Chypre est temporairement sauvé de la faillite, mais nous devons nous poser la question : le nouveau plan n’est-il pas pire que le premier ? Sachant, bien entendu, que les deux constituent des vols de l’épargne des particuliers et des entreprises par des dirigeants politiques incompétents, et qu’il s’agit de comparer la peste et le choléra.
Le premier plan prévoyait une taxe sur l’ensemble des dépôts (6,75% sous les 100.000 euros et 9,9% au dessus). Les députés chypriotes l’ont rejeté… parce qu’il touchait tous leurs électeurs. En exonérant les dépôts inférieurs à 100.000 euros, seuls les «riches» sont concernés. Et assommés car la taxe devra être d’autant plus élevée.
En outre, le premier plan prévoyait un taux unique, alors que pour le deuxième ce taux varie en fonction des banques : 30% si vous êtes à la Bank of Cyprus, la première du pays, encore plus, peut être même 100% si vous êtes à la Laiki Bank, il faudra attendre la liquidation. Ces deux banques regroupant 80% des comptes bancaires de l’ile. Que les actionnaires payent à la mesure des pertes d’accord, mais les déposants ! Et avec des taux aussi confiscatoires, nombre d’entreprises ne pourront plus payer les salaires ni continuer leur activité.
Les filiales chypriotes de banques russes ne sont, elles, pas concernées par ce plan. Ainsi une partie des «méchants» oligarques fraudeurs du fisc échapperont au couperet ! Les difficultés des deux principales banques étant connues depuis longtemps, nombre d’entre eux ont de toute façon quitté l’ile. Par ailleurs on découvre que les filiales londoniennes des deux principales banques chypriotes sont restées ouvertes le plus normalement du monde et ont ainsi permis des retraits massifs. Encore un moyen d’échapper à la taxe pour les oligarques, et aussi les Anglais, également très présents dans l’ile.
On apprend au passage que la Banque du Pirée reprend trois filiales grecques de banques chypriotes pour 524 millions d’euros en numéraire. Les clients de ces banques ne subiront pas les décotes de leurs maisons-mères. On croyait que les banques grecques étaient au bord de la faillite et sous perfusion de la BCE, comment l’une d’entre elles peut mettre sur la table un demi-milliard d’euros en cash ? S’agit-il de protéger quelques clients privilégiés ?
Au final, pour les dépôts de plus de 100.000 euros, la perte ira de 0 à 100% suivant que vous êtes dans la bonne ou la mauvaise banque, que vous aurez eu le bon tuyau ou pas, c’est la loterie à l’envers !
Ensuite ceux qui auront subi ce racket n’auront bien sûr qu’une idée en tête, fuir Chypre pour trouver des pays plus hospitaliers (ou placer son argent à l’étranger si l’on est résident). Se posera alors le problème du strict contrôle des mouvements de capitaux que met en place l’ile pour éviter une nouvelle crise bancaire. Combien de temps durera ce blocus ? Nul ne le sait. On peut même se demander si les euros de Chypre auront la même valeur que ceux de la zone euro, vu qu’ils sont étroitement surveillés et ne peuvent voyager. S’agit-il encore d’une monnaie «unique» ?
Lorsque les banques rouvriront, on risque de se rendre compte que les entreprises locales paieront un tribut extrêmement lourd, ce qui sera catastrophique pour l’économie de l’ile. Mais c’est surtout l’effet de contagion qui doit le plus inquiéter aujourd’hui. Comment vont réagir ceux qui détiennent des fonds significatifs en Grèce, en Espagne, au Portugal, en Italie, en Irlande ? En attendant que la liste des pays en difficulté ne s’allonge (la Slovénie bientôt ?).
Comme s’il fallait jeter de l’huile sur le feu, le président de l’Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem, a déclaré que la restructuration de Chypre constituait un «modèle», avant de se rétracter. Le commissaire européen au Marché intérieur, Michel Barnier, a indiqué qu'une nouvelle directive européenne pourrait prévoir la mise à contribution des dépôts bancaires de plus de 100.000 euros en cas de sauvetage d'une banque. Mais au fond personne n’est dupe, cette méthode sera bien évidemment réutilisée.