Mon
frère Robby (qui a quatre ans de moins que moi) est
décédé en 2012 à l’âge de 76 ans. Il était une âme unique et possédait un
sens de l’humour espiègle. Il collectionnait les livres et a accumulé une
librairie magnifique au cours de sa vie. J’ai racheté à ses descendants une
collection presque complète de la librairie classique de Loeb, comportant à
présent 521 livres qui contiennent presque tout ce qui est arrivé au cours de
notre histoire et représentent l’une des œuvres les plus essentielles de
l’ère classique, qui a commencé deux siècles après la naissance du Christ.
Une grosse valise qui contient les fondations de notre civilisation. Ce que
j’aime la contempler.
Robby aimait se moquer des touristes
Américains, qui venaient pour parler de démocratie et de l’égalité sociale
qui règnent aux Etats-Unis. Robby aimait beaucoup
scandaliser ces étrangers naïfs. Je me souviens d’une fois, où la
conversation a été portée sur le sujet de l’esclavage, et Robby
a répondu ‘j’ai beaucoup d’esclaves. J’en ai deux pour conduire mes voitures,
deux pour faire le jardin, des femmes de ménage, une pour faire le ménage et
une pour faire le nettoyage – j’ai aussi un cuisinier et son aide. Ils sont
d’excellents esclaves et sont dans ma famille depuis des décennies’. Autant
dire que ça en a fait sourciller plus d’un.
Ils
n’étaient bien entendu pas légalement esclaves, mais on aurait presque pu les
percevoir comme tels, puisque tout ce qu’ils faisaient était obéir loyalement
et sans poser de questions. Certains d’entre eux ne travaillaient pas à heures
fixes, mais étaient sur appel à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit.
Quand Robby est mort, sa femme était nous avait
quittés depuis deux ans déjà, et sa fille m’a dit que la maison était habitée
par – onze personnes ! Il a eu une belle vie, il était un bon maître.
Ses servants étaient payés plus que ce que suggéraient leurs services. Les
servants qui vivaient chez lui avaient une chambre et des repas gratuits, et
la nourriture était abondante et à leur goût.
Malgré
le fait qu’ils étaient payés pour leurs services et étaient libres de quitter
leur emploi à tout moment, il n’y avait pas réellement de différence entre
des esclaves formels et des servants domestiques. Robby
avait l’esprit classique et sa maison représentait sa vision de la vie.
J’irai jusqu’à dire que depuis le sud de Rio Grande jusqu’en Patagonie, c’est
ainsi qu’ont toujours vécu les gens financièrement confortables. Nous sommes
les héritiers, au travers du Catholicisme Roman, du mode de vie à la Romaine aussi
bien que du mode de vie Indien aborigène. Les rôles de maître et de servant
ne sont jamais remis en question, bien qu’ils aient été adoucis. L’Espagne et
le Portugal ont apporté la tradition Romaine dans notre hémisphère, et des
douzaines de cultures Indiennes ont en quelque sorte fusionné
avec ces traditions.
L'une
des conséquences de la libération de l’intellect apportée par la Renaissance
a été la rébellion contre les réalités de la vie, qui s’est exprimée au
travers de la Révolution Française et de l’idée que ‘tous les Hommes naissent
égaux’ avancée par Papa Jefferson. Il était lui-même une image
révolutionnaire bien qu’il possédait des esclaves. Sa vie personnelle était
en complète contradiction avec les idées qu’il défendait.
L'idée
d'égalité est une construction intellectuelle fantastique. L’égalité n’existe
pas et n’a jamais existé entre les Hommes. Certains ont plus de talent que
d’autres, certains sont plus portés sur l’intellect, et d’autres aiment
regarder des chaînes de sport à la télé ; certains sont riches parce
qu’ils le sont devenus et d’autres par simple accident du destin, certains
naissent pauvres et sont destinés à vivre dans la pauvreté.
L’idée
d’égalité est cependant ancrée dans le monde d’aujourd’hui, et la remettre en
question n’est autre qu’un suicide politique. Le mensonge sur lequel repose
notre monde politique actuel, dans lequel la démocratie est devenue la forme
légitime de gouvernement, est l’égalité.
La
série télé Downtown Abbey fascine le public
démocratique parce qu’il ouvre une fenêtre sur ce qu’étaient les choses il
n’y a pas si longtemps, en Angleterre. Les servants en bas, et les maîtres en
haut, servis jour comme nuit par leurs domestiques. Une minorité de
téléspectateurs s’assimile aux gens d’en haut, et une majorité à ceux d’en
bas.
