Traduction française de l'interview de Egon von Greyerz par Max Keiser sur
StartJOIN TV.
(Cliquez-ici
pour voir la première partie de l'interview)
Max Keiser : Bienvenue sur StartJOIN TV
avec un invité très spécial, Egon von Greyerz, de Matterhorn Asset
Management (MAM)…
Vous êtes un vrai pionnier, un des premiers à dire qu'il faut détenir son
or dans un coffre, hors des banques, parce que, si les banques font faillite,
tout ce qui figure dans leurs bilans peut être confisqué, y compris l’or.
Vous devez donc détenir votre or dans un coffre. Alors, j’ai deux
questions pour vous. Tout d’abord, je voudrais que vous nous parliez des taux
d’intérêt négatifs… je crois qu’environ 16-17% des obligations souveraines
mondiales ont des taux de rendement négatifs… vous payez le gouvernement pour
leur prêter de l’argent ! Historiquement, a-t-on déjà vu quelque chose de
cette échelle… et qu’est-ce que cela signifie ?
Egon von Greyerz : Cela signifie que le
système est totalement en faillite. Vous dites que les banques sont presque
en faillite… elles le sont toutes ! En fait, aux États-Unis, ils ont déplacé
$300 milliards de titres sécurisés dans la catégorie « à
maturité », parce que, sinon, ils devraient les évaluer à la valeur du
marché…
Max Keiser : Laissez-moi intervenir,
ici… expliquons un peu… En d’autres mots, les banques ont, disons, des
obligations dans leurs bilans, et ces obligations devraient normalement
valoir ce que les investisseurs sont prêts à payer pour elles… ce serait leur
valeur à la fin du trimestre, à la fin de l’année… les banques devraient
déclarer qu’elles valent, selon le marché, 15 cents, 20 cents sur le dollar.
Mais là, avec ces nouvelles règles, elles peuvent déclarer qu’elles valent
100 cents sur le dollar, parce qu’elles les évaluent à maturité, quoi qu’il
en soit. Elles ont créé, à partir de rien, de la valeur… alors qu'il n'y en a
pas !
Egon von Greyerz : Absolument. Depuis la
crise de 2008, la seule manière de faire « survivre » les banques
est de rapporter les actifs de façon erronée, c’est-à-dire en comptabilisant
ces obligations à maturité plutôt qu’à la valeur du marché. Si elles les
gardent jusqu’à maturité, les banques n’ont pas à déclarer les pertes.
Ces actifs ne valent qu’une fraction de leur valeur déclarée. Les banques
américaines ont, officiellement, $650 milliards dans cette catégorie. Une
grande partie de ce montant est perdu.
Mais, pour revenir à votre question sur les taux d’intérêt négatifs… Les
banques centrales et les gouvernements sont désespérés, car ils savent
qu’avec la déflation, le système bancaire ne peut survivre… aucun prêt ne
pourrait être remboursé. Nous sommes "officiellement" en
déflation aujourd'hui, car les investissements vont dans ces actifs, plutôt
que dans le système… Il y a eu 25 baisses de taux d’intérêt en 2015, c’est du
jamais vu. Et, comme vous dites, plusieurs banques… vous devez payer la
banque centrale suisse 0,75% pour y déposer de l’argent ! Il y a maintenant
des compagnies d’assurances qui seraient prêtes à ce qu’on y dépose notre
cash… cela coûterait moins cher qu’à la banque centrale… c’est fou !
Les banques tirent sur la corde, elles sont désespérées. Elles ont tout
essayé… elles ont imprimé de la monnaie, réduit les taux d’intérêt… le
système est en faillite. Je crois qu’il s’agit d’un dernier effort désespéré…
les gens devraient aller à la banque et leur dire : "Je
souhaite acheter une maison d’un million de dollars, pouvez-vous me payer
pour contracter un prêt hypothécaire ?"
Max Keiser : Les prêts hypothècaires à
120% sont de retour, en Espagne, pour les spéculateurs britanniques… vous
pouvez acheter une maison en Espagne et ils paient 100% de l’hypothèque et 20%
de plus pour la meubler… et c’est exactement ce qui est arrivé avant que Bradford
& Bingley et Northern Rockland ne fassent faillite, en 2007, et que
cela déclenche un bank run qui s'est transformé en un problème
mondial… les taux d’intérêt négatifs sont du vol pur et simple, n’est-ce pas
? Y a-t-il quelque chose qui m’échappe, ici… c’est le gouvernement qui prend
de l’argent, n’est-ce pas ?
Egon von Greyerz : Ils prennent
l’argent… parce qu’ils ont tout essayé pour sauver un système en faillite en
imprimant de la monnaie. Comme vous savez, la Deutsche Bank a encore
un effet de levier de 50 pour 1, il y a toujours plus d’un milliard de
milliards de dollars de produits dérivés dans le monde, pour la plupart sans
valeur, et si les taux d’intérêt grimpent, tout cela explosera, car tous les
produits dérivés ont une composante de taux d’intérêt. Alors les
gouvernements sont désespérés, ils confisquent ce qu’ils peuvent… pouvez-vous
imaginer ce qui arrivera aux fonds de retraite et aux compagnies d’assurances,
maintenant ? Il n’y aura pas d'argent pour les retraités…
Max Keiser : Je réfléchis à cela depuis
longtemps, et voici ce que j’en pense. Les compagnies d’assurance s’appuient
sur les écarts de rendements positifs… c’est la base de leurs affaires.
