La semaine dernière, la BCE a
rapporté que ses bilans s’étaient élargis de 11,26 milliards d’euros, pour
passer à 3,249 trillions d’euros.
Comment cela est-il possible ?
Comment les bilans de la BCE gonflent-ils au fil du temps ? Que fait la
BCE aujourd’hui ?
Expansion des bilans de
la BCE depuis 2007
Bilans de la BCE à la
fin 2015
Ce graphique est tiré d’Europa, anecdotes par Mish.
Aventures en territoire
de QE
Le 10 mars 2016, la BCE a
annoncé qu’elle commencerait à acheter des obligations d’entreprises.
A l’époque, Bloomberg publiait
un article intitulé Next Stop on ECB QE Adventure: $980 Billion Corporate Debt :
La prochaine cible du programme
d’achat d’actifs de la BCE : le marché des obligations d’entreprises de
la région, qui représente 900 milliards d’euros. « C’est sans aucun
doute un véritable bazooka de crédit », a décrété Lyndon Man,
gestionnaire de fonds chez Invesco Ltd, qui gère 737,5 milliards de dollars.
Les valeurs des actions
d’entreprises en hausse
Voici un extrait de l’article du
Financial Times intitulé ECB Gets Bang for its Euro in Corporate Bond-Buying :
Les prix des obligations d’entreprises
européennes ont grimpé depuis l’annonce par la BCE en mars dernier de la mise
à jour de son programme d’achat d’actifs, mais, signe potentiel de l’efficacité
du programme, le prix des obligations achetées a de nouveau grimpé depuis.
« Le programme fonctionne
mieux encore que nous aurions pu l’anticiper », explique Hans Lorenzen,
responsable stratégique des produits liés au crédit chez Citigroup.
Peu de temps après son annonce,
la valeur des obligations supposées être éligibles a divergé de celle des
obligations perçues comme ne correspondant pas aux critères établis par la
BCE. Les sociétés se sont empressées de vendre de nouvelles obligations, avec
un record de 13,25 milliards d’euros offerts pour la reprise de SABMiller par
son rival, AB InBev.
« Nous avons une situation
risquée, mais le marché semble s’en moquer », a expliqué Chris Telfer,
gestionnaire de portefeuille chez ECM Asset Management. « Tout se
négocie comme si la BCE allait acheter n’importe quoi. Les bases
fondamentales ne semblent plus importer. Je ne connais personne qui se sente
confortable à l’idée de participer à tout cela ».
Qu’a acheté la BCE ?
ZeroHedge nous apporte la
réponse à cette question dans son article So What Did The ECB Buy? “In Short, Almost Everything” :
Je m’en remets au maître
incontesté des actions de la BCE sur le marché des obligations (notez qu’elle
n’achète pas encore d’actions), Barnaby Martin, de chez Bank of America.
Voici ce qu’il nous en a dit ce
matin dans son rapport intitulé CSPP : Buying Frenzy – « en
un peu plus d’un mois, la BCE a acheté 458 obligations dans le cadre de son
programme d’achat d’obligations d’entreprises. »
A la question « qu’a-t-elle
acheté ? », Martin répond : « En clair, de tout ».
- Depuis le 8
juin, la BCE a acheté 440 obligations d’entreprise, ce qui représente
environ 35% de nos estimations. En termes d’émetteurs, la BCE a acheté
des obligations à 158 entreprises.
- Les
obligations les plus populaires semblent être celles de Deutsche Bahn
(12 obligations achetées), Telefonica (11 obligations achetées), BMW (10
obligations), Daimler (9 obligations), ENI (9 obligations), Orange (9
obligations), Air Liquide (8 obligations), Engie (8 obligations),
Iberdrola (8 obligations), Total (7 obligations) et Enel (7
obligations).
- Mais en termes
relatifs, la BCE a acheté significativement plus d’obligations Snam (7
sur 10 obligations éligibles), Deutsche Post (5 sur 8 obligations
éligibles), Repsol (5 sur 8 obligations), Total (7 sur 12 obligations),
Telefonica (11 sur 19), EDP (5 sur 9), RWE (7 sur 10) et Deutsche Bahn (12
sur 24).
Un simple coup d’œil sur les
noms des sociétés individuelles suffit pour comprendre que la BCE ne s’est
pas retenue. Notons notamment que :
- Des noms à
risque ont été achetés, comme VW, Glencore, EDF et Repsol.
- Un certain
nombre d’obligations notées BB3 ont été achetées, comme celles de RWE,
Metro, EDP, Renault, A2A, Pernod et REN (la moitié des noms achetés sont
classés BBB). Toutes les sociétés BBB n’ont cependant pas été achetées –
comme KPN et Alstom.
- Des émissions
étrangères ont été achetées, comme par exemple des obligations émises au
travers d’une entité hollandaise. Ce qui souligne le fait que ce
programme soit réellement un « QE pour le monde ». Nous
comptons entre autres des obligations d’entreprises suisses (Nestlé,
Novartis et Adecco), britanniques (Unilever) et américaines
(Schlumberger et Bunge).
- La BCE a même
acquis des obligations à fort rendement, comme celles de Telecom Italia
(notée BBB- par Fitch) et Lufthansa (notée BBB- par S&P).
Nombre d’obligations
achetées par entreprise
Obligations de la BCE,
en pourcentage des obligations totales
Qu’arrivera-t-il ensuite ?
Voici un extrait de l’article du
Wall Street Journal intitulé Draghi Stops Short of Pledging Fresh Stimulus :
Lors de sa réunion d’aujourd’hui
sur l’avenir de ses politiques monétaires, la BCE a décidé de maintenir les
taux d’intérêt à leur niveau actuel. Le président de la BCE, Mario Draghi, a
annoncé que cette décision serait réévaluée en septembre, quand les
prévisions économiques auront pris en compte les conséquences du Brexit.
M. Draghi a souligné que la BCE
suivrait de près les développements de l’économie et des marchés financiers,
et que les décideurs politiques se tenaient prêts à prendre de nouvelles
décisions pour soutenir la croissance et l’inflation.
Le Fonds monétaire international
a émis jeudi un appel urgent aux plus grosses économies du monde, pour leur
demander de mettre en place davantage de politiques de soutien de la
croissance afin d’éviter un retournement à l’échelle globale. Le fonds a
demandé aux banques centrales de « continuer d’avoir recours à tous les
moyens disponibles pour stimuler l’inflation, à l’inclusion des taux d’intérêt
négatifs ».
De nombreux économistes s’attendent
à voir la BCE élargir son programme d’achat d’obligations à l’occasion de sa
réunion du 8 septembre prochain. Le programme actuel arrivera à échéance en
mars.
« Nous nous attendons à une
extension de six mois du programme de QE de la BCE, qui sera certainement
annoncée soit en septembre, soit en décembre prochain », a expliqué
Marco Valli, économiste chez UniCredit, à Milan.
Exploitation de
flexibilité
Ce que nous a dit Mario Draghi
aujourd’hui est un résumé parfait de la situation : « Une attention
particulière doit être accordée aux preuves que nous avons délivré ces
derniers mois quant à de notre capacité à exploiter la flexibilité que nous
offre notre programme de QE ».
La BCE menace de s’accaparer le
marché des obligations d’entreprise si nécessaire, en le nom du soutien de la
croissance. Comme pour la Fed et la Banque du Japon, ces actifs ne seront
certainement jamais vendus.
Le plan de Draghi a été un grand
succès, un succès tel que la BCE ne cesse d’ajouter des actifs à son
portefeuille. Qu’arrivera-t-il ensuite ?