Il n'est pire science que l'économie politique d'aujourd'hui
tant la confusion qui y règne est grande.
Ce n'est pas nouveau.
- soit le "purifier" des connotations qui nous embrouillent."
Comme je crois qu'il est impossible d'exclure les mots "équilibre" et
"déséquilibre" du discours économique, je propose de les soumettre à un travail
de nettoyage approfondi." (Machlup, F., 1958, The Economic Journal, Vol.
LXVIII, Mars)
Et d'ajouter:
"En essayant d'accomplir cette tâche, je ne prendrai pas en compte les
significations de ces expressions dans d'autres disciplines."
(ibid.)
La cible que Machlup avait en ligne de mire dans le texte était donc la notion
d'"équilibre » en économie politique sur quoi s'était penché, vingt ans plus
tôt, dans une perspective voisine, Arthur Marget (1899-1962) dans un article du
Journal of Political Economy (Vol. 43, No. 2, avril 1935, pp.
145-186).
Pour sa part, Murray Rothbard (1926-1995) est revenu sur la dénaturation de la
notion d'équilibre économique dans un article de 1987 dans The Review of
Austrian Economics (volume 1, pp. 97-108) et s'en est pris à ce qu'avaient
pu écrire Joseph Schumpeter (1883-1950) et Alvin Hansen (1887-1975) avant que
Guido Hülsmann s'en prît à d'autres (cf. son texte).
A sa façon, John Hicks (1904-1989) s'en est pris à son tour, si on peut dire,
au sujet de Machlup au travers de la notion de "liquidité" (dans l'article
“Liquidity”, The Economic Journal, Vol. 72, No. 288, décembre, 1962),
pp. 787-802).
En vérité, la liste de ces mots qui tiennent de la rhétorique "au mauvais
sens du mot", est abondante (par exemple, inflation, chômage, croissance, etc.
monnaie...).
On pourrait ajouter à ces notions
- le mot "société" - que certains attribuent à Emile Durkheim (1858-1917),
l'homme qui a introduit la "conscience collective"!- ou
- le mot "état" (cf. ce
texte de de Jasay,
1994), mais je ne saurai m'y appesantir.
i. Robert Solow.
Robert Solow a certes dénoncé la "rhétorique au mauvais sens" du mot, mais un
peu tard, d'autant qu'il y avait fortement contribué auparavant.
En effet, récemment, Solow a enfoncé le clou de la question en s'opposant à la
rhétorique - sous entendu, "au mauvais sens du mot" - de façon très claire
:
« Pour un lecteur moderne sérieux, la rhétorique est sans pertinence ou, pire,
induit en erreur ou, pire encore, trompe intentionnellement » ( R. Solow,
Commentaires, hiver 2013-14, p. 911).
Il oubliait, seulement, ses amours pour telle ou telle mathématiques qu'il
avait utilisées dans le passé et qui n'étaient jamais que d'autres formes de la
rhétorique "au mauvais sens du mot"...
Il a oublié, en particulier, d'insister sur ce qu'avait écrit le grand
mathématicien David Hilbert (1862-1943) sur l'utilisation des mots en
mathématique.
Celui-ci soutenait que:
"[...] les axiomes devaient être tels que si on remplaçait les termes de
'points', 'droites', et 'plans' par 'bière', 'pieds de table' et 'chaises', la
théorie devait toujours tenir." (O'Shea, 2007, p.169)
- dans O'Shea, 2007,
Gregory Perelman face à la conjecture de Poincaré
ii. Henri Poincaré.
Dans ces conditions, on pourrait remplacer le géomètre par le "piano à
raisonner" imaginé par Stanley Jevons (1835-82), l'économiste de la "double
coïncidence des besoins qu'est l'échange direct"..., a eu l'occasion de
souligner, pour sa part, Henri Poincaré (1854-1912) au début du XXème siècle,
dans Science
et méthode (1908), et de montrer son opinion:
"Il y a là une illusion décevante" (Poincaré, 1908, p.4)
D'ailleurs, que nous disait, ces dernières décennies, Roland Omnès sur les
mathématiques:
"Ce qui compte en mathématiques ne sont aucunement les choses, mais les
relations qui existent entre elles" (Omnès, 1994, p.107)
dans Omnès, R. (1994), Philosophie de la science contemporaine,
Gallimard (coll. Folio, essais), Paris.
Par exemple, l'existence des unes est sans relation avec l'existence des autres
qui a pour fondement la non contradiction (cf. sur le sujet, Poincaré à propos
de Stuart Mill dans Science et méthode).
Mais, selon Poincaré (dont j'ai déjà eu l'occasion de parler, en particulier
dans
ce billet de décembre 2010), les mathématiques ne peuvent être réduites à
la logique, à une logique formelle.
Comme Poincaré l'explique dans Science et méthode, l'intuition est
essentielle au mathématicien et cela n'est pas une question de logique
analytique, a fortiori de logique formelle.
L'intuition va de pair avec l'application du principe d'induction
complète que certains de ses opposants prétendent avoir démontré au
prétexte que, selon eux, il n'existe pas de jugement synthétique a
priori.
Soit dit en passant, Poincaré insiste à propos de la logique nouvelle de MM.
Couturat et Russell - ce qu'il dénomme "la logistique" qui va faire florès au
XXè siècle - sur le fait que, malgré ce que ces derniers en
disent:
"Nous n'avons pas le droit de regarder [leurs] axiomes comme des définitions
déguisées et [...] il faut pour chacun d'eux admettre un nouvel acte
d'intuition [...] un acte nouveau et indépendant de notre intuition et,
pourquoi ne pas le dire, un véritable jugement synthétique a priori"
(Poincaré, op. cit. p.185)
"La logique reste donc stérile, à moins d'être fécondée par
l'intuition.[...]
