Interview exclusive de Dan Popescu avec Chris Powell (secrétaire-trésorier
du Gold Anti-Trust Action Committee, GATA) sur la manipulation du marché de
l'or par les banques centrales occidentales, et le silence médiatique sur le
sujet.
Dan Popescu : Bonjour, mesdames et messieurs,
ici Dan Popescu pour Goldbroker.com. J’ai aujourd'hui le plaisir de recevoir
Chris Powell, secrétaire-trésorier de GATA (Gold Anti-Trust Action
Committee). C'est aussi un journaliste qui a réalisé un excellent travail en
décortiquant le marché de l’or, et surtout les manipulations des banques
centrales, notamment la Fed. J’ai toujours admiré Chris. Et je suis toujours
surpris, Chris… mais tout d’abord, bonjour !
Chris Powell :Oui, bonjour !
Dan Popescu :Quand je lis certains documents
que vous avez publié au sujet de la manipulation, quelques-uns émanant même
directement de banquiers centraux eux-mêmes, de Volcker, en passant par
Greenspan et d’autres… les commentaires ne contredisent pas le contenu ou le
message de ces documents et de ces recherches, mais ce sont plutôt des
accusations de "théorie du complot". Je cherche toujours quelqu’un
qui aurait un argument, qui dirait, par exemple "j'ai lu ce document et
je ne suis pas d'accord avec son contenu pour telle ou telle raison...",
mais cela n'arrive jamais, c’est le calme plat. Pourquoi ?
Chris Powell : Je pense qu'il n'y a pas
d'argument pouvant contredire ces documents. J’essaie vraiment de pousser les
gens à me demander si ces documents sont authentiques, ou s'ils sont faux ?
Et, s’ils sont intéressés, plusieurs de ces documents figurent encore
sur les sites d’agences gouvernementales… alors, si ce sont des faux, c’est
le gouvernement qui les aurait falsifiés. Donc, sont-ils authentiques ou
falsifiés ? Et s’ils sont authentiques, quelles sont les conséquences sur la
politique publique gouvernementale qui en découle ? Sont-ils correctement ou
mal interprétés par le GATA ? Mais, vous avez raison, personne ne pose ces
questions car, en fait, elles ne peuvent être posées parce que les documents
sont authentiques, et ils révèlent une vieille politique des banques
centrales occidentales. Cette politique, qui est abordée de manière très
franche dans les documents officiels d’archives, vise à faire sortir l’or du
système financier et à décourager les gens à le reconnaître en tant que
devise indépendante.
Pourquoi les journalistes financiers ne sintérèssent-ils pas à ces
documents et à ces politiques ? Pourquoi ne voyons-nous pas de dirigeants de
sociétés minières aurifères creuser la chose ? Bien, je ne peux que spéculer
là-dessus… je le ferais bien, mais, vous savez… Au GATA, nous récoltons des
documents, nous les rendons publics et essayons de faire du bruit à leur
sujet, nous incitons les gens à les lire et à en tirer leurs propres
conclusions. Pour le moment, personne n’a nié l’authenticité de ces
documents. En fait, personne ne veut même en discuter, parce qu’ils sont trop
incriminants. Si les gens en prenaient connaissance, ils n’en reviendraient
tout simplement pas.
Dan Popescu :Chris, vous êtes vous-même
journaliste, alors vous savez comment la profession fonctionne. Je trouve que
les accusations de théorie du complot et le fait que les journalistes
n’auraient pas le droit d’en discuter n'ont pas de sens. Je suis assez âgé
pour me souvenir des années ’70, sur CNN… non, il n’y avait pas de CNN
à l’époque… sur CBS, ABC, NBC… il y avait
régulièrement des enquêtes sur les OVNI… il y avait des articles dans le New
York Times et dans tous les médias importants. Pour moi, le rôle d’un
journaliste est d'enquêter et de sortir un article réfutant les allégations,
prouvant que c’est tout simplement un complot, ou un article les confirmant,
comme avec le Watergate… au début, c’était considéré comme un complot, mais
ils ont enquêté et en ont conclu qu’il y avait matière à aller même plus
loin, et c'est ce qu'a fait le Washington Post. Pourquoi, quand il
s’agit de l’or… je l’ai vu sur diverses chaînes télé, aussitôt que l’or est
abordé, ils ne traitent pas le sujet en profondeur… pourquoi ?