Le
programme télévisé Young Victoria aborde la jeunesse de la reine Victoria,
qui est devenue reine en 1837, à l’âge de 18 ans. Quelques années plus tard,
elle et son mari Albert se sont inquiétés de la dure vie des pauvres. Le
Premier Ministre, Melbourne, qui conseillait la jeune Victoria au cours de
ses premières années de règne, lui a prudemment déconseillé de mettre en
place des politiques sociales. Selon lui, dans la nature des choses, la
pauvreté était inhérente à la société humaine, et tenter de l’abolir ne
ferait qu’ouvrir une boîte de Pandore sans fond de demandes incessantes de
bénéfices accrus. Bien entendu, dans le programme Young Victoria, Albert et
Victoria sont supposés avoir triomphé sur le personnage au cœur de pierre de
Melbourne. Mais regardez l’Angleterre d’aujourd’hui : complètement
ruinée par des soi-disant progressistes et socialistes.
Je
me souviens avoir observé des documents sur les Etats-Unis d’il y a cent ans,
qui expliquaient qu’un grand nombre de ménages avaient au moins un servant.
Ma propre grand-mère maternelle était la nourrice d’enfants d’une riche
famille dans les années 1880, et a voyagé en Europe avec eux.
Encore
une fois, à l’époque coloniale, les colons Américains ont amenés avec eux des
servants Irlandais et Anglais, qui étaient des pauvres qui voulaient partir s’installer
aux Etats-Unis et ne pouvaient se permettre d’émigrer qu’en se vendant comme
esclaves temporaires aux maîtres des colonies. De nombreux Américains sont
descendants de ces esclaves, qui avaient la vie dure, et dont beaucoup sont
morts avant de pouvoir gagner leur liberté.
Il
y a un gros problème de chômage aux Etats-Unis, et les choses ne semblent pas
s’arranger au fil des années. Le chômage ne fait qu’augmenter. Comme l’a dit
le très amusant commentateur télé Davidowitz, ‘le
secteur croissant des Etats-Unis est la pauvreté'.
Si
le gouvernement des Etats-Unis ne distribuait pas d’allocations chômage, les
plus confortables pourraient alléger la pauvreté en faisant entrer un certain
nombre de quasi-esclaves dans leur propriété pour qu’ils fassent à manger, le
ménage, le jardinage, et prennent soin des enfants. Mais ils n’ont pas cette
possibilité. Les quasi-esclaves ne veulent pas de ces emplois, et nous ne
pouvons pas leur en vouloir. Pourquoi travailler lorsqu’on peut être payé
pour ne rien faire? Et les maîtres font face à beaucoup de responsabilités
lorsqu'ils accueillent des personnes sans emploi chez eux : salaire
minimum, heures supplémentaires, résidence légale, sécurité sociale et autre.
La
même situation peut être observée ailleurs. Un couple mexicain est récemment
parti s’installer en France et a emmené une servante avec lui. Le couple a
décidé qu’une fois sur place, la servante pourrait améliorer son éducation en
s’inscrivant à certaines classes. A l’école, elle a rencontré un Français qui
lui a beaucoup parlé de ses ‘droits’. Elle a donc fini par poursuivre son
employeur pour ne pas la payer comme le stipule la Loi et a gagné son procès
à la cour. Ses employés ont dû payer des milliers d’euros de compensation
pour avoir amélioré son éducation.
S’il
n’existait pas tant de règles qui font de l’emploi de quasi-esclave quelque
chose de si cher, un grand nombre d’Américains au chômage pourraient trouver
des foyers bien plus confortables que les cantines pour les pauvres.
Selon
Davidowitz, ‘la pauvreté est le nouveau secteur de
croissance’. A mesure que les siècles avancent, la réalité finira sans doute
par ramener l’esclavage, d’abord comme une version très dissoute du présent,
puis à mesure que la vie deviendra plus dure, il se répandra dans le monde
entier. Les impératifs de la vie s’imposeront : nourriture et vêtements
contre obéissance et travail. C’est un aspect du ‘pic de la prospérité’ qui
n’a pas encore été examiné.
La
démocratie athénienne, à l’époque de son apogée, alors qu’elle devenait le
modèle impossible de notre temps, consistait en 21.000 citoyens Athéniens
libres. Elle n’incluait pas les 400.000 esclaves des Athéniens démocratiques.