Un article publié cette semaine a particulièrement attiré
mon attention. Le temple Tirumala Tirupati, en Inde,
a déposé de l’or auprès de la Banque d’Inde, et tire des intérêts de son
dépôt. Mais son cas a quelque chose d’unique. Ses intérêts lui sont versés en
or.
Pour comprendre pourquoi
personne d’autre ne verse d’intérêts en or, observons tout d’abord ce qui
rend possible l’utilisation d’une classe d’actifs pour enregistrer des
revenus en dollars : la spéculation. Achetez quelque chose. Attendez. Vendez
plus cher que le prix d’achat. Cette stratégie est applicable aux
obligations, aux actions, à l’immobilier, aux œuvres d’art ou aux vieilles Ferrari.
Peu importe ce que vous utilisez, vous convertissez ce qui a été le capital
de quelqu’un d’autre en un revenu personnel. C’est ce que j’appelle une destruction de capital de grande échelle.
Il n’y a rien de plus simple
que d’utiliser de l’or pour obtenir des revenus en dollars. Vendez une option
d’achat couverte avec un prix d’exercice légèrement supérieur au prix marché
actuel, et vous obtenez immédiatement un premium. Si le prix de l’or ne
grimpe pas, vous pouvez vendre une deuxième option d’achat couverte. S’il
grimpe, vous devez vendre votre or au prix d’exercice. De quoi enregistrer
des profits, puisque votre prix de vente est supérieur à votre prix d’achat.
Il vous suffit ensuite d’acheter plus d’or et de recommencer.
Si vous faites vos comptes en
dollars et vendez votre or contre des dollars, vous vous souciez très peu des
quantités d’or que vous possédez. Vous ne vous souciez que de vos dollars. Vous
enregistrez des revenus en dollars, que vous pouvez dépenser.
Mais enregistrer des revenus
en or, c’est autre chose…
Vous ne pouvez pas vous
contenter de vendre des options d’achat couvertes. Si vous le faites, et que
le prix de l’or grimpe, alors vous devrez racheter du métal. En revanche, les
dollars en votre possession vous permettront d’en acheter moins. Disons par
exemple que vous commenciez avec 100 onces d’or. Le prix de l’or est aujourd’hui
d’environ 1.300 dollars l’once. Vous vendez une option d’achat pour décembre.
Votre prix d’exercice est de 1.325 dollars, et vous obtenez immédiatement 25
dollars par once, ou 2.500 dollars, pour votre contrat.
Malheureusement – comme nous
le verrons plus loin – le prix de l’or augmente en septembre. Il passe à
1.500 dollars et se maintient à ce niveau. En décembre, vous livrez votre or
et êtes payé 1.325 dollars par once. Vous vous retrouvez donc avec 1.325 x
100 = 132.500 dollars, plus votre premium de 2.500 dollars, soit 135.000
dollars.
En essayant de racheter votre
or, vous vous rendez vite compte du problème. Au nouveau prix, vous ne pouvez
racheter que 90 onces d’or. Vos 100 onces ne sont aujourd’hui plus que 90
onces.
Décidez-vous de rejouer ?
C’est pourquoi l’article
mentionné plus haut a attiré mon attention. La banque paie au temple 1% d’intérêts
sur son dépôt en or, en or ! Bien que cela puisse paraître conséquent,
pour 100 onces déposées, le temple obtient 101 onces l’année suivante. Et il
ne risque pas de voir son or disparaître dès l’approche d’une crise.
Je me suis demandé comment il
est possible pour une banque de verser des intérêts en or. Après tout, si
vous ne pouvez pas enregistrer de rendements grâce à votre or et que le
temple ne le peut pas non plus, comment la Banque d’Inde peut-elle le faire ?
J’ai posé cette question à
certains de mes amis qui vivent en Inde. Ils m’ont présenté deux réponses
différentes. Une manière de procéder pourrait être de vendre l’or des dépôts et
d’investir les fruits de sa vente sur un instrument en dollars porteur d’intérêts.
La banque pourrait en tirer disons 4%, et le temple obtiendrait le pourcent
supplémentaire. Voilà qui semble possible, mais il y a un hic. Comme nous l’avons
vu plus tôt, si le prix de l’or augmente, une perte est enregistrée en termes
d’or.
Le compte du temple est en or.
Si l’or est utilisé comme unité de compte – ce qui devrait être le cas – alors
les dollars doivent être valorisés au prix marché. C’est un détail subtil
mais de grande importance.
Si vos bilans sont en or, vous
n’avez ni profits ni pertes. Ce n’est qu’en achetant des actifs tels que des
dollars (ou devrais-je dire en vendant de l’or) que vous commencez à
enregistrer des profits et des pertes – en parallèle aux fluctuations du
dollar.
Pour en revenir à notre
exemple, disons que vous commenciez avec 100 onces d’or. Vous achetez 130.000
dollars au prix de 23,93mg (23,93mg d’or équivalent à un prix de l’or de
1.300 dollars par once). Vous avez maintenant des dollars à hauteur de 100
onces d’or (ce qui est drôle à dire mais parfaitement correct).
Et puis le prix du dollar
baisse de 13,3% pour passer à 20,74mg (ou disons que le prix de l’or augmente
pour atteindre 1.500 dollars). Vous avez toujours vos 130.000 dollars. Ils ne
valent désormais plus que 86,68 onces. Vous avez perdu 13,32 onces. C’est une
situation catastrophique pour un investisseur, mais bien plus sérieuse pour
une banque.
Sur les bilans d’une banque,
les actifs sont liés à des passifs. Un dépôt en or de 100 onces est un
passif. Ce qu’achète la banque, dans ce cas 130.000 dollars, est un actif.
Cette somme ne vaut désormais plus que 86 onces. La banque a un gros
problème. Si elle rencontrait ce problème pour suffisamment de comptes, elle
pourrait se retrouver en banqueroute.
Je ne suis pas satisfait de
cette première réponse. Certaines personnes m’ont dit que ce n’est là que le
risque lié aux activités bancaires. Je ne suis pas d’accord.
Prêter de l’argent engendre
des risques. Vous espérez que votre emprunteur vous remboursera. Vous faites
tout votre possible pour vous assurer qu’il ait l’intention de vous rendre
votre dû. Il y a toutefois une chance qu’il fasse défaut. Vous avez une
assurance automobile parce que peu importe à quel point vous êtes prudent sur
la route, un accident peut toujours arriver.
La chute du prix dollar est
plus qu’un simple « risque ». Elle est une certitude. Regardez ce graphique
du prix du dollar pour ces cent dernières années. Pour en revenir à mon
analogie de l’assurance automobile, ce serait un peu comme conduire à toute
allure au bord de la falaise du Grand Canyon. Un accident est inévitable.
La deuxième réponse que j’ai
obtenue de mes amis est moins complexe et bien plus sinistre. La banque
pourrait ne jamais vouloir rembourser cet or. Elle pourrait avoir l’intention
de demander au gouvernement de déclarer que tout l’or présent dans les dépôts
soit remboursé en monnaie papier.
Je ne sais pas laquelle de ces
deux solutions est correcte. J’espère qu’elles sont toutes les deux fausses,
et qu’il existe quelque chose pour garantir ces dépôts en or. Si vous savez
quelque chose à ce sujet, n’hésitez pas à m’en faire part.
Le taux d’intérêt de l’or est
un sujet important. Le monde n’est pas encore préparé à s’y confronter. En
revanche, avec chaque déclaration d’insolvabilité, chaque quantitative easing, chaque déclin de devise, chaque bail-in et la
hausse inévitable du prix de l’or, il est grand temps qu’il le soit.