On me pose souvent des questions
quant aux mécanismes par lesquels le conseil de la Réserve fédérale des
Etats-Unis (la Fed) influence les taux d’intérêt américains, et si ces mécanismes
influencent également la masse monétaire américaine. La Fed est depuis
longtemps perçue comme ayant une influence sur les taux d’intérêt, plutôt que
sur l’inflation ou la contraction de la masse monétaire. Ce bref article a
pour objectif de clarifier la manière dont fonctionne la Fed, et l’impact de
ses opérations sur la masse monétaire.
Le marché principal sur lequel
la Fed ajuste les taux d’intérêt est celui des fonds fédéraux. Le marché des
fonds fédéraux est, comme son nom l’indique, le marché pour les fonds
fédéraux. Mais que sont ces fonds fédéraux ?
Les institutions de dépôt telles
que les banques commerciales conservent une partie de la monnaie déposée
auprès d’elles auprès des banques de réserve fédérale. Cette monnaie déposée
par les banques commerciales auprès de la Fed est également qualifiée de
réserves.
Les banques ont besoin de
réserves afin de satisfaire leurs réserves obligatoires et d’autoriser des
transactions financières. Lorsque des chèques lui sont présentés, une banque
doit disposer de la monnaie nécessaire à leur traitement.
Il arrive certains jours que des
banques aient plus de réserves qu’elles n’en nécessitent – on parle alors d’excès
de réserves. A l’inverse, il arrive que des banques disposent de bien trop
peu de réserves – elles sont alors en insuffisance de réserves.
L’existence d’excès et d’insuffisances
parmi les diverses institutions de dépôt fait qu’il existe une plateforme de
marché pour ces réserves, qui sont également appelées fonds fédéraux.
Les taux d’intérêt imposés pour
l’usage de ces fonds fédéraux sont appelés taux des fonds fédéraux. Il s’agit
des taux applicables aux prêts de court terme – notamment à un jour.
L’outil principal utilisé par la
banque centrale américaine pour influencer la quantité de monnaie au sein de
l’économie est l’achat et la vente d’actifs. A l’heure actuelle, en revanche,
la Fed ne tente pas d’influencer directement la masse monétaire au travers de
l’achat et la vente d’actifs sur le marché ouvert.
Elle cherche plutôt à porter les
taux des fonds fédéraux à un niveau, ou objectif, particulier, qu’elle pense
susceptible d’apporter une croissance économique stable et
non-inflationniste.
Une fois cet objectif fixé, le
Bureau du marché ouvert de la Fed est chargé de maintenir ce niveau chaque
jour.
Une fois un nouvel objectif
annoncé, le marché a tendance à porter les taux d’intérêt vers le niveau
établi dans l’anticipation du succès de la Fed à parvenir à son objectif.
Afin de maintenir les taux au
niveau établi, le Bureau de marché ouvert de la Fed détermine les facteurs
susceptibles de déséquilibrer l’offre et la demande sur le marché des fonds
fédéraux.
Une fois ces facteurs
identifiés, les opérateurs de la Fed les neutralisent en achetant ou vendant
des actifs sur le marché.
Dans ce contexte, de nombreux
facteurs ont le potentiel de devenir des éléments perturbateurs majeurs.
Activités du Trésor
Le premier de ces facteurs
consiste en les activités du Trésor, qui dispose d’un compte auprès de la
Réserve fédérale, sur lequel il maintient des soldes en vue de verser et de
recevoir des paiements gouvernementaux.
Lorsque des individus versent
leurs impôts au Trésor, le solde du compte du Trésor auprès de la Fed
augmente. En revanche, les réserves des institutions de dépôt auprès de la
Fed se trouvent réduites du montant versé au Trésor (cette monnaie est
retirée des banques commerciales par les contribuables). Nous avons donc,
dans ce cas, un déclin de l’offre de fonds fédéraux.
Ce déclin de l’offre de
réserves, ou de l’offre de fonds fédéraux, impose des pressions haussières
aux taux d’intérêt des fonds fédéraux. En conséquence, en l’absence de l’intervention
de la Fed, les taux des fonds fédéraux sur le marché tendent à passer
au-dessus de l’objectif établi. Afin de les maintenir au niveau déterminé par
la Fed, la banque centrale doit intervenir sur le marché en achetant des
actifs tels que des titres du Trésor.
Notez que ces versements d’impôts
entraînent un déclin temporaire de l’offre de réserves sur le marché des
fonds fédéraux. Ce déclin de réserves n’a, en revanche, aucun effet sur la
masse monétaire. Lorsqu’un contribuable verse 1.000 dollars d’impôts au
Trésor, son argent, ses 1.000 dollars, sont transférés au Trésor – il n’y a là
aucune modification de la masse monétaire. Et pourtant, la Fed, afin de
protéger ses objectifs de taux d’intérêt face au déclin de l’offre de réserves
sur le marché des fonds fédéraux, y ajoute de la nouvelle monnaie.
Ainsi, la collecte d’impôts par
le Trésor génère une hausse de la masse monétaire en raison de l’intervention
de la Fed pour maintenir les objectifs de taux d’intérêt.
A l’inverse, lorsque le Trésor
dépense de l’argent – que ses dépôts auprès de la Fed déclinent – les réserves
des banques commerciales augmentent, ce qui fait grimper l’offre de fonds
fédéraux. En conséquence, les taux des fonds fédéraux souffrent de pressions
baissières.
Afin d’empêcher les taux des
fonds fédéraux de tomber en-dessous de l’objectif établi, la banque centrale
vend des actifs, et sort de la monnaie de l’économie.
