La gestion de
l’or : un défi politique
La banque centrale Indienne
pourrait prendre exemple sur la Turquie afin d’injecter de l’or
dans son système financier, transformant ainsi le métal en un
actif productif.
K. Kanagasabapathy
The Hindu, Chennai, Inde
Jeudi 5 juillet 2012
http://www.thehindubusinessline.com/opinion/columns/k-kanagasabapathy/ar...
L’attrait de
l’Inde pour l’or est un héritage ancestral. Toutes les
contraintes, tant légales que physiques, qui ont été
mises en place afin d’atténuer l’appétit pour
l’or ont non seulement échoué au cours des 40
années ayant suivi l’indépendance du pays, mais elles ont
également encouragé l’importation de métal par le
biais du marché noir.
L’or fut finalement
libéralisé en Inde au cours des années 1990.
De nombreuses mesures furent
instaurées afin de dissuader les ménages d’investir leur
épargne dans l’or, dans le but de maintenir en place le
marché des devises et d’augmenter l’utilisation d’actifs papier. Elles ne sont cependant pas
parvenues à contenir la consommation et les importations d’or du
pays.
Très récemment,
le gouvernement Indien décidait d’augmenter les droits de
douanes afin de dissuader les banques d’utiliser de l’or pour
mener à bien leurs opérations commerciales, et de
décourager les autres sociétés financières
à étendre la part de leur portefeuille alloué à
l’or. S’il est une leçon que l’on peut tirer de
cette expérience, c’est que de tels efforts sont toujours en
vain. Les importations d’or pour 2011-2012 ont d’ailleurs
dépassé les 900 tonnes.
Les arguments allant à
l’encontre de la consommation d’or sont bien connus :
l’or est un actif non-productif, il anéantit
l’épargne, et il assèche le marché des changes. Il
existe cependant de nombreuses qualités propres à l’or
qui en font un investissement attractif.
Mis à part le fait que
l'or soit intégré à la culture et à la
mentalité Indienne, il est également une importante protection
contre l’inflation. C’est pourquoi en période
d’inflation, comme nous avons pu le voir récemment, la demande
en or demeure très élevée.
Bien que son stockage
présente des risques, la capacité de l’or à faire
face à l’instabilité et à la crise est un fait
établi. L’or peut aisément être converti en monnaie
et fournir ainsi une source immédiate de liquidités. Il est
également accepté partout dans le monde, et jouit donc
d’une liquidité internationale.
Selon une étude du
Conseil Mondial de l’Or, la demande en or depuis le début de la
crise a fortement augmenté.
C’est là une
tendance qui devrait se poursuivre au cours des années à venir,
en partie du fait de l’incertitude générale face à
la faiblesse du dollar en tant que devise de référence mondiale.
De nombreuses banques centrales, dont la banque centrale Indienne, ont
également commencé à accroître leurs
réserves d’or.
Depuis la
libéralisation de l’or par le gouvernement Indien, son objectif
principal a été de contenir la demande en or physique en
encourageant l’investissement sur d’autres produits financiers.
Bien qu’il n’y ait rien de bien mauvais quant à cette
approche, le gouvernement ne parvient pas à l’imposer de
manière significative.
Il serait peut-être bon
d’essayer de trouver un moyen de diriger les réserves existantes
vers le système financier afin que la nature non-productive de
l’or puisse être remplacée par une source de revenus.
Certaines de ces approches sont présentées ci-dessous :
Augmenter
les réserves d’or : Les importations d’or sont perçues comme
asséchant les devises étrangères. Il n’en est pas
moins que l’or est lui-même équivalent aux devises
étrangères, dans la mesure où il fait partie
intégrante des réserves internationales. Dans le cadre de l’élargissement
de ses réserves, la banque centrale Indienne devrait acheter de
l’or sur le marché domestique afin d’augmenter ses
réserves de devises internationales.
Il a récemment
été dit que la banque centrale devrait être
autorisée à utiliser son or afin de mener à bien ses
opérations de marché. D’une certaine manière,
augmenter ses réserves d’or l’aiderait à vendre des
dollars sur le marché domestique et à préserver la
valeur de la roupie sans pour autant diminuer sa base de réserves.
Encourager
les dépôts d’or : Les banques commerciales, et en particulier la
« State Bank of India »,
offrent des solutions de dépôt d’or à taux
d’intérêt très faible. L’épargne sur
l’or et les dépôts à terme sont ainsi
encouragés. Voici un exemple que nous pourrions emprunter à la
Turquie qui, comme l’Inde, est un important consommateur
d’or :
L’or, transmis dans les
familles de génération en génération, est
conservé en tant qu’épargne. Mais ces derniers mois, les
banques commerciales ont commencé à encourager les dépôts
d’or, en raison des politiques menées par la banque centrale.
Ces types de dépôts
ont été multipliés par quatre au cours de l’an
dernier. Les banques commerciales du pays placent leur expertise techniques
et leurs ressources marketing au service des possesseurs d’or. Ces
derniers n’ont qu’à placer leur or auprès des
banques pour pouvoir pratiquer des opérations de retrait à leur
guise, en barres d’or ou en lires. Ce type de dépôt
bancaire leur offre des taux d’intérêts substantiellement
moins élevés que les comptes ordinaires.
Autoriser
les banques à conserver une partie de leurs réserves sous forme
d’or : C’est
ce qu’a fait la Turquie en ajustant les critères de
réserve de ses banques, c’est-à-dire la proportion de
dépôts que les banques commerciales doivent placer auprès
de la banque centrale.
En septembre 2011, la banque
centrale Turque augmentait le ratio de lires pouvant être
détenues sous forme d’or depuis zéro jusqu’à
10%, avant de passer ce pourcentage à 20% en mars 2012 et à 25%
le mois dernier. Cela n’a eu pour conséquence que
d’augmenter l’appétit des banques pour l’or.
Autoriser
les banques à émettre des obligations sur l’or afin
d’augmenter leur capital : Les banques faisant face à de nombreuses
contraintes d’augmentation de capital depuis le traité de
Bâle III, l’une des solutions serait de leur offrir la
possibilité d’émettre des obligations sur l’or sur
le long terme et sur une base préférentielle afin
qu’elles puissent augmenter leurs fonds propres complémentaires.
Cela leur permettrait de mobiliser leur capital à moindre coût.
Afin de mettre en place de
telles stratégies, aucun amendement légal n’est requis.
La loi de 1934 qui régit la banque centrale Indienne lui permet
d’acheter et de vendre de l’or. Elle ne lui permet cependant pas
de conserver une partie de ses réserves de liquidités sous
forme d’or.
En revanche, le Banking Regulation Act de 1949 permet aux banques de maintenir une certaine
partie de leurs liquidités sous forme d’or. L’une des
manières de parvenir à cela serait donc de modifier cette loi
qui régit la banque centrale Indienne. Du fait même de la flexibilité
de cette loi de 1934, l’établissement d’un ratio de
liquidité est tout à fait envisageable. Il serait donc possible
pour l’Inde d’inclure l’or au sein de ses réserves
de liquidités et de son investissement sur titres souverains.
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