Prenez Berkshire Hathaway, par exemple… c’est une compagnie
d’assurance avec un modèle d’affaires basique : Le nombre de
réclamations des détenteurs de contrats d'assurance est inférieur aux
primes que vous encaissez, et la différence est payée grâce à un
écart de taux d’intérêt positif. Mais si les intérêts sont négatifs, le
secteur de l’assurance se retrouve en position délicate. Cette industrie ne
peut survivre de cette manière… l’arithmétique financière ne fonctionne pas.
Egon von Greyerz : C’est la même chose
avec les régimes de retraite, exactement la même chose.
Max Keiser : Mais… si on enlève
l’industrie de l’assurance dans le monde, n’est-ce pas équivalent à dire que
les seuls éléments de propriété privée que vous pouvez assurer sont ceux que
vous pouvez défendre avec votre fusil ? Parce que tout le reste, le bateau à
la marina, la seconde maison… sont des choses que l’on assure. Si les gens ne
peuvent pas les assurer, ils n’en achèteront pas, n’est-ce pas ?
La propriété privée elle-même est menacée par ces taux d’intérêt négatifs,
qui correspondent à de la confiscation de richesse.
Egon von Greyerz : On ne perd rien pour
attendre… tous les marchés actions atteignent des sommets, et nous allons
assister au début d’un marché baissier séculier majeur… avec ces P/E de 90
sur le Russell 2000…
Max Keiser : P/E ajusté…
Egon von Greyerz : Oui… et, à un certain
moment, la Bourse ou les marchés d’obligations vont s’effondrer, et
l’immobilier… tout ce qui est financé par cette bulle du crédit, tout cela va
s’effondrer. Qu’arrivera-t-il aux compagnies d’assurances et aux fonds de
retraite qui détiennent ces actifs dans leurs bilans ? Ce sera une
catastrophe pour les retraités et, comme vous dites, pour les gens qui
détiennent de l’assurance.
C’est pourquoi, selon moi, nous allons assister à de l’assouplissement
quantitatif (QE) massif – je n’aime pas cette expression… je préfère
impression monétaire – dans le monde entier, y compris aux États-Unis et au
FMI, parce qu’ils n’auront pas réussi à stimuler l’économie en réduisant les
taux d’intérêt… alors nous assisterons sûrement à un programme d’impression
monétaire massive qui, encore une fois, n’aura aucun effet sur l’économie…
mais ils le feront quand même.
Max Keiser : Quelle est la différence
entre le QE et la monétisation de la dette ? D’après ce que je comprends,
avec le QE, c’est qu’après un certain moment, il est réduit progressivement,
ce n’est qu’un programme temporaire et donc, ce n’est pas de la monétisation
de dette. Mais nous avons vu que, ces cinq dernières années, aucun de ces QE
n’a été réduit progressivement… au contraire, ils ont été augmentés. Alors
appelons un chat un chat, c’est de la monétisation de dette; et cela n’est-il
pas la définition-même de l’hyperinflation… ou des conditions qui y mènent ?
Egon von Greyerz : Absolument. Parce que
nous savons que les États-Unis n’ont pas enregistré d'excédent budgétaire
depuis 1965, mais leur dette est passée de 1,000 milliards de dollars, en
1980, à 18,000 milliards aujourd’hui… et ils n'enregistrent jamais d'excédent
budgétaire, alors ils ne pourront jamais rembourser cette dette…
Max Keiser : Ils impriment toujours plus
de monnaie…
Egon von Greyerz : Oui, et les autres
banques centrales font la même chose. Toute cette dette ne sera jamais
remboursée, que ce soit au Japon, en Europe ou aux États-Unis… elle ne sera
jamais remboursée.
Max Keiser : Qu’arrive-t-il alors à
tout ce réservoir de monnaie imprimée… cette monnaie ne va pas dans
l’économie, elle est « entreposée » sur les bilans des banques pour
les garder solvables… Et nous avons ce qui s’appelle la vélocité de la
monnaie, qui est à un bas de plusieurs années, alors que l’impression
monétaire est au plus haut. Maintenant, on parle de déflation, parce que
toute cette monnaie imprimée ne circule pas, et que nous n’obtenons pas les
mouvements nécessaires sur le marché du travail, comme une inflation des
salaires… cela ne profite qu’à ceux qui investissent dans les actifs, ceux
qui sont proches de la blanche à billets… Mais, au final, il y a ce
réservoir… d’environ 230,000 milliards de dollars de dette dans le monde…
elle a augmenté d’environ 60,000 milliards, lors des sept dernières années.
