Le débat autour de l’impact du
pic pétrolier fait rage depuis des décennies. Bien que certains refusent
encore de voir venir la fin de la consommation de masse de pétrole, les
estimations les plus approfondies estiment son arrivée à 2020 ou 2030. Plus
importantes encore que les estimations temporelles sont les conséquences du
pic pétrolier. Certains parlent de la fin de la vie telle que nous la
connaissons aujourd’hui, à tel point notre monde est dépendant de l’or noir.
D’autres, qui ont une opinion tout aussi extrême, s’attendent à ce que
l’humanité se confronte enfin à ses responsabilités. La vérité se trouve
quelque part au milieu. Des sources d’énergie plus propres sont aujourd’hui
développées, et deviennent de moins en moins chères et facile à adopter à
mesure que les sociétés se lancent dans des programmes de recherche et
développent de véhicules alimentés par des moyens nouveaux, par exemple. Mais
les conséquences du pic pétrolier ne devraient pas être sous-estimées. La
société, au vu de la place occupée par le pétrole dans notre culture, fera
face à de nombreuses difficultés. Les discours alarmistes qui mentionnent la
lutte de l’humanité pour sa survie en l’absence d’électricité et l’incapacité
des avions à décoller sont une chose, mais le pétrole est un composant
important pour bien plus d’industries que ce qu’on pourrait penser.
Agriculture
L'industrie
de l'agriculture est un très gros consommateur de pétrole, que ce soit
pour l’irrigation, pour les véhicules motorisés mais aussi pour quelque chose
de bien plus important. Nous savons tous que l’utilisation de fertilisants
nous a permis de développer une agriculture de masse et de nourrir des
milliards de personnes tout en nous débarrassant des famines et de la
malnutrition dans le monde développé. Les fertilisants ne représentent
peut-être que 20% de la consommation en énergie, ils n’en sont pas moins le
plus important composant de l’industrie agricole après l’eau. Le mélange
chimique que contient une grande majorité de fertilisants est appelé
Haber-Bosch. Il s’agit d’un mélange de nitrogène et d’hydrogène, qui forment
ensemble de l’ammoniac - et l’hydrogène est principalement un produit dérivé
du pétrole. Le pic pétrolier indique donc la fin de ce type de fertilisants.
Un débat est actuellement en cours à ce sujet. La
composition des fertilisants devrait pouvoir se tourner vers le gaz naturel,
et comprendre du méthane plutôt que de l’hydrogène. Jusqu’à ce que nous
n’ayons plus de gaz, il semblerait que même dans l’incapacité de conduire
jusqu’au McDonald’s le plus proche, nous puissions toujours manger des
burgers.
Plastiques
En 2011, 2,7% de la
consommation totale de pétrole aux Etats-Unis était destinée à la fabrication
de plastiques. Je parle en revanche ici de gaz de pétrole et de gaz naturels liquéfiés,
puisque les Etats-Unis n’utilisent désormais plus de pétrole brut pour
fabriquer du plastique. La même chose n’est pas vraie dans d’autres pays qui
utilisent pour certains du pétrole brut et du gaz pour fabriquer des granulés
plastique, qui sont des dérivés du polystyrène. Ces petits granules de
plastique sont une forme de plastique de pré-production confectionnés par
millions (27 millions aux Etats-Unis) avant d’être transportés vers des
usines pour y être fondus sous forme de composants plastiques. Les objets de
la vie de tous les jours faits de ces granulés sont entre autres les
bouteilles en plastique, les bocaux, le cellophane
et les Tupperware.
Produits chimiques
10% du pétrole brut est
raffiné pour fournir les industries chimiques en ressources de base, ce qui
masque l’importance du pétrole pour les industries desquelles nous dépendons
chaque jour. 80% des produits cosmétiques sont dérivés du pétrole, dont une
majorité de cires,
de parfums, de teintures, de mousses à raser, de shampooings et
d'après-shampooings. Si vous faites partie de ceux qui préfèrent avoir
« l’air naturel », vous aurez vous aussi des soucis après le pic
pétrolier. La glycérine, un élément pétrochimique important, est un composant
vital de la lessive et des liquides-vaisselle.
Santé
Les jours où l’on s’étalait
encore du pétrole sur les plaies sont bien heureusement révolus. En revanche,
depuis les vétérans de guerre à la recherche d’une nouvelle prothèse
jusqu’aux enfants qui ont couru avec des ciseaux à la main, le pétrole
continue de nous aider. Les bandages et membres artificiels, les lunettes et
les valves cardiaques sont des produits dérivés du pétrole. L’utilisation de
pétrole par les entreprises pharmaceutiques fait de sociétés comme Bayer
& Pfizer de très gros consommateurs de pétrole. L’industrie de la santé
est en danger compte tenu de sa consommation de plastique, de matériaux
chirurgicaux et autres. En 2010, 1,5 million de kilos de plastique ont été
utilisés par l’industrie de la santé. Une pénurie de pétrole causerait donc
beaucoup de tort aux médecins comme aux patients.
Homéopathie
Je vous ai dit il y a une
centaine de mots que les jours où l’on s’étalait encore du pétrole sur les
plaies étaient révolus. Ce n’est pas tout à fait vrai. Chose amusante
concernant une industrie qui fait aujourd’hui la guerre au pétrole,
l’homéopathie distille du pétrole et prétend qu’il est capable de soigner
depuis les migraines
jusqu'à l'eczéma. Apparemment, la distillation de pétrole brut et d’acide
sulfurique peut permettre d’obtenir un remède efficace contre le psoriasis
lorsque ce mélange est appliqué directement sur les plaies, ou encore contre
les brûlures d’estomac. Bien que les preuves en soient purement
circonstancielles, l’industrie du pétrole pourrait s’attirer des défenseurs
inattendus.