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« La liberté est le germe de la perfectibilité ;
elle nécessite donc l’existence sociale, qui, à son tour, nécessite le droit.
Admettez la liberté, tout vit, tout marche ; ôtez la liberté, tout
s’arrête, tout tombe, tout meurt. » Charles Monnard
Pierre Bessard, directeur et membre du conseil de
fondation de l’Institut Libéral de Genève, est l'auteur d’un ouvrage* sur Charles Monnard
présenté samedi 8 novembre 2014 à Lausanne lors de la Journée libérale
romande. Un auteur à redécouvrir.
Professeur de littérature à l'Académie de Lausanne, habitué du
salon de Mme de Staël à Coppet et ami d'Alexis de Tocqueville, Charles
Monnard est né à Berne en 1790 et il est mort à Bonn en 1865. Il
est l'une des principales figures du mouvement libéral de Suisse romande.
Destitué de l'Académie pour avoir promu la liberté d’enseignement et la
liberté religieuse, il devient alors journaliste, pasteur, député libéral au
Grand conseil et représentant du canton à la Diète fédérale. En 1854, en exil
à Bonn, il publie un livre qui sera la synthèse de son enseignement moral et
politique : Du droit et
du devoir. La thèse fondamentale de ce livre est qu'on ne peut
dissocier droit et devoir, liberté et responsabilité. Il écrit :
« Le droit ne peut ni commander l'abnégation – ou
inspirer le dévouement, ni éteindre la soif des jouissances et de l'or (...)
Le remède est dans l'amélioration des hommes rendus dociles au règne du
devoir. Le droit lui-même n'exerce toute son influence que sur des esprits
moralement prédisposés. Si vous voulez que la loi soit vivante, que le droit
ne demeure pas une lettre morte, préparez d'avance le terrain où le droit et
la loi enfoncent leurs racines et puisent leur sève. Que sont les lois
pour l'homme dont la volonté n'a pas appris à se contenir et à se régler
? » (Du droit et du
devoir)
C'est cette éthique de la responsabilité qui donne à la
liberté de chaque individu de se développer, en harmonie avec les autres
libertés. Or, cela suppose de développer le sens du devoir, non comme une
source de profit, mais comme une obligation de réciprocité : ne fait pas à autrui
ce que tu ne voudrais pas qu'on te fasse.
À la suite d’Emmanuel Kant et de Benjamin Constant, dont il
s'inspire souvent, Charles Monnard s'inscrit contre l'utilitarisme d'un
Jeremy Bentham. Dans son livre, Pierre Bessard rappelle ainsi l'enseignement
de Benjamin Constant qui écrivait : « Le principe de l’utilité
réveille dans l’esprit de l’homme l’espoir d’un profit, et non le sentiment
d’un devoir. Or l’évaluation d’un profit est arbitraire : c’est
l’imagination qui en décide. Mais ni ses erreurs, ni ses caprices ne
sauraient changer la notion du devoir. » Comme Alexis de Tocqueville,
l’auteur reconnaît également les limites de la démocratie et sa
subordination nécessaire aux libertés individuelles. Et comme tous les
libéraux, il défend les communautés humaines volontaires, de la famille à
l'Église, en passant par l'entreprise, contre l'emprise étatique
qui réduit l'homme à l'état de rouage dans un mécanisme, oubliant la
nature morale de l'homme :
« Combien outragent et dégradent la nature humaine les théoriciens
socialistes et communistes! Rebelles à la sainte royauté de la liberté, ils
organisent le travail et la société comme un mécanisme, et réduisent les
hommes aux fonctions de rouages à mouvements invariablement déterminés. Là,
plus de mobile moral, mais une rotation ; plus de dévouement, mais un
engrenage ; vous n'êtes plus citoyen, mais axe ou pignon ; vous n'êtes plus
homme, car vous n'êtes plus libre, vous n'avez plus de devoirs. » (Du droit et du devoir)
Mais l’apport précieux de Pierre Bessard dans son livre n'est
pas seulement de nous faire découvrir une philosophie morale et
politique libérale authentique mais également de mettre en exergue les
affinités entre la pensée de Charles Monnard et celle de Frédéric Bastiat,
son contemporain.
Comme ce dernier, Charles Monnard prend pour cible la morale
socialiste, une morale collectiviste qui est une perversion de la morale
authentique en ce qu’elle remplace la responsabilité individuelle et le sens
du devoir par des revendications sur autrui, des « droits à »
: « Ceux qui invoquent impétueusement le droit au travail oublient
quelquefois qu’il se lie au devoir du travail ». Ces fameux droits
sociaux ne sont pour lui que de faux droits qui consistent à voler autrui, à
exercer une violence sur les autres, par l’intermédiaire de l’état
providence. Pierre Bessard rappelle la formule d'Alexandre Vinet, le collègue
de Charles Monnard à l’Académie de Lausanne, pour définir le
socialisme : « une famille où les enfants sont éternellement
mineurs » (Du socialisme
considéré dans son principe, 1846).
En effet, une action de charité ou de bienveillance ne revêt
de caractère moral que si elle est volontaire et non forcée. Une conséquence
politique en découle immédiatement : il appartient au citoyen et non à
l’État de venir en aide aux plus démunis. Le libéralisme se distancie
donc totalement de la notion socialiste des droits positifs ou droits
matériels (droits d’obtenir quelque chose) qui transforme l’État en machine à
redistribuer, à vivre aux dépens des autres. Le socialisme n'est pas
seulement une doctrine infantilisante, il est également, selon la
formule de Frédéric Bastiat l’idéologie de la « spoliation légale ».
Cet auteur mérite d'être redécouvert tant pour ses idées que
pour la culture libérale qu'il incarne et qui a contribué à faire de la
Suisse, jusqu'à ce jour, l'un des pays les plus libres du monde.
* Charles Monnard: l’éthique de la responsabilité, Pierre Bessard, Institut libéral, 2014.
À lire sur le web :
http://www.francisrichard.net/2014/11/la-jour...a-lausanne.html
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