Modifications de la demande en
espèces
Un autre élément perturbateur
potentiel est l’évolution de la demande en espèces.
Si la demande des individus en
espèces augmente, alors les réserves des banques auprès de la Fed s’en
trouvent réduites.
Bien que cela n’ait aucun effet
sur la masse monétaire (de l’argent est retiré des banques pour terminer dans
les poches des individus) le niveau réduit de fonds fédéraux impose des pressions
haussières sur l’objectif de taux d’intérêt de la Fed.
En réponse à cette pression
haussière, la Fed se trouve obligée d’injecter de la monnaie dans l’économie
en achetant des actifs.
Une hausse de la demande en
espèces débouche donc sur une hausse de la masse monétaire occasionnée par l’injection
de monnaie dans l’économie (les achats d’actifs sur le marché ouvert) par la
banque centrale.
A l’inverse, si la demande en
espèces des individus décline, la Fed se trouve forcée de sortir de l’argent
de l’économie en vendant des actifs, afin d’empêcher les taux des fonds
fédéraux de tomber en-dessous des objectifs établis.
Forte activité économique et
crises
Une troisième source de
perturbation potentielle est le renforcement de l’activité économique – par exemple
en raison du développement d’un cycle d’expansion économique en conséquence
de politiques monétaires souples adoptées par le passé. Le renforcement des
prêts bancaires en conséquence de cette expansion cyclique, et la hausse
conséquente des dépôts à vue, nécessite davantage de réserves, ce qui
entraîne un renforcement de la demande en fonds fédéraux.
Dans ce genre de situation, la
Fed doit intervenir pour empêcher les taux des fonds fédéraux de grimper, et
elle le fait en achetant des actifs – en faisant gonfler la masse monétaire.
En plus de cela, en période de
crise économique, la course aux liquidités à laquelle s’adonnent les
institutions financières peut imposer de fortes pressions haussières sur les
taux des fonds fédéraux. Dans ce cas, afin d’empêcher les taux de grimper au-dessus
de l’objectif établi, la Réserve fédérale s’adonne à des achats d’actifs
significatifs – pour aligner les taux des fonds fédéraux à la hausse de la
demande.
Une fois de plus, le
maintien des taux au niveau établi nécessite une intervention de la Fed, et
engendre une hausse de la masse monétaire.
Notez qu’une fois qu’est établi
l’objectif de taux d’intérêt, sans modification en matière d’offre ou de
demande en fonds fédéraux, toute injection monétaire par la Fed force les
taux très en-dessous de l’objectif établi. En d’autres termes, afin que la
Fed puisse faire grimper la masse monétaire au travers de ses injections
monétaires sans influencer les taux des fonds fédéraux, un élément
déclencheur est nécessaire – une hausse de la demande en espèces du public,
ou le versement de leurs impôts par les individus au Trésor.
Dans les deux cas, la Fed se
trouve dans l’obligation d’injecter de la monnaie dans l’économie pour
empêcher les taux des fonds fédéraux de passer au-dessus de l’objectif
établi.
Il semblerait donc que, dans l’état
actuel des choses, la Fed effectue un exercice d’équilibrisme passif. Elle
accommode la demande en monnaie et n’est pas perçue comme activement engagée
dans l’injection monétaire dans l’économie. Il est officiellement dit dans
les publications du directoire de la Fed que la banque centrale des
Etats-Unis n’imprime pas de monnaie.
Dans un échange avec les
lecteurs du site web du magazine Times, le gouverneur de la Fed – à l’époque,
Ben Bernanke – lorsqu’il s’est vu demander pourquoi la Fed créait des dollars
à partir de rien, a répondu que la Fed n’imprimait pas de monnaie.
Aux yeux d’une majorité d’économistes
et de commentateurs, la conciliation de la demande en monnaie par la Fed n’est
pas perçue comme une création monétaire mais comme une action nécessaire qui
vise à maintenir la stabilité économique et des prix. La Fed est donc
simplement perçue comme empêchant l’apparition de déséquilibres en termes d’offre
et de demande monétaire au sein de l’économie.
Notez que, selon cette logique,
le rôle d’une banque centrale est toujours de concilier la demande en
monnaie. Si elle ne le faisait pas, l’équilibre se trouverait perturbé, et
pourrait potentiellement générer une crise économique.
La réalité est, en revanche, que
quelle que soit la nature de la création monétaire (passive au travers de
mécanismes tels que ceux mentionnés ci-dessous, ou active), il n’est question
que d’inflation artificielle de la masse monétaire par la banque centrale.
Nous assistons à un échange de
rien du tout contre quelque chose. En conséquence, le capital se trouve
détourné depuis les créateurs de capital vers ceux qui n’en génèrent pas – ce
qui fait se développer des cycles expansion-récession.
Risques moraux et expansion
monétaire influencée par les banques
Il est important de noter – et trop
peu souvent reconnu – que le jeu d’équilibrisme passif de la Fed sur le
marché des fonds fédéraux assure l’existence de suffisamment de liquidité
pour empêcher les banques de se forcer mutuellement vers la banqueroute au
cours du processus de compensation de chèques (aussi appelé processus de
règlement des opérations).
En agissant ainsi, la banque
centrale assure la continuité de l’expansion du crédit par les banques commerciales,
qui à son tour débouche sur une hausse de la masse monétaire.
Peu importe la manière dont nous
observons la situation, sans l’existence d’une banque centrale, aucune
expansion monétaire soutenue ne pourrait avoir lieu.