Alors
que les dépôts des banques auprès de la BCE continuent de
grimper, comme un classique avis de tempête, deux questions
émergent dans la confusion qui s’accroît, auxquelles les
réponses divergent : 1/ Qui faut-il prioritairement aider, les
États ou les banques ? 2/ Où trouver l’argent ?
La
BCE n’ayant pas tardé à baisser son rideau de fer devant
les risques de pillage manifeste, d’autres objectifs sont maintenant en
vue. La Banque européenne d’investissement (BEI) et le FMI ont
été immédiatement évoqués comme des roues
de secours potentielles des États. Brièvement dans le cas du
second, car rien n’avait été décidé par son
conseil d’administration. Tout ceci sans que les destinataires des
aides n’aient été définis, ni que les montants
nécessaires n’aient été cernés.
A
ce dernier sujet, il serait question que le nouveau régulateur des
banques, l’EBA, relance une opération de stress tests,
présentée comme à chaque fois plus rigoureuse que la
précédente. Le Financial Times avance qu’elle pourrait
cette fois-ci mettre en évidence 200 milliards d’euros de pertes
dans les comptes des grandes banques européennes.
S’il
devait s’agir d’aider les États, les calculs montrent que
les moyens disponibles du FMI, une fois mobilisés, ne couvriraient
qu’à peine les besoins de refinancement de l’Italie
l’année prochaine ! Quant au FESF, il est
décidément voué à être au four et au
moulin, destiné à aider les États selon les uns et les
banques selon les autres. Tout cela a un sérieux côté
fonds de tiroir, attendons la suite.
Comme
les particuliers qui avaient été incités à le
faire par les banques, les États ont également trop
emprunté, au fur et à mesure que leurs ressources fiscales
étaient amoindries. Les banques en ont profité, mais
désormais elles en souffrent, se retrouvant avec des débiteurs
insolvables sur les bras. Tout cela ne pouvait que finir mal et plus personne
ne retombe sur ses pieds.
Les
Américains multiplient les déclarations
d’inquiétude à propos de la Grèce et de
l’importance que l’Europe a pour eux. Mais comment,
s’interroge-t-on, les finances de ce petit pays qu’est la
Grèce pourraient en venir à menacer les États-Unis ? Les
commentateurs avisés scrutent l’exposition des banques
américaines, en se référant aux données de la
Banque des règlements internationaux (BRI), et se refusent à y
voir des signes de catastrophe. Pourtant, le fait est que leur valorisation
boursière est inférieure à leur valorisation
comptable… Les marchés s’affoleraient-ils eux aussi
sans motif à Wall Street ?
Deux
raisons pourraient éclaircir ce mystère. La première est
que la valorisation comptable des banques serait sur-estimée
grâce à certains artifices, cela s’est déjà
vu ! Les banques américaines, comme il est maintenant établi au
vu de leurs dernier mauvais résultats,
n’auraient pas retrouvé leur grande forme. La seconde est que
leur exposition mesurable à la dette souveraine européenne
serait sous-estimée. Car s’il faudrait prendre en compte, pour
la diminuer, les garanties que les banques peuvent avoir pris, celles
qu’elles ont pu accorder avec les mêmes instruments financiers et
grâce à des transactions opaques sont par contre
inconnues…
Ce
ne serait pas la première fois que la mesure du risque serait
prise en défaut… Le système financier mondial est
tellement enchevêtré que la mesure du risque
systémique est dans les faits une gageure. Impossible toutefois de
le reconnaître, car cela vaudrait condamnation…
Dernier
élément, en cette journée marquée par la
réunion du conseil des gouverneurs de la BCE, la plus grande
incertitude règne sur les décisions que celui-ci pourrait
prendre. Cela ne fait que refléter combien il est tiraillé par
des obligations contradictoires : aider les banques d’un
côté et s’opposer à la montée de l’inflation
de l’autre. Or, ses instruments monétaires sont ce qu’ils
sont et imposent un choix, qui va l’amener à probablement
avancer à petits pas au milieu du gué, tout en criant fort pour
faire peur au loup. La BCE est en train de rejoindre ses collègues
britannique et américain sur le banc de touche, afin de regarder la
poursuite de la partie sans pouvoir y participer.
Elle
a bien tenté, en adressant au gouvernement une
italien une lettre secrète lui donnant des objectifs fiscaux qui ne
sont pas de son ressort, de jouer par défaut au gouvernement
économique que Jean-Claude Trichet ne cesse d’appeler de ses
vœux. Mais elle y perdrait son âme, si elle devait poursuivre sur
cette voie…
Toutes
les conditions sont réunies pour que les plus mauvaises solutions
soient finalement adoptées. Pour commencer, une aide parcimonieuse des
banques, afin de ne pas se déjuger et affronter l’opinion ; puis
ensuite un nouveau mécanisme financier scabreux, calibré a
minima, s’il peut être monté. Une réunion au sommet
aura lieu cet après-midi à Berlin, avec Christine Lagarde et
Robert Zoellick (Banque mondiale), convoquée
pour traiter de la réforme du système monétaire
international, une occasion opportune pour déblayer le terrain !
Billet rédigé par
François Leclerc
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