Alors, vu que nous avons un peu de temps ici, expliquez-nous un peu le
mécanisme de ce réservoir… ce qu’il se passera lorsque la digue craquera et
que la pression sera trop forte – j’ai en tête l’image du petit garçon qui a
le doigt dans le trou du réservoir et qui l’enlève, et soudain il y a le
déluge –.
Comment voyez-vous cela se passer ? Mes trois scénarios seraient 1) le
Japon qui fait finalement faillite, 2) Le mécanisme de manipulation du marché
papier de l’or et de l’argent s’effondre ou 3) une bulle immobilière
majeure éclate à Londres… ce sont mes trois scénarios… quels sont les vôtres
?
Egon von Greyerz : Vous avez peut-être
raison, il y a tellement de catalyseur potentiels, de cygnes noirs dans
le monde… cela pourrait être n’importe quoi. Il ne suffit que d’un flocon de
neige de trop pour déclencher une avalanche.
Max Keiser : Parlons de la mécanique de
la chose. Disons que ce flocon de neige de trop tombe… la BCE vient d’ajouter
mille milliards d’euros…
Egon von Greyerz : … cela est destiné
aux banques, pas aux gens…
Max Keiser : … la Réserve fédérale a
imprimé plusieurs milliers de milliards de dollars jusqu'à maintenant… la
Banque d’Angleterre, près de mille milliards de livres… et toute cette
monnaie est là, tout simplement, nous savons où elle est… est-ce qu’ils se
mettent à paniquer et à vendre ce qu’ils ont sur leurs bilans, est-ce ainsi
que cela commence ?
Egon von Greyerz : Oui, oui…
Max Keiser : Afin de se préserver
eux-mêmes… ils se mettent tous à vendre simultanément pour
« dérouler » des années… En 2007, c’est un gel du crédit qui a mené
à l’effondrement de l’économie mondiale… et ils et ils sont arrivés avec un
nouveau programme de centaines de milliers de milliards… et ce que vous
dites, étant du camp de l’hyperinflation, c’est qu’à un certain point, ces
banques paniquent et vendent leurs inventaires d’actifs papier, ce qui
déclenche le cycle d’hyperinflation…
Egon von Greyerz : Absolument. Les
détenteurs d’obligations à long terme du monde entier, qu’il s’agisse
d’investisseurs privés, de gouvernements ou de banques. Le marché des
obligations constitue la plus grosse bulle au monde et, vous savez, les taux
d’intérêt sont historiquement au plus bas, et ils ne peuvent qu’aller dans
une direction… donc, les gens, les investisseurs réaliseront, et cela inclut
les banques… les banques centrales ne vendront pas, mais les investisseurs,
les banques commerciales, réaliseront qu’ils ne reverront jamais leur argent,
parce qu’aucun gouvernement ne sera en mesure de payer, et les détenteurs
d’obligations à long terme se mettront à vendre, ce qui créera une panique,
et c’est à ce moment-là que les taux vont se mettre à grimper…
Max Keiser : Aidez-moi. Vous dites que
les banques centrales ne seront pas les acteurs de ces ventes en panique,
mais que les banques commerciales…
Egon von Greyerz : … les grandes
banques, les compagnies d’assurances, les fonds de retraite…
Max Keiser : … tous ceux qui ont des
positions importantes…
Egon von Greyerz : …absolument. Les
fonds de marché monétaire, les fonds d’obligations etc.
Max Keiser : … qui paniqueront… et qui
déclencheront une réaction en chaîne…
Egon von Greyerz : Oui. Et il y aura un
événement déclencheur qui les poussera à paniquer. Mais pouvez-vous me dire
qui veut mettre son argent dans les obligations gouvernementales qui ne
rapportent que 1%, entre 0% et 1%, 2% au maximum, selon le pays, et qui ne
seront jamais payées avec de la monnaie véritable ?
Max Keiser : Un risque sans retour !
Egon von Greyerz : … (pause et rires)
absolument !
Max Keiser : Je vous ai eu, pour un
moment, là ! Hé, un ex-banquier suisse, et je l’ai eu !
Egon von Greyerz : Je pensais à Mark
Twain, qui disait « je suis plus inquiet du retour de mon argent que
du retour sur investissement de mon argent ».
Max Keiser : Et bien, Egon, nous devons
nous quitter, mais disons, rapidement, que Matterhorn Asset Management…
vous êtes un coffre, vous n’êtes pas une banque, ce qui est une bonne chose,
parce que les banques… il peut y avoir des réclamations sur les actifs
qu’elles possèdent, incluant l’or… ce qui est la première chose.
Deuxièmement, vous êtes en Suisse, qui est un pays assez stable.
Egon von Greyerz : Oui, politiquement,
absolument.
Max Keiser : Et les voleurs, ils ont des
difficultés à gravir les montagnes… on n’a qu’à tirer dessus !
Et votre société est reconnue… je n’ai eu que de bons échos à votre égard.
Alors, si vous êtes à la recherche d’un endroit pour entreposer votre or (en
pointant vers Egon), cet homme est celui qu’il vous faut.
Egon, merci beaucoup d’avoir été avec nous sur StartJOIN TV.
Egon von Greyerz : Ce fut mon plaisir…