Au mois de décembre, la Fed a
rehaussé son objectif des taux des fonds fédéraux, qui représente les taux
d’intérêt que les banques s’imposent entre elles sur le prêt de réserves au
jour le jour. Depuis 2008, les objectifs de la Fed pour les taux des fonds
fédéraux se sont situés entre 0 et 0,25% (ou 0 à 25 points de base). Mais le
mois dernier, la Fed a pris la décision de porter ses objectifs de 0,25 à
0,50%, pour mettre fin à une période de taux d’intérêt à zéro pourcent qui a
duré sept ans.
Nous pouvons déjà voir le
chaos s’installer sur les marchés financiers, qui ont enregistré leur pire
début de semaine depuis le début de l’Histoire des Etats-Unis. Ce qui
s’aligne parfaitement avec la théorie autrichienne des cycles économiques,
selon laquelle les banques centrales peuvent donner une impression de
prospérité pendant un temps à l’aide de l’émission de crédit peu cher, mais
qu’une telle décision ne fait que positionner l’économie pour un effondrement
dès que les taux recommencent à grimper.
Mais le cycle actuel présente
quelque chose de nouveau. La Fed essaie de faire grimper les taux tout en
maintenant ses bilans sur-gonflés. Elle tente d’effectuer un tour de magie
qui lui permettrait de conserver les avantages de ses précédents programmes
d’assouplissement quantitatif tout en se débarrassant du stimulus artificiel
que sont les taux d’intérêt très bas. Comme nous allons le voir, cette
tentative ne se terminera pas bien, que ce soit pour le directoire de la Fed
ou pour le reste d’entre nous. D’ici là, Ben Bernanke continuera d’observer
la situation avec inquiétude, écrivant ici et là un billet sur son blog et
donnant quelques discours sur la difficile situation de Janet Yellen.
La
théorie autrichienne des cycles économiques
L’une des contributions les
plus importantes de Ludwig von Mises a été ce qu’il appelait la théorie de la
circulation du crédit, ou des cycles économiques. Aujourd’hui, nous
l’appelons simplement théorie autrichienne des cycles économiques. La théorie
de Mises a plus tard été élaborée par Friedrich Hayek, un travail qui a
contribué à son obtention du Prix Nobel en 1974.
Selon Mises et Hayek, les taux
d’intérêt sont des prix marchés qui jouent un rôle social défini. Ils nous
apportent des informations vitales quant aux préférences des consommateurs pour
ce qui concerne la prévision de la consommation. Les entrepreneurs doivent
décider dans quels projets se lancer, et ces projets peuvent être de durées
variées. Intuitivement, un taux d’intérêt élevé signale une impatience des
consommateurs, ce qui signifie que les entrepreneurs ne devraient pas lier
leurs ressources à des projets de trop long terme, à moins que ce délai ne
soit certain de leur apporter gros. D’autre part, un taux d’intérêt assez
faible réduit la pénalité représentée par les investissements de plus long
terme, et donne le feu vert à l’allocation de capital à des projets de plus
longue durée.
Tant que les taux d’intérêt
sont déterminés par des forces de marché véritables, ils informent
correctement les entrepreneurs. Si les consommateurs décident de repousser
leurs dépenses, ils épargnent d’importants pourcentages de leurs salaires, ce
qui fait baisser les taux d’intérêt. Le niveau d’épargne élevé qui en découle
libère des ressources liées à la consommation présente – comme un repas au restaurant
ou un ticket de cinéma – et permet à de nouvelles usines d’être construites
et à de nouveaux puits de pétrole d’être creusés.
En revanche, si les taux
d’intérêt baissent non pas en raison de l’épargne, mais parce que la banque
centrale achète électroniquement des actifs grâce à de l’argent créé à partir
de rien, alors les entrepreneurs reçoivent un signal erroné. Ils s’endettent
à faible taux, mais la société tout entière s’embarque dans une trajectoire
insoutenable. Il devient vite impossible pour tous les entrepreneurs d’entrer
en compétition sur le long terme dans le cadre de leurs nouveaux projets.
AU début, cette expansion
insoutenable semble prospère. Toutes les industries sont en expansion, et
tentent de se procurer le personnel et les ressources des autres. Les
salaires et les prix des matières premières grimpent, le chômage et les
capacités non-utilisées sont en baisse. L’économie se porte bien, et les
citoyens sont heureux.
Et pourtant, tout finit par
s’effondrer. Dans un cycle classique, l’inflation des prix finit par
atteindre un niveau tel que les banques deviennent nerveuses. Elles mettent
fin à leur expansion de crédit, et laissent les taux d’intérêt grimper pour
atteindre un niveau plus proche de la réalité. Le resserrement des marchés du
crédit fait initialement souffrir les opérations les plus endettées. Mais
graduellement, de plus en plus d’entreprises se retrouvent en difficulté. Une
vague de licenciements s’ensuit. Un grand nombre d’entrepreneurs réalise
soudain qu’ils ont été trop ambitieux. Une récession douloureuse s’installe.
