaires que lui, l’État, s’occupera de sa sécurité, et que le monde est bien moins complexe si l’on s’en remet à ses bons soins.
Et le plus beau, c’est que d’après nos gouvernants, et, dans une large mesure, d’après la classe jacassante, tout va changer grâce à l’état d’urgence, qui va améliorer les performances de l’État.
On peut y croire, c’est facile et ça rassure. Ou on peut se dire que non seulement, c’est bien cet État qui crée les conditions des agressions, mais en plus, que c’est celui qui, en empêchant chaque individu d’exprimer pleinement son potentiel, lui met un boulet à la patte et l’expose aux plus graves dangers.
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