Chris Powell : Je pense que l'or est un
sujet est trop sensible pour les gouvernements occidentaux, et le contrôle du
marché de l’or, la manipulation du marché de l’or, fait partie de la
manipulation de tous les marchés en général. Il s’agit d’un système
monstrueux d’expropriation à l'échelle mondiale… c’est un complot contre la
démocratie. Et le mot complot est tout à fait approprié ici car, comme vous
le suggériez, il y a la théorie du complot, mais il y a aussi des faits de
complot. Et nous avons amassé de la documentation sur des faits de complot.
Par exemple, lorsque la Banque centrale européenne se réunit en secret
pour discuter des politiques envers l’or avec toutes les banques membres et
émet un communiqué énonçant que les membres se sont rencontrés secrètement
pour coordonner leurs politiques envers l’or et ont décidé de faire telle ou
telle chose, il s’agit de faits de complot ! Ils ne vous invitent pas à ces
réunions, ils ne m’invitent pas non plus… mais avoir des réunions secrètes
pour coordonner les politiques et décider des actions à prendre, c’est la
définition d’un complot.
Quand, par exemple, le comité sur l’or et les réserves étrangères du G10
se réunit dans un endroit secret, à une date secrète… ils ne vous invitent
pas, ils ne m’invitent pas… ils font la même chose : ils coordonnent les
politiques des banques centrales occidentales sur l’or et ils mettent ces
politiques en place en secret… cela est, par définition, un complot. Sauf
qu’il s’agit de faits de complot, et non de théorie de complot.
Les accusations de théorie du complot ne sont qu’une façon gratuite et
paresseuse de dénigrer les gens qui essaient de rendre public un enjeu dont
certains ne veulent pas discuter.
Dan Popescu :Avez-vous des informations…
lorsque vous parlez à des gens au sujet de ces réunions… pensez-vous qu’il y
a une coordination, en ce moment, de toutes les banques centrales, qui se
réunissent une fois par mois à Bâle, pour manipuler le prix de l’or, ou y
a-t-il déjà une lutte entre l’Est et l’Ouest ou, en d’autres mots, les
Chinois… font-ils partie des négociations qui ont lieu à ces réunions ? Il y
a-t-il maintenant des divergences sur la manipulation de l’or entre des pays
comme la Chine et la Russie, et les pays de l’Union européenne, la
Grande-Bretagne et les États-Unis ?
Chris Powell : Oui, il y a certainement
des preuves de divergences entre les banques centrales mais… est-ce que ces
banquiers conspirent sur l’or ? Bien sûr. La Banque des règlements
internationaux (BIS) est un corridor où se trament bien des complots entre
les banquiers centraux. Ces banquiers se rencontrent à Bâle dans les bureaux
de la BIS de temps à autre et s’entendent sur la marche à suivre… cela est,
par définition, un complot. La presse n’est pas invitée, il n’y a pas de
procès-verbal de ces réunions… c’est un complot.
Mais nous savons, d’après des déclarations publiées dans la presse russe
et chinoise, que les banquiers centraux de l’Est sont moins enthousiastes
avec la longue histoire de suppression du prix de l’or que ne le sont ceux de
l’Ouest. Il y a constamment, dans la presse chinoise, qui est contrôlée par
le gouvernement, des commentaires sur la suppression du prix de l’or par
l’Occident, cette suppression ayant été mise en place pour protéger le dollar
US et, ainsi, imposer la suprématie américaine sur le reste du monde.
Vous savez, je ne sais pas jusqu’à quel point les banquiers centraux de
l’Est sont impliqués dans la suppression du prix de l’or en ce moment… je
sais que deux économistes américains, Lee Quaintance et Paul Brodsky, ont
écrit un essai, il y a deux ou trois ans, dans lequel ils spéculaient que
toutes les banques centrales majeures sont engagées secrètement dans un processus
de redistribution de l'offre d'or mondiale, afin que les banques centrales
qui font face à de sévères problèmes liés à des surplus énormes d’instruments
financiers libellés en dollars US puissent se protéger avec de l’or. Je pense
qu’il s’agit ici de spéculation informée, cela est très plausible, mais je
n’ai pas la documentation…
GATA a cependant toute la documentation concernant les politiques des
banques centrales occidentales de suppression du prix de l’or, qui sont
appliquées surtout par des interventions secrètes sur le marché, quelquefois
en se servant des réserves d’or officielles de la banque centrale, d’autres
fois par la vente de contrats à terme et d’options via la Banque des
règlements internationaux (Bank for International Settlements, la BIS). Vous
n’avez qu’à aller consulter le rapport annuel de la BIS… vous verrez que la
BIS reconnaît être le courtier en or des banques centrales et qu’elle achète
et vend de l’or en leur nom… mais pas seulement de l’or, aussi des contrats à
terme et des options sur l’or. Et le seul motif pour échanger des contrats à
terme et des options sur l’or, lorsque vous êtes une banque centrale, est
d’influencer son prix.