Cette
fois-ci, c’est différent (en quelque sorte)
Depuis la crise financière de
2008, les hausses du marché boursier ont coïncidé avec les programmes
d’assouplissement quantitatif, et les marchés ont subi un ralentissement à
chaque fois que l’expansion monétaire a touché à sa fin. Les ventes massives
d’août 2015 se sont produites après que les investisseurs ont pensé qu’une
hausse des taux était imminente (elle était prévue pour le mois de
septembre). Cette hausse des taux a été repoussée, et après sa mise en place
en décembre, le marché a plongé jusqu’à atteindre son niveau de 2014.
Comme nous pouvions nous y
attendre, et comme nous l’avons vu ces derniers mois, en période de
resserrement de ses politiques monétaires par la Fed, la base monétaire
officielle chute. Mais cela ne signifie pas que la Fet vend des actifs (comme
elle le ferait dans le cadre d’un cycle naturel). En effet, les actifs de la
Fed sont restés constants depuis la fin de la réduction de ses programmes
d’achat d’obligations à la fin 2014.
C’est assez peu habituel,
parce que la masse monétaire et les actifs de la Fed se déplacent
généralement en tandem. Pourtant, depuis la fin 2014, il y a eu trois
effondrements majeurs de la base monétaire qui sont survenus alors même que
la Fed
L’explication est que la Fed a
testé de nouvelles techniques afin de sortir temporairement les réserves du
système bancaire, tout en ne réduisant pas ses réserves totales.
Au mois de décembre, la Fed a
rehaussé les taux d’intérêt versés aux banques commerciales pour le dépôt de
leurs réserves auprès de la Fed. J’aime décrire cette politique comme un
versement par la Fed aux banques, afin que ces dernières n’accordent pas de
prêts à leurs clients.
Qu’est-ce
que tout cela signifie ?
Pourquoi donc la Fed
tente-t-elle de resserrer la masse monétaire sans vendre d’actifs, comme elle
l’a fait par le passé ? Tout n’est question que de ceci : afin de
refinancer les banques commerciales et d’investissement – du moins celles qui
s’entendent bien avec les officiels de DC – ainsi que de rendre possible pour
le gouvernement fédéral de générer des déficits de plusieurs trillions de
dollars. A la fin 2008, la Fed a commencé à acheter des trillions de dollars
de dette du Trésor et de titres adossés à des actifs hypothécaires. Le
système bancaire s’est trouvé inondé de trillions de dollars de réserves, en
parallèle aux intérêts de court terme jusqu’à zéro pourcent.
La Fed souhaite désormais
(bien que modestement) faire grimper les taux, mais elle ne souhaite pas
vendre ses bons du Trésor, de peur de faire flamber le coût d’emprunt et de
faire s’effondrer le secteur immobilier. Alors la Fed augmente ses
subventions aux grosses banques commerciales pour qu’elles conservent leurs
réserves auprès de la Fed (plutôt que de les prêter à leurs clients) et –
pour ces institutions qui ne sont pas légalement éligible dans le cadre de
telles politiques – la Fed paie directement pour emprunter des réserves. En
ajustant les taux d’intérêt que la Fed paie pour ces transactions, elle peut
faire grimper ou descendre le plancher qui se trouve sous les taux d’intérêt.
Aucune institution ne prêterait à une organisation du secteur privé pour
moins que ce qu’elle touche de la part de la Fed, puisque la Fed peut créer
des dollars comme bon lui semble, ce qui fait d’elle l’endroit le plus sûr où
déposer des réserves.
Nous avons donc là le pire des
deux mondes. Nous souffrons toujours des effets économiques du resserrement
des politiques monétaires, parce que le prix du crédit est en hausse, ce qui
est normale en période de resserrement monétaire. Et pourtant, nous ne
bénéficions pas d’une Fed moins importante et d’un retour des actifs vers le
secteur privé. Les contribuables américains versent des subventions aux
institutions de crédit pour les pousser à imposer plus d’intérêts sur leurs
prêts, alors même que les grosses banques et le Trésor continuent de
bénéficier des plans de refinancement dont ils profitent depuis des années.
Une
situation qui ne pourra pas durer
La Fed sera-t-elle capable de
faire durer la partie encore longtemps ? En un mot, non. Nous avons déjà
vu que la plus faible des hausses des taux d’intérêt va main-dans-la-main
avec un effondrement important des marchés. Annuellement, la Fed verse 11
milliards de dollars de subventions aux banques. Si elle souhaite faire
passer les taux des fonds fédéraux à 2%, alors ces subventions annuelles
passeront à plus de 40 milliards de dollars. C’est là de la véritable
monnaie, dans le sens où les revenus excédentaires de la Fed seraient
autrement remis au Trésor. Ainsi, pour n’importe quel niveau de dépenses
fédérales et de recettes fiscales, une hausse des versements offerts aux
banquiers implique une hausse du déficit budgétaire fédéral.
Janet Yellen et ses collègues
se trouvent coincés dans une gigantesque bulle sur
les actifs dont sont responsables leurs prédécesseurs. S’ils entament un
nouveau programme d’achat d’actifs, ils pourront peut-être repousser
l’effondrement à plus tard, mais ils ne le rendront aussi que plus violent.
Il est impossible d’enrichir
un pays par la création monétaire, notamment lorsque cette nouvelle monnaie
est offerte au gouvernement et à Wall Street. Les tours de magie de la Fed
qui visent à faire grimper les taux d’intérêt sans vendre d’actifs ne lui
permettront pas d’échapper à cette réalité.