“Ça va mieux !” Voilà sans doute
la phrase qui a fait le plus parler d’elle ces derniers mois, bien que cela
fait maintenant 4 ans qu’elle est répétée à l’envi par notre Président de la
République ; véritable mantra qui se voudrait réalité mais qui se heurte
constamment à la rudesse des chiffres comme à la brutalité des constats.
Alors peut-être qu’effectivement certaines choses n’ont pas empiré, voire
que quelques unes se sont réellement améliorées, mais cela ne semble pas
avoir eu de répercutions sur l’état du porte-monnaie des Français. Mais
surtout, quelles sont donc les contreparties de ces éclaircies qu’on nous
vend à longueur de médias ?
L’art de transformer des déconvenues en bonne nouvelles
La France vient de vivre une situation exceptionnelle, et personne n’en a
véritablement parlé. Entre 2012 et 2015, la croissance du pays a été
quasi-nulle, une situation inédite dans l’histoire récente.
Aujourd’hui, on nous annonce fièrement des prévisions de croissance
avoisinant les 1,5 à 1,6 % pour 2016 (alors qu’il faudrait
un minimum de 2% pour garder la tête hors de l’eau et 3% pour avoir
l’impression que quelque chose commence réellement à bouger), et on se gargarise
de félicitations, on s’auto-congratule, on est les plus forts, on vaincu le
monstre de la récession qui nous menaçait, etc.
Sauf qu’en réalité, on a surtout eu une chance incroyable. La “chance”
d’abord que les cours du pétrole s’effondrent à la fin de l’année 2015,
rendant tout-à-coup l’énergie fossile particulièrement abordable, pour le
plus grand bénéfice de l’industrie et des transports notamment. Et peu
importe si les conséquences sur les marchés ont été désastreuses, faisant
perdre des centaines de milliards à tout un pan de l’économie mondiale.
Ensuite, nous avons eu la “chance” de voir les taux d’intérêt s’effondrer
eux-aussi, allégeant mécaniquement le poids de la dette et,
involontairement, nous rendant soudain plus riches de ce que nous n’aurions
plus à débourser. Enfin, nous pouvons remercier la gestion calamiteuse de la Banque
centrale européenne qui, en parallèle de la baisse des taux
d’intérêt, s’est mise à distribuer des milliards d’euros aux banques
françaises pour leur permettre de soutenir l’économie (en théorie), autant
d’argent facile qui devait entretenir l’illusion qu’on avait de nouveau les
moyens d’investir et d’embaucher comme au bon vieux temps des Trente
Glorieuses.
Pour beaucoup d’économistes, les causes de ces “bonnes nouvelles” sont
plutôt inquiétantes et montrent surtout qu’on a probablement atteint
certaines limites, que ce soit en termes de dépendance énergétique
comme en matière de politique économique. Mais peu importe,
car pour l’instant, les premiers effets sont bénéfiques, et donc… “ça va
mieux !” De toute façon, quand le moment sera venu de payer la note
(sous-entendu, de redonner un prix à l’argent par exemple, au risque de
ruiner tous ceux qui se seront endettés sous la promesse d’un 0% qui ne
pourra être que provisoire), les responsables ne seront plus en fonction. Bon
courage à ceux qui suivront.
Une vision à très court terme
Car l’essentiel du problème est bien là. On ne pense plus à l’avenir, mais
on cherche uniquement à régler les difficultés qui se présentent,
apportant une réponse immédiate à des questions durables, sans souci des
conséquences à moyen ou long terme.
Réjouissez-vous braves gens, le nombre de chômeurs inscrits à Pôle
Emploi diminue depuis quelques mois. Certes, c’est une bonne
nouvelle mais que signifie-t-elle réellement ? Pour le gouvernement et les
médias mainstream, cela veut tout simplement dire que “ça va mieux”,
qu’on a créé des emplois et que la France repart dans le bon sens. Alors,
oui, sans doute a-t-on créé des emplois, mais pas beaucoup plus qu’en temps
normal ; la baisse relative du nombre de demandeurs d’emploi n’est au
contraire rien de plus que la signature d’un mal qui dure : le
chômage de longue durée. Et moins de chômeurs de catégorie A (rappelons
que les statistiques nationales comprennent 5 catégories de demandeurs
d’emploi et que seule la première est prise en compte pour juger de l’état du
marché du travail), cela veut aussi dire qu’un grand nombre de
demandeurs d’emploi ont basculé dans une autre catégorie, souvent parce qu’ils
sont arrivés en fin de droits. Difficile de convaincre ces
Français-là que “ça va mieux”…
On nous dit aussi que la consommation des entreprises est repartie, signe
que l’économie va mieux et que le moral des chefs d’entreprise reprend des
couleurs. Étrange pays que celui où on défile dans les rue pour casser du
patron tandis qu’on s’inquiète de l’état d’esprit de ces mêmes patrons… Les
entreprises se remettent à investir, c’est vrai, mais la part des
investissements en nouveau matériel productif reste bien modeste,
l’essentiel des achats se faisant encore sur les équipements qu’il devenait
urgent de remplacer après des années de report des dépenses. Et encore, on
achète toujours plus d’ordinateurs de bureau que de machines-outils. Comment
penser que ce sursaut de consommation, davantage contraint que spontané,
puisse être durable ?
Enfin, on nous parle des impôts, de leur montant qu’on ne
va pas faire évoluer, de leur poids dans l’économie qu’on arrive à maintenir
dans des limites raisonnables. Et donc que, là aussi, “ça va mieux !”
Sauf qu’on oublie de nous dire que, si la somme totale des impôts
collectés évoluera assez peu cette année, elle reposera en revanche sur les
épaules d’un nombre toujours plus restreint de contribuables (cette
fameuse “classe moyenne” qui devient de plus en plus une “classe sacrifiée”).
Ce qu’on ne nous dit pas non plus, c’est que si les impôts n’augmentent pas
pour l’instant, les différents engagements pris par le gouvernement actuel
vont obliger le prochain à trouver des ressources fiscales
supplémentaires pour assumer des choix populistes et électoralistes
sur lesquels il aura bien du mal à revenir. Et là, il faudra bien les
augmenter, ces impôts, ce que MM Valls, Hollande et consorts, fort généreux
avec l’argent public qu’ils ne possèdent pas encore, se feront un plaisir de
reprocher à ceux qui tenteront de ramener un peu de bon sens dans les comptes
publics.
Bref, on vous l’a dit, ça va mieux. Et ce n’est pas parce qu’on va devoir
accepter un rattrapage de factures EDF sur les 18 prochains mois qu’il
faut croire le contraire. Pas plus que nous ne devrions bouder notre plaisir
devant le soulagement procuré par l’arrêt de coups de marteau sur nos doigts.
Au moins le temps de changer de main…