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La France a
souvent été hostile au libéralisme. La droite
française est d’ailleurs considérée comme une des
plus dirigistes au monde. Ses résultats électoraux, parfois en
demi-teinte, depuis une trentaine d’années, sont dus à sa
réticence
à se démarquer de la gauche et à sa propension à aller
chasser sur ses terres au lieu de défendre des idées novatrices.
Or, c’est bien connu, l’électeur préfèrera
toujours l’original à la copie.
Cette
hostilité au libéralisme se manifeste également sur le
plan intellectuel. Rares sont les théoriciens libéraux qui
arrivent à se faire entendre dans les grands médias.
C’était d’ailleurs tout l’objet d’un ouvrage
de feu Raymond Boudon, Pourquoi les
intellectuels n’aiment pas le libéralisme, même
s’il ne se focalise peut-être pas assez sur la France per se.
Il existe,
tout de même, une revue réputée qui suscite le respect
des intellectuels français et qui, à défaut
d’être réellement libérale, n’y est pas
hostile et en accueille même les points de vue : Commentaire.
Ainsi, l’œuvre de Hayek y est présentée. Elle a
été fondée par Raymond Aron et, depuis sa
création, est dirigée par Jean-Claude Casanova. Elle a
fêté, cette année, ses 35 ans d’existence.
L’objet
de sa création était de lutter
contre le programme commun PS-PCF du candidat François Mitterrand et,
plus généralement, contre le totalitarisme. En quelque sorte,
Commentaire perpétuait la tradition d’une autre revue
française anti communiste mais plutôt proche du courant
libéral de gauche : Preuves. Un objectif louable. D’autant plus quand la
revue laissait paraître les articles d’un Pierre Chaunu qui
n’hésitait pas à établir une comparaison
osée entre communisme et nazisme.
Le
libéralisme de cette revue demeure néanmoins tempéré,
tant les auteurs qui y prêtent leur plume sont principalement
alignés sur le monde anglo-saxon et n’ont pas
hésité à lourdement critiquer la politique
étrangère gaulliste, jugée trop complaisante
à l’égard de l’U.R.S.S. alors qu’elle visait
seulement à se détacher de la tutelle américaine. Qui
plus est, une telle analyse oublie que, lors de la crise de Cuba, de Gaulle
s’est rangé aux côtés des États-Unis.
La revue
continue de prospérer dans cette voie, comme en témoigne
l’article
optimiste de Thérèse Delpech sur la situation au Moyen-Orient,
lequel article est on ne peut plus obséquieux à
l’égard des États-Unis.
Et c’est
d’ailleurs tout le drame du libéralisme français
contemporain, souvent plus atlantiste que réellement libéral.
Et, au risque de choquer, Nicolas Sarkozy était, en quelque sorte, le
fruit de cet atlantisme-là, et semblait libéral de par sa
volonté affichée de baisser
les taux d’imposition et les dépenses publiques (projet
intéressant qui aura malheureusement avorté)
et de se rapprocher considérablement des États-Unis. On a vu le
résultat.
Toutefois,
cette revue a aussi le bon goût d’accueillir quelques voix
discordantes, telle celle de Robert
Dujarric qui a étrillé les
néoconservateurs et leur guerre improductive en Irak. Mais, là
encore, le raisonnement n’était pas entièrement correct.
Dans cet article, Dujarric fait cette distinction
entre la bonne guerre offensive et la mauvaise guerre offensive. Pour lui,
les guerres de libération de l’Europe et du Japon étaient
de « bonnes guerres », mésestimant le fait que c’est
paradoxalement justement l’intervention des États-Unis, pendant
la Première guerre mondiale, qui aura été un des actes
fondateurs du nazisme. La défaite créera un sentiment de
révolte au sein du peuple allemand qui estimait, à juste titre,
avoir été floué par les termes du Traité de Versailles
qui clôturait un conflit au cours duquel l’Allemagne
n’avait pas le profil du vaincu typique. De même, toute guerre alimente
l’autoritarisme étatique, quelle qu’en soit l’issue.
C’est d’ailleurs toute la thèse et
l’intérêt du film V
pour Vendetta.
Malgré
ces déviances regrettables, nous ne pouvons qu’inciter tout
lecteur intéressé à se procurer Commentaire.
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