Ceux qui ont placé tous
leurs espoirs sur une reprise économique qui émanerait des devises
fiduciaires gouvernementales recevront bientôt une grosse claque. La contrefaçon
colossale dont sont coupables les banques centrales, ainsi que les déficits
gouvernementaux gargantuesques, ont eu une influence baissière sur les
moyennes majeures, qui sont maintenant inchangées sur l’année. Les politiques
de taux d’intérêt négatifs ou à zéro pourcent, ainsi que la manipulation sans
précédent des taux d’intérêt, ont soutenu les marchés boursiers du monde. Il
n’en est pas moins que nous n’ayons pas assisté à une croissance robuste du
PIB depuis huit ans.
Les prix des actions
sont aujourd’hui complètement déliés des activités économiques, et la
récession des revenus des corporations et de la croissance des bénéfices
exacerbe cette condition de surévaluation. Ajoutez à cela le fait que les bénéfices
ont été manipulés à la hausse par Wall Street et ses prouesses dans l’art de
la gestion financière, et vous avez un cocktail explosif.
Je reste d’avis que nous
allons droit vers le chaos. Voici comment je pense que les évènements se
dérouleront :
A l’échelle globale, les
banques centrales ont adopté des objectifs d’inflation, et continuent de dire
que ces objectifs n’ont pas été atteints. C’est parce que les gouvernements
ne mesurent pas l’inflation correctement. Il n’en est pas moins qu’une
majorité de la monnaie nouvellement créée ait été directement forcée vers le
secteur immobilier, vers les actions et vers les obligations par les
institutions financières. Les actifs des riches ont gonflé, et l’écart entre
les riches et les pauvres s’est élargi. Et parce que nos législateurs
économiques confondent croissance et inflation, leur incapacité à achever
leurs objectifs d’inflation est perçue comme étant la raison principale pour
laquelle la croissance est restée hors de portée.
Pour maintenir l’inflation
au-dessus de l’objectif de 2%, le système bancaire privé aurait dû pouvoir
offrir du crédit à des clients handicapés par la dette, ce qui est impossible
à moins que se développe une croissance réelle des salaires, qui chutent
maintenant depuis des décennies, ou que se présente une baisse du niveau d’endettement
des consommateurs.
Les banques centrales
auraient donc dû injecter du crédit directement sur le comptes en banque des
consommateurs tout en forçant les taux d’intérêt à la baisse jusqu’à ce qu’ils
entrent en territoire négatif. Afin que cela puisse fonctionner, elles
auraient également dû interdire les devises physiques. Aucune banque centrale
n’a pour le moment osé mettre en place des politiques si drastiques pour
atteindre ses objectifs d’inflation… bien que si elles l’avaient fait, le
caractère irréversible de l’inflation serait garanti.
Les gouvernements ne
sont pas parvenus à atteindre leurs objectifs d’inflation et de croissance au
travers des stratégies « conventionnelles » de dépréciation de
devises et de manipulation de la courbe des rendements. L’un des problèmes principaux
étant qu’un taux de croissance du PIB chroniquement faible débouche sur une
assiette fiscale insuffisante face à la hausse de la dette et du déficit. Le
Japon est l’exemple parfait de la stratégie de production de croissance au
travers de l’inflation : la nation souffre de sa troisième récession
depuis 2012, malgré les efforts monumentaux du Premier ministre Abe de
réduire la valeur du yen et augmenter le déficit gouvernemental.
Les fortes hausses du
niveau de dette gouvernementale ont historiquement fait grimper les
rendements des dettes souveraines et rendu impossible le remboursement de la
dette. La récente crise européenne en est le parfait exemple :
En 2012, les créditeurs
ont commencé à se montrer méfiants face aux pays connus sous l’acronyme PIIG
(Portugal, Irlande, Italie et Grèce) et leur capacité à rembourser leur dette.
