France Stratégie, dont j’ai déjà
parlé ici-même, a publié, en juillet 2014, une
étude intitulée
« Réduction des dépenses publiques : les
leçons de l’expérience ». À partir des
expériences de réduction des dépenses publiques menées
dans les pays de l’OCDE, les auteurs
dégagent quelques principes de portée générale.
Le
gouvernement français a présenté, en avril 2014, son
programme de stabilité 2014-2017 qui prévoit une diminution de
la part des dépenses publiques dans le PIB de trois points. Les
auteurs de l’étude rappellent qu’un effort de la sorte,
malgré les cris d’orfraie de la « gauche de la gauche »,
n’a rien d’original parmi les pays
développés : « entre 1990 et 2007, 17 pays de
l’OCDE ont réduit leurs dépenses publiques d’au
moins trois points de PIB sur trois ans. En moyenne, l’ajustement dans
ces pays a duré cinq ans et a été au total de 7 points
de PIB ».
Si la moyenne
est de 7 points de PIB, cela signifie que des pays sont allés
au-delà de ce chiffre. C’est le cas, par exemple, de la Finlande
(-16,5 entre 1993 et 2000), de la Slovaquie (-10,9 entre 2002 et 2007), du
Canada (-10,9 entre 1993 et 2000), des Pays-Bas (-10,3 entre 1995 et 1999),
de la Suède (-9,9 entre 1995 et 2000, et -4,7 entre 2003 et 2007), de
la Norvège (-7,3 entre 1992 et 1996, et -8,1 entre 2003 et 2006), ou
encore de l’Irlande (-9,7 entre 1993 et 1999).
Selon les
auteurs de l’étude, « le moment de l’ajustement
est la plupart du temps dicté en premier lieu par un niveau
élevé du déficit et de la dette. […] Mais
l’existence d’une fenêtre d’opportunité
politique est déterminante dans le déclenchement d’un
épisode de consolidation ». Ainsi, au début des
années 1990, les sondages indiquaient que 80 % des Canadiens
étaient préoccupés par le niveau élevé du
déficit fédéral. Les hommes politiques se sont ainsi
emparés du sujet lors des élections législatives de
1993. La réduction du déficit est devenue une de leurs
priorités.
C’était
également une des priorités du candidat Hollande en 2012.
Pourtant, depuis lors, le déficit public ne cesse d’augmenter.
N’a-t-il pas su tirer profit de la « fenêtre
d’opportunité politique » ou bien s’est-il
rendu compte que ce n’était pas vraiment une préoccupation
des Français ?
L’étude
met également en évidence les sources d’économie.
Si l’on s’attache à la nature des dépenses,
l’on remarque que « la baisse des dépenses a
porté principalement sur les transferts sociaux (notamment en Finlande
et en Irlande, l’effort dans ce dernier pays est d’autant plus
notable qu’il partait d’un des ratios les plus faibles de
l’échantillon), et sur la masse salariale des employés su
secteur public (Canada et Finlande) ».
Comme
l’écrivent les auteurs, « la variété
des systèmes sociaux-politiques et des préférences
nationales rend impossible l’identification d’une
stratégie qui fonctionnerait à coup sûr ».
Cela dit, l’étude des expériences
étrangères permet « de mettre en évidence les
méthodes qui ont été appliquées ».
C’est ainsi que pour atteindre des objectifs de réduction des
dépenses ambitieux, mieux vaut appliquer la méthode de la
« revue stratégique » des dépenses que la
méthode du « rabot » qui consiste à
baisser uniformément toutes les dépenses quelle que soit leur
nature.
La
méthode de la « revue stratégique » des
dépenses publiques consiste à choisir entre les dépenses
auxquelles il faut renoncer et celles qu’il faut garder. Les Canadiens
ont utilisé et formalisé cette approche dans les années
1994-1999. Pour chaque programme de l’État
fédéral, les questions suivantes étaient
posées :
On trouve
ensuite dans l’étude des « bonnes pratiques»
qui permettent de rendre plus efficace encore la réduction des
dépenses publiques. Nous n’entrerons pas dans un détail
qui pourrait vite être rébarbatif, mais nous citerons quand
même quelques recettes :
-
appliquer la revue
stratégique à un ensemble aussi large que possible de
politiques publiques ;
-
viser haut en
proposant des options de réduction ambitieuses ;
-
introduire une
périodicité fixe des exercices de révision des
dépenses pour inscrire l’effort dans la durée et/ou
empêcher l’augmentation de la dépense
ultérieurement ;
-
limiter la
propension des échelons locaux à s’endetter ou à
augmenter les impôts dans les années suivant la diminution des
transferts du gouvernement central ;
-
faire participer
les citoyens à la production des services publics (le fameux
« Big Society » britannique) ;
-
associer les
fonctionnaires en amont du processus ;
-
offrir des
incitations aux ministères en permettant le redéploiement
d’une fraction des coupes qu’ils réalisent ;
-
amener les partis
politiques à se prononcer sur les mesures d’économies
proposées et à identifier celles qu’ils
retiendraient ;
-
agir rapidement une
fois les décisions prises ;
-
ne pas surcharger
l’agenda gouvernemental d’autres réformes.
Pour conclure,
insistons sur le fait que l’information des citoyens est un des
facteurs clés de réussite. Une information qui doit porter sur
les choix stratégiques qui sont faits, mais qui peut également
être plus « terre-à-terre ». Comme au
Royaume-Uni où le gouvernement s’est engagé à
publier sur internet toute nouvelle dépense du gouvernement central
supérieure à 25 000 livres (environ 30 000 euros).
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