Le directeur des opérations de marché pour la Banque de France, Alexandre
Gautier, a fait un discours devant la London Bullion Market Association
(LBMA) à Rome, en septembre 2013, dans lequel il déclarait que la Banque de
France participait de manière active sur le marché de l’or, qu’elle en
échangeait quasiment chaque jour, en partie pour son propre compte, et aussi
pour le compte d’autres banques centrales. Il s’est aussi exprimé devant la
LBMA à Lima, au Pérou, il y a quelques mois, en déclarant que les banques
centrales géraient leurs réserves d’or de façon plus agressive…Vous avez donc
M. Gautier, ici, qui dit, au nom des banques centrales occidentales, à la
LBMA, que les banques centrales sont maintenant très agressives sur le marché
de l’or.
Le directeur de Goldbroker.com, Fabrice Drouin Ristori, a envoyé un email,
il y a quelques jours, à M. Gautier, directeur des opérations de marché
à la Banque de France, dans lequel il lui pose quelques questions au sujet de
ces transactions d’or par la Banque de France (lire
la lettre ici) : quel est l'objectif de ces opérations ?, quelles
sont les contreparties ? Et, hier, il lui a répondu (lire
la réponse ici) en disant que la Banque de France ne parlait jamais de
ces choses, et qu’elle donnait très rarement des interviews… et il lui
souhaite la bonne année ! Une façon polie de l’envoyer balader ! Je crois que
ce qu’a fait Fabrice Drouin Ristori au nom de Goldbroker.com est remarquable…
il a choisi un banquier central et lui a
demandé : « Pouvez-vous, s’il-vous-plaît, nous parler de vos
transactions sur l’or ? »… et cela a amené ce banquier central à
déclarer qu’ils ne rendaient jamais ces transactions publiques !
J’ai encouragé Fabrice à lui écrire de nouveau pour lui demander pourquoi
ils ne rendent jamais ces transactions publiques… même si je connais déjà la
réponse. La réponse étant que, non, ils ne divulguent jamais ces
interventions secrètes sur le marché de l’or – et sur d’autres marchés, avec
leurs réserves de devises étrangères – parce que le but de ces interventions
est de manipuler les marchés et décevoir les investisseurs.
Néanmoins, ce ‘dialogue’ avec les banques centrales est quelque chose que
je souhaite ardemment depuis longtemps… pour ma part, je continue d'inonder
constamment les journalistes financiers des grands médias de documents et les
encourage à poser quelques questions spécifiques aux banques centrales au
sujet de leurs interventions sur les marchés. Si les questions sont bien formulées,
comme l’a fait Fabrice, les banquiers centraux sont incapables d’y répondre.
Et alors, vous pouvez en tirer vos propres conclusions…
Les banques centrales font des choses sur les marchés qu’elles aimeraient
bien garder secrètes. Ces banques centrales sont les agents de gouvernement
"démocratiques" et, pourtant, elles détruisent des marchés en
secret, elles détruisent des gouvernements en implémentant en secret des
politiques publiques qui ont une importance énorme. Il n’y a pas de doute à
ce sujet. Mais ces interventions ne peuvent continuer que si elles restent
secrètes. Si la presse financière se met sur ce dossier, si elle se met à
poser des questions aux banquiers centraux… si la presse financière se met à
rapporter que les banques centrales refusent de répondre au sujet de leurs
interventions sur le marché, à ce moment là, je crois, ce système échouera…
mais seulement lorsque le monde en prendra conscience.
