Jean Castex est le premier ministre de la France, et le pays traverse une phase difficile : des gens sont testés positifs. Alors Jean Castex prend la parole, à la télé, pour annoncer des trucs et des machins.
Le travail de Jean Castex n’est vraiment pas facile : pensez donc, il lui faut annoncer, une fois encore, que les garnements français ont encore fauté salement avec leurs mains pleines de doigts, leurs museaux sales et leur hygiène déplorable.
Alors Jean Castex doit manier de la sanction : comme il y a plein de cas positifs, le déconfinement du 15 décembre sera donc en mode « molto mollo ». On va assez peu déconfiner finalement en se contentant de renoncer (la mort dans l’âme, il faut bien le dire) aux petits cerfas d’auto-humiliation quotidienne, et on va simplement revenir au bon vieux couvre-feux tant il est vrai que le virus ne se déplace qu’à vélo, la nuit, de 20h à 6h.
Pour Jean Castex, le but est simple : il faut continuer d’emmerder les Français tout en modulant la dose de vexations ridicules pour ne pas déclencher immédiatement de mouvements violents. Il nous offre, sans vraiment le vouloir consciemment, une démonstration d’art subtil au travers d’une danse légère et délicate entre les différentes étapes de ce qui s’apparente à un châtiment psychologique subtil mélangeant isolement, humiliation, menaces ou contraintes idiotes et l’occasionnelle indulgence des « puissants » histoire de ménager un peu d’espoir.
De façon globale, retenez pour les prochains jours en France que si une activité vous procure du plaisir ou de la joie, c’est globalement interdit, dénonçable par les voisins et vous mènera à une amende bien poivrée. Il faut arrêter d’être positif, qu’on vous dit.
Et comme l’indique le Darmanin de l’Intérieur, vous pourrez compter sur un régalien à la hauteur par garantir que tout sera bien dans les clous : plus de 100.000 policiers et gendarmes seront ainsi mobilisés pour bien s’assurer que la bûche ne sera pas découpée en présence de plus de six personnes et que Mamie et Papy seront correctement calfeutrés dans la cuisine avec un bol d’eau et des croquettes.
C’est dit.
Cependant, peut-être est-il un peu tôt pour se réjouir dès à présent que le 31 décembre au soir ne marquera pas, cette année, les traditionnelles départs de feux festifs de voitures citadines. S’il y aura bel et bien plus de 100.000 gardiens de la paix à gambader joyeusement sur la lande française pour y pruner généreusement le badaud attardé, ne comptez pas trop sur eux pour prendre le risque insensé d’aller faire régner l’ordre et la loi dans les endroits où ils seraient nécessaires.
On peut par exemple raisonnablement parier que certains quartiers émotifs retrouveront leurs couleurs et leurs activités de fête dès que possible et probablement sans même attendre la fin du confinement et du couvre-feu (du reste, y a-t-il eu un jour de vrai confinement dans ces portions de territoire à la légalité créative ?).
Du reste, même en cette période de confinement parsemée des inévitables cerfas de mortification, il arrive que ces quartiers soient en proie à un festivisme plus pro-actif et volontaire que d’habitude, sans pour autant que les forces de l’ordre n’en soient réellement troublées. On apprend ainsi qu’à Sevran, charmante bourgade de l’enclave autonome de Seine-Saint-Denis, une trentaine de pères de famille ont dû se liguer en une sorte de milice improvisée pour repousser une bande de vendeurs de drogue bien décidés à venir pratiquer leurs trafics sous les fenêtres des lotissements familiaux.
Rassurez-vous : les forces de l’ordre, dûment alertées, ont amplement pesé le pour et le contre de toute intervention et ont prudemment décidé de laisser les événements suivre leur cours normal, en rappelant l’importance de bien se laver les mains, de se mettre un petit masque sur le groin et de conserver autant que possible une certaine distanciation sociale qui évite de se prendre des pains dans les dents.
De toute façon, il faut bien comprendre que ces mêmes forces de l’ordre sont actuellement fort occupées à calmer les ardeurs des randonneurs en forêt (qui encovident de vastes étendues arborées et menacent donc le prochain déconfinement et seront responsables de l’inévitable troisième, quatrième ou cinquième vague) et à violemment réprimer les fous du volant (qui frôlent le 83 km/h sur les routes départementales dans leurs Doblos surpuissants).
Que voulez-vous ma brave dame, on ne peut pas être partout, et ces valeureuses Forces de la répression automobile et du randonneur sans cerfa ne pourront donc pas assurer la sécurité de base pour la lycéenne Mila qui, ayant déclenché l’ire d’imbéciles faussement dévots, continuera donc de craindre pour sa vie dans des établissements qui, pleutrement, refuseront rapidement de l’accueillir.
Après tout, si l’école de la République offrait la sécurité, ça se saurait. Et si les établissements militaires avaient un quelconque rapport avec le pouvoir régalien, ça se saurait aussi, hein. Le milouf millésime 2020 est décidément bien tendre, sans doute pour s’accommoder à l’air du temps où la force est d’usage pour ceux qui ne posent aucun souci et s’évapore lorsqu’il s’agit de vraies racailles qu’il faudrait mater.
De toute façon, il faut bien comprendre que le régalien suit la même course que le reste : le gouvernement a surtout démontré son incroyable légèreté et sa capacité stupéfiante à sublimer ses responsabilités au sens chimique, i.e. les faire passer instantanément de solides à gazeuses. Bien que les prérogatives de l’État et de son gouvernement ne cessent d’augmenter (ce pour quoi il nous facture toujours plus cher), il semble que personne ne soit plus responsable de l’actuelle bérézina de la gestion de la crise sanitaire.
Il faut se rendre à l’évidence : les Français sont vexés, frustrés, appauvris et humiliés, mais ils ne sont plus du tout gouvernés.