J’ai eu
la chance de lire en avant première ce livre
court (Chômage
ou esclaves Le dilemme français par Philippe Simonnot) qui sera
publié mi février aux éditions
Pierre Guillaume de Roux. Au-delà du fait que le sujet
traité – le chômage en France – est sans doute
l’un des plus importants à régler en France, le titre provocateur de ce texte donne
matière à réflexion à plus d’un titre.
On
découvre, en effet, que le concept de « contrat de
travail » en France ne s’est jamais libéré
d’une relation ambiguë avec celle de l’esclavage, ce qui a
sans doute en partie légitimée que le marché du travail
en France soit hyper-réglementé.
Or, ces
réglementations qui entourent le travail en France sont pratiquement
devenues auto-réalisatrices. En créant un chômage de
masse contre lequel aucun gouvernement n’a su s’opposer, elle a
rendu les français esclaves d’un travail qu’il ne faut
perdre à aucun prix ou d’un chômage qu’il est
difficile de quitter.
Salariat et esclavage :
l’approche juridique
Philippe Simonnot, constatant comme nous, la montée
inexorable en France du chômage, nous invite à faire un petit
retour en arrière dans l’Histoire afin de montrer que le
mépris à l’égard du travail n’a rien de
surprenant. Sans être capable moi-même de juger des questions
juridiques traitées, le propos mérite le détour tant il
est évident qu’en France les relations de travail sont
empreintes de lutte des classes.
L’auteur
nous explique que le contrat de travail n’a pas su, à ce jour,
se libérer d’une fiction juridique dans laquelle il s’est
enfermé lors de la rédaction du code civil en 1804. La crainte
à l’époque était de faire renaître la notion
d’esclavage en même temps qu’on donnait au salariat ses
lettres de noblesse.
Cela a conduit
les juristes à introduire des distinctions peu réalistes visant
à permettre la vente de la force de travail sans pour autant faire de
la personne un esclave à la merci de son employeur. Sans entrer dans
les détails (à découvrir dans l’ouvrage), il
semblerait que ce débat salariat/esclavage a entaché le contrat
de travail d’une infamie durable, le rendant corvéable à
merci et légitimant qu’on puisse le réglementer à
tous les niveaux. Ce que n’a pas manqué de faire la puissance
publique en France. Selon le Forum économique mondial, le
marché du travail en France est ainsi classé 113 sur 142 pays.
Salariat et esclavage :
l’approche politique
La
répugnance des français a
l’égard du travail a conduit à l’empêcher de
fonctionner comme un marché où s’y confronterait
librement des offres et des demandes, de sorte qu’émergent des
niveaux de salaire propre à satisfaire demandeurs d’emplois et
offreurs. Le signe le plus évident des entraves sur ce marché
est que le taux de chômage n’est plus passé sous la barre
des 7% depuis 1982.
À cela,
il y a beau coup de raisons et de
spécificités françaises que l’auteur
décrit, nous donnant par là-même des données et
des chiffres intéressants. On regrettera seulement, une chose que la
taille du texte rend incontournable, à savoir que les explications
sont souvent trop courtes à notre goût.
La
première est celle de l’existence d’un Smic en France
alors que nombre de pays développés n’en ont pas comme
l’Allemagne, la Finlande, le Danemark, l’Autriche ou encore la
Suède. Il n’aura échappé à personne que ces
pays ne manquent pas pour autant de protection sociale. Ce Smic a la
particularité en France de s’appliquer sans distinction
d’âge, de lieu d’activité ou de profession et
pénalise ainsi les personnes jeunes et peu qualifiées. Il a
donc été nécessaire de faire des aménagements en
multipliant les contrats exonérés de charges visant ces
catégories de personnes.
L’auteur
décrit aussi des effets pervers des 35 heures (autre
spécificité française), les contraintes au licenciement,
la prédominance des Contrat à durée
déterminée dans les créations récentes
d’emploi et s’attaque
au tabou en France de l’existence d’un chômage volontaire.
Il explique qu’il est lié notamment à l’existence
d’un arsenal d’indemnités et allocations associées
au statut de chômeur ou de sans-emploi qui rend d’autant plus dur
le retour à une activité rémunérée
qu’il faut renoncer à ces avantages qui peuvent
représenter plusieurs centaines d’euros. Le calcul peut amener
des personnes parfaitement rationnelles à renoncer à prendre un
emploi.
Conclusion : À quand
l’approche économique ?
Philippe Simonnot, qui consacre aussi une section aux causes de la
faiblesse syndicale, conclut qu’il faudrait sans doute une
révolution culturelle pour faire évoluer le système.
En effet, la
grande absente du marché du travail est l’approche
économique alors que l’échange de travail a pour but
premier de satisfaire les envies et besoins des consommateurs et que pour ce
faire les échanges volontaires sont sans doute ce qu’il y a de
mieux. Car ils permettent d’orienter les ressources, les talents, le
travail là où il est le plus nécessaire.
Faute de
prendre cette dimension en question, il sera impossible de retrouver une
croissance dont l’auteur nous rappelle bien qu’elle est aussi
destructrice que créatrice d’emplois. Il faut se laisser guider
par elle (à savoir par les choix des consommateurs) pour mettre fin au
chômage et au manque de liberté que son existence suscite.
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