Le pouvoir des banques centrales est habituellement associé au pouvoir de
créer de la monnaie à l’infini, mais je crois qu’elles détiennent un pouvoir
bien plus grand encore, celui de jouir de la complicité de la presse
financière à ne pas rapporter leurs actions. Si les banques centrales sont
dénoncées pour ce qu’elles font vraiment, je crois qu’elles perdront une part
importante de leur pouvoir.
Dan Popescu :C’est exactement pourquoi je
vous demandais cela, parce que vous êtes un journaliste. Je me dis que, si
j’étais un journaliste, je sauterais sur l’opportunité de couvrir un tel
sujet… du vrai journalisme d’enquête, un projet de rêve… Et je suis surpris
du silence médiatique, tant en Europe qu’aux États-Unis…
Chris Powell : Dan, chaque semaine
j’inonde au moins une trentaine de journalistes financiers ou de gens qui
écrivent des newsletters avec de nouveaux documents et des questions qu’ils
pourraient poser aux banques centrales. Il y a à peine une heure, je leur ai
envoyé l’échange d’emails entre Fabrice et la Banque de France, tout en leur
disant, voyez, la Banque de France rend les choses faciles pour vous, elle
dit qu’elle intervient en secret sur les marchés, qu’elle ne divulgue pas ce
qu’elle y fait, et qu’elle ne donne pas d’interviews… Il s’agit d’une
confession ! Tout le travail est déjà fait… ils n’ont qu’à copier cette
correspondance et poser eux-mêmes quelques questions aux banquiers centraux.
Le travail a été fait ! La documentation leur a été à maintes fois fournie
par le GATA ! Les réponses que j’obtiens des journalistes financiers sont
rares et très peu fréquentes. Je peux même savoir qui est en vacances au
Financial Times, chez Reuters, Bloomberg News, au Telegraph
ou au Wall Street Journal, car les seules réponses que j’ai d’eux,
c’est lorsqu’ils mettent leur email en réponse automatique, en disant qu’ils
seront de retour dans deux semaines !
Dan Popescu :Oui… je crois qu’aux yeux du
public, ces journalistes ont l’obligation d’au moins enquêter et d’arriver à
un résultat qui dit, voilà, ces accusations sont ou ne sont pas fondées…
C’est cela qui me surprend, et c’est pourquoi j’ai beaucoup d’admiration pour
vous et le travail que vous faites au GATA. Vous dévoilez plusieurs documents
au grand jour… dans quelques cas, les preuves s’y trouvaient, mais peu de
personnes ont pris la peine de lire les centaines de pages qu’ils contiennent.
Et je vous admire pour cela. Chris, ce fut un plaisir de vous parler, et
encore merci au nom de l'équipe de Goldbroker.com.
Chris Powell : Merci, Dan, et merci
aussi à Fabrice pour son travail qui, je crois, a porté un coup solide à
l'irresponsabilité des banques centrales occidentales.
Dan Popescu :Merci Chris… et passez une belle
année !
Chris Powell : Espérons qu’elle commence
bien !
Chris Powell est le secrétaire-trésorier et le directeur du Gold
Anti-Trust Action Committee (GATA) qu’il a cofondé en 1999 afin d’exposer les
manipulations des banques centrales occidentales et de leurs agents, les
banques d’affaires, sur le marché de l’or, et de s’y opposer.
Chris Powell est l’éditeur du Journal Enquirer, un quotidien de
Manchester, dans le Connecticut, depuis 1974. Il a commencé à travailler dans
ce journal lorsqu’il a quitté le collège en 1967. Il rédige des articles sur
les enjeux du Connecticut qui sont publiés dans une douzaine d’autres
publications de cet État et au Rhode Island, et il est souvent invité à des
programmes radio ou télé d’affaires publiques au Connecticut.
De 2004 à 2009, il fut président du conseil législatif du Connecticut
Council on Freedom of Information. En 2006, il fut intronisé à l’Academy of
New England Journalists par le chapître de la Nouvelle-Angleterre de la
Société des journalistes professionnels et la New England Society of
Newspaper Editors.
Il est membre des sociétés historiques du Connecticut, de Manchester
et de Vernon; du Connecticut Policy and Economic Council; de Community
Partners in Action (autrefois la Connecticut Prison Association); et de la
Railroad Technical and Historical Association de New York, de New Haven et de
Hartford.