Avant de prendre ses fonctions,
Donald Trump a promis de reconstruire l’armée américaine en réaffectant
davantage de financements vers les forces armées. En nous faisant cette
promesse, il ne parlait pas seulement des forces militaires conventionnelles.
Il proposait également une expansion de la capacité nucléaire des Etats-Unis ;
une proposition qu’il a récemment réitérée dans une interview
avec Reuters. Comme il l’a dit lui-même, « ce serait merveilleux si
aucun pays n’avait la bombe nucléaire, mais s’il y en a qui ont la bombe
nucléaire, alors nous allons être en tête du peloton ».
Si Trump est véritablement sur
le point de redonner un nouvel élan au programme nucléaire américain (une décision
que de nombreux experts s’attendent à voir déclencher une nouvelle course à l’arme
nucléaire), il lui faudra faire très attention de ne pas écouter les conseils
de n’importe qui. Certains des représentants de haut rang du gouvernement américain
ont une idée complètement folle de ce à quoi devrait ressembler un arsenal
militaire. Il y a très peu de temps, une commission du Pentagone connue sous
le nom de Defense Science Board a expliqué à l’administration de Trump qu’il
lui faudrait refaire de l’arsenal nucléaire des Etats-Unis une force capable
de s'engager dans une guerre nucléaire limitée.
Selon le rapport, « le
Defense Sciende Board… encourage le président à considérer une altération des
armements existants et planifiés afin que soient accumulées plus d’armes à
faible puissance susceptibles de fournir « une option nucléaire sur mesure
et à usage limité ».
La stratégie derrière le recours
limité à des armes nucléaires est faussement simpliste. Elle revient à faire
escalader suffisamment un conflit pour pouvoir y mettre fin.
Selon cette théorie, l’usage d’armes
nucléaires à faible puissance contre des forces adverses conventionnelles
prouve du sérieux du pays qui les utilise, et laisse supposer qu’il soit
assez fou pour se lancer dans une guerre nucléaire totale. En conséquence, l’ennemi
est forcé de reculer, plutôt que de risquer une guerre thermonucléaire
globale ou de poursuivre les hostilités conventionnelles.
Mais l’idée de se lancer dans
une guerre nucléaire limitée pose un problème. Une guerre nucléaire limitée
est simplement impossible. Elle finirait toujours par mener à une guerre
nucléaire totale.
L’idée centrale de guerre
nucléaire limitée est l’ogive tactique, une arme bien moins puissante qu’une
ogive stratégique. Alors qu’une ogive stratégique dispose d’une puissance d’une
demi-mégatonne ou plus, une ogive tactique est parfois aussi puissante que
celles qui ont été utilisées contre le Japon, mais généralement moins. Les
ogives tactiques sont destinées à être utilisées sur le champ de bataille,
possiblement à proximité de forces amies. Et si le gouvernement américain s’en
débarrasse lentement depuis des décennies, ce n’est pas sans raison. Le
simple fait qu’elles laissent derrière elles un cratère plus petit ne
signifie pas que leur impact l’est aussi.
Une ogive tactique reste une
arme nucléaire. Qu’importe qu’elle soit assez puissante pour détruire une
ville entière (certaines le peuvent). En ayant recours à ces armes, vous
annoncez à votre ennemi que vous êtes prêt à utiliser la bombe nucléaire.
Vous lui dîtes que vous êtes prêt à faire pleuvoir des retombées radioactives
sur son territoire. Vous vous engagez dans une guerre totale.
La seule réponse appropriée est
l’escalade du conflit. Votre ennemi se trouve obligé de vous montrer qu’il
peut faire la même chose que vous. En temps de guerre, les deux parties ne se
demandent pas comment elles pourront se tirer de la situation, mais comment
gagner, et comment se venger, ou donner à leur ennemi une leçon qu’il n’est
pas prêt d’oublier. La doctrine de la guerre nucléaire limitée ne brûle pas
les ponts entre la guerre conventionnelle et l’holocauste nucléaire, elle en
construit.
Ce n’est pas difficile à
comprendre. Il suffit d’imaginer ce qui se passerait si la Russie lâchait une
bombe nucléaire relativement peu puissante, disons de 10 kilotonnes, sur une
base américaine en Europe. Le gouvernement américain répondrait-il par la capitulation ?
Personne n’oserait le croire.
Et imaginons un instant qu’une
guerre nucléaire limitée soit possible. Quelles en seraient les conséquences ?
Elle normaliserait les conflits nucléaires. Elle ferait des armes nucléaires
des options viables dans le cadre de toutes les guerres. Chaque conflit
laisserait derrière lui des retombées radioactives et d’innombrables victimes
civiles.
Espérons que les meilleurs
esprits prévaudront. Ceux qui proposent aujourd’hui la notion de conflit
nucléaire limité devraient échanger leur uniforme d’apparat contre une
camisole de force.