La faillite désigne
communément la dissolution d'une entreprise qui s'est retrouvée
dans l'incapacité de payer ses fournisseurs ou, plus
généralement, d'honorer ses engagements financiers. En
matière de faillite, deux problèmes distincts, quoique
liés, sont à distinguer : l'insolvabilité et
l'illiquidité.
Une entreprise est insolvable lorsque
la valeur de ses actifs (investissements en tout genre) est inférieure
à la valeur de ses passifs (dettes et autres engagements à
payer). Autrement dit, les propriétaires de l'entreprise ont
réduit la valeur de leurs investissements et ne pourront rembourser
les dettes contractées par l'entreprise qu'en y apportant des fonds
propres supplémentaires. Si un changement de gestion, i.e. un autre
mode d'association des actifs, ne paraît pas à même de
redresser la valeur de ceux-ci, il est préférable de dissoudre
l'entreprise. Les actifs sont alors revendus aux meilleurs offrants tandis
que les dettes sont remboursées totalement ou en partie.
Une entreprise est illiquide lorsque la
valeur de ses actifs de court terme (sa trésorerie) est
inférieure au montant de ses échéances
immédiates. Le défaut de paiement qui s'ensuit résulte
d'un déséquilibre entre les flux sortants et entrants de
trésorerie; ou, ce qui revient au même, trop d'actifs de long
terme font face à trop de passifs de court terme. Si l'entreprise
reste capable de générer de la valeur à moyen et
à long terme, elle trouvera des créanciers auprès de qui
se refinancer dans l'immédiat. Ce refinancement deviendra trop cher,
et donc économiquement non rentable, si les créanciers pensent
que l'entreprise n'est pas viable à long terme.
Voilà donc que les deux problèmes
d'illiquidité et d'insolvabilité sont intimement liés.
Une situation d'illiquidité définitive résulte du
refus d'investisseurs potentiels de miser leurs fonds car ils anticipent une
insolvabilité proche. Le défaut de paiement est alors un signe
avant-coureur qu'il faut précipiter la dissolution de l'entreprise
afin d'éviter des pertes futures. La faillite apparaît alors
comme salutaire car, en désintégrant l'entreprise, elle permet
d'éviter des pertes plus importantes encore. Elle se
révèle posséder une fonction économique bien
définie : minimiser les pertes liées aux mauvais
investissements, en assurant le transfert des actifs concernés vers
des entrepreneurs mieux avisés.
Il résulte de tout cela que la
faillite, en tant que phénomène économique, ne peut se
produire que si un ensemble de conditions sont réunies.
Primo, le calcul économique doit
être possible. Cela signifie que les facteurs de production sont soumis
au régime de la propriété privée, et non pas
à celui de la propriété collective, et qu'un
intermédiaire des échanges, c.a.d. une monnaie, est
utilisé dans l'économie. Seules ces deux conditions permettent
d'établir et de comparer des prix monétaires pour les
différents actifs et passifs et de donner un sens aux notions de perte
et de gain.
Secundo, le gouvernement ne doit
accorder aucun privilège légal qui aurait pour résultat
d'abriter l'entreprise du verdict impartial du gain et de la perte
monétaires.
Force est de reconnaître
qu'aucune de ces deux conditions n'est réunie en ce qui concerne
l'activité des banques centrales.
Il est vrai que les banques centrales
opèrent le plus souvent dans un monde monétaire de
propriété privée. Néanmoins, leur propre
fonctionnement n'est pas soumis aux contraintes qu'impose la propriété
privée. Le processus de production de la monnaie-papier à cours
légal ne nécessite pas la levée de fonds propres ou
empruntés qui seuls permettraient d'acquérir des facteurs de
production dont l'association aboutirait, de manière plus ou moins
longue et pénible, à la production de billets d'euros ou de
dollars. Tout se passe à rebours.
La production de la monnaie-papier est
totalement indépendante des propriétaires des facteurs de
production et se fait par le biais d'émissions de monnaie qui ne
coûtent rien. Une fois émise, la monnaie est introduite dans le
circuit économique par un échange contre actifs financiers.
Voilà ce qui explique la coutume
de représenter les activités des banques centrales par un
bilan. Seulement, ce bilan n'est pas de même nature que le bilan d'une
entreprise soumise à la discipline du marché. Pour une banque
centrale, son « bilan » indique le montant de
monnaie émise et le type d'actifs financiers qui ont été
achetés en premier avec cette monnaie. Il ne s'agit en aucun cas d'une
appréciation marchande de la valeur de l'activité
économique conduite par la banque centrale.
En outre, et dans la mesure où
une banque centrale aurait contracté des dettes ou aurait fait des
promesses de remboursement dans la monnaie qu'elle-même émet,
aucun problème d'illiquidité ne pourrait jamais survenir. Le
remboursement de ses dettes et engagements n'est pas conditionné par
sa capacité de générer un flux entrant de
trésorerie grâce à un emploi judicieux de ses actifs. La
banque centrale peut toujours rembourser ses propres dettes, voire même
celles de parfaits inconnus, par simple émission de monnaie nouvelle.
Il s'agit là d'une conséquence du privilège de cours
légal accordé à la monnaie-papier produite par une
banque centrale.
Par conséquent, et d'un point de
vue économique, une banque centrale ne peut pas faire faillite. En
revanche, d'un point de vue strictement comptable, une banque centrale
pourrait se retrouver insolvable. Nous examinerons cette situation et ses
implications dans un second article.
Seconde partie : l’insolvabilité
comptable des banques centrales
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