En conséquence, leurs créditeurs ont fait flamber les taux d’intérêt pour
refléter le risque de leur défaut potentiel. Au Portugal, les obligations sur
dix ans sont passées de 5 à 18% alors que la relation entre la dette
gouvernementale et le PIB passait de 70 à 130%. Mais grâce à la politique de
rachat de dette portugaise de la BCE, ces rendements se situent aujourd’hui
autour de 2,7%.
La BCE, la Banque du
Japon et la Banque populaire de Chine ont déjà promis aux marchés qu’elles maintiendraient
les taux d’emprunt à un niveau très bas afin d’échapper à une crise de la
dette par l’inflation. C’est pourquoi Mario Draghi a promis de faire « tout
le nécessaire » pour stabiliser les rendements des obligations. Cette
promesse d’usurpation du contrôle des marchés souverains de la dette se
répand aujourd’hui tout autour du globe.
La Réserve fédérale
rejoindra ces autres banques centrales une fois qu’une récession deviendra
manifeste aux Etats-Unis, même aux yeux économiquement aveugles du membre du
FOMC. Cette épiphanie se produira lorsque le déficit gouvernemental sera de
nouveau gonflé d’un trillion de dollar. A ce moment-là, les banques centrales
majeures monétiseront une majorité, voire l’intégralité, de l’émission de dette
souveraine.
La stratégie qui
favorise la déflation en faveur du rééquilibrage de la dette et du retour des
prix des actifs jusqu’à un niveau d’équilibre est devenue l’anathème des
dirigeants à l’échelle globale, parce que la dépression temporaire qui en
découlerait serait politiquement insoutenable. C’est pourquoi les membres des
gouvernements restent attachés à des stratégies erronées et continuent de
tenter de créer une croissance viable du PIB au travers d’une dépréciation
prodigieuse des devises, et une manipulation des taux d’intérêt et de l’inflation.
Afin de faciliter cette
stratégie d’inflation, les banques centrales, en coopération avec les
gouvernements, sont passées d’une stratégie de contournement du système
bancaire à une monétisation directe de la dette. Le destin tragique des
gouvernements insolvables est le développement d’une inflation irréductible.
Et cette instance de dépassement
de leurs compétences par les banques centrales n’est pas l’analyse décousue d’un
oiseau de malheur. Le nouveau conseiller du Fonds monétaire international, Maurice
Obstfeld, a appelé à une intervention non-conventionnelle lors de la conférence
annuelle du FMI pour la recherche. Ce responsable économique du nouvel
ordre mondial a décrété s’inquiéter de la déflation à l’échelle globale. « Il
est peut-être temps de prendre des mesures extraordinaires. A taux zéro, nos
options sont limitées. Afin de faire passer l’inflation à 2% dans les pays
développés, il faudrait peut-être considérer viser au-dessus des 2%. »
Et si son discours n’était
pas suffisamment explicite, voici l’extrait d’un article rédigé par Adair
Turner, membre du Conseil de politique financière de la Banque d’Angleterre,
qui pense lui-aussi que les banques centrales devraient explorer la
possibilité de financer directement les dépenses gouvernementales. Extrait du
Wall Street Journal :
« L’une des
possibilités qui s’offrent à nous est que les banquiers centraux financent
ouvertement une hausse budgétaire en faisant constamment croître la masse
monétaire. Le Japon sera forcé d’employer une politique similaire d’ici cinq
ans, et cette politique devrait devenir un outil bancaire standard pour les
économies en stagnation. »
Toutes les conditions
sont désormais en place pour que puisse se développer une stagnation à l’échelle
mondiale. Les gouvernements insolvables comme les banques centrales ont
désormais la volonté de faire grimper les déficits gouvernementaux au travers
de la monétisation permanente de la dette. Malheureusement, les conditions
monétaires et fiscales nécessaires au chaos financier sont maintenant présentes.
Tout n’est plus qu’une question de temps. Et malheureusement, du temps, nous
n’en avons plus beaucoup.