La logistique n'est plus stérile, elle engendre l'antinomie."
(ibid., pp.222-23))
Poincaré n'avait pas hésité à mettre en garde à diverses reprises contre la
démarche de l'application d'une mathématique à une discipline de la pensée
humaine, et à formuler les plus expresses réserves dans le cas des sciences
morales (dont l'économie politique).
iii. Ivar Ekeland
Une grande raison que rappelle Ivar Ekeland dans le livre intitulé
Le
calcul, l'imprévu (Les figures du temps de Kepler à Thom) (Seuil,
Paris, 1984) est que :
«certains événements prédits par le modèle mathématique ne se produiront pas
dans la réalité physique » (Ekeland, 1984, pp.52-53).
Ekeland souligne humoristiquement à cette occasion que
« les mathématiques nous donnent une manière originale de réparer un pneu crevé
: il suffit d'attendre qu'il se regonfle spontanément » (ibid.,
p.54)
Soit dit en passant, et d'une part, il convient de distinguer l'application
d'une mathématique et, ce qui n'est pas mieux, la transposition d'un modèle
mathématique d'un phénomène physique, biologique, etc. pour "expliquer" un
phénomène économique
Mais cette distinction n'est pas prise en considération par les économistes qui
procèdent à l'une ou à l'autre.
On est loin de ce que pouvait écrire Léon Walras.
En effet, quelques années plus tôt, en 1886, dans la même veine, Walras
considérait dans un livre intitulé Théorie de la monnaie http://archive.org/stream/thoriedelamonna01wa...age/n7/mode/2up
que :
« Je crois, quant à moi, que, lorsqu'il s'agit d'étudier des rapports
essentiellement quantitatifs comme sont les rapports de valeur,
le raisonnement mathématique permet une analyse bien plus exacte, plus
complète, plus claire et plus rapide que le raisonnement ordinaire et a, sur ce
dernier, la supériorité du chemin de fer sur la diligence pour les voyages
».
Reste que, comme l'a rappelé Ekeland, tous ces éléments ne doivent pas cacher
le recours croissant donné par des gens depuis lors à telle ou telle
mathématique à quoi ont procédé nos économistes et dont la majorité serait bien
incapable de justifier le choix mathématique pour la raison suivante:
"Pour ma part, je chéris l'aphorisme de Sussman :
'En mathématiques, les noms sont arbitraires.
Libre à chacun d'appeler un opérateur auto-adjoint un 'éléphant', et une
décomposition spectrale une 'trompe'.
On peut alors démontrer un théorême suivant lequel
'tout éléphant a une trompe'.
Mais on n'a pas le droit de laisser croire que ce résultat a quelque chose à
voir avec de gros animaux gris". (Ekeland , 1984, p.123).
Et les "gros animaux gris" sont nombreux en économie politique.
Faut-il rappeler que Francis-Louis Closon (1910-1998), target="_blank"
premier directeur de l'I.N.S.E.E., a eu l'occasion de déclarer qu'il
fallait :
«Remplacer la France des mots par la France des chiffres» (cf. target="_blank"
Desrosières, 2003).
comme si les "chiffres" n'étaient pas les "gros animaux gris" d'une
mathématique...
Et on sait ce qu'est devenu l'I.N.S.E.E., grand monopole étatique devant
l'éternel.
Qu'il n'y ait pas d'ambiguïté, cette question situe à l'opposé du point
sur quoi Poincaré avait insisté dans Science et méthode :
"On ne saurait croire combien un mot bien choisi peut économiser de pensée,
comme disait Mach" (Poincaré, 1908, Science et méthode, p.31).
Quant à la
méthode des sciences et à propos des "sociologistes" - devenus "sociologues"
par la suite... -, on remarquera que Poincaré n'avait pas hésité pas à y écrire
:
"Le Sociologiste est plus embarrassé ;
les éléments, qui pour lui sont les hommes, sont trop dissemblables, trop
variables, trop capricieux, trop complexes eux-mêmes en un mot ;
aussi, l’histoire ne recommence pas ;
comment alors choisir le fait intéressant qui est celui qui recommence;
la méthode, c’est précisément le choix des faits, il faut donc se préoccuper
d’abord d’imaginer une méthode, et on en a imaginé beaucoup, parce qu’aucune ne
s’imposait ;
chaque thèse de sociologie propose une méthode nouvelle que d’ailleurs le
nouveau docteur se garde bien d’appliquer, de sorte que la sociologie est la
science qui possède le plus de méthodes et le moins de résultats." target="_blank"(Poincaré,
Science et méthode, 1908)
Rien n'a changé depuis lors.
b. Claassen et la non définition des mots.
E.M. Claassen (1934-2014) avait insisté en 1970, dans un ouvrage intitulé
target="_blank" l'Analyse
des liquidités et sélection de portefeuille, sur la tendance
regrettable qu'il avait pu constater, à savoir que:
"L'habitude de commencer toute étude économique par un travail d'élucidation et
de définition de certaines notions fondamentales tend de plus en plus à se
perdre à l'heure actuelle" (Claassen, 1970, p.33)
La dérive est totale aujourd’hui.
Reste qu'en 1979, dans le livre intitulé
De l'imperfection en économie (Calmann-Lévy, col. "Perspectives de
l'économique", série "critique", Paris), Henri Guitton (1904-1992) avait
insisté sur le fait que :
"Les mots
ont d'autant plus de pouvoir qu'ils ne sont pas définis.
Ce qui est défini scientifiquement n'a pas de pouvoir sur l'opinion". (Guitton,
1979, p. 31)
Mais l'"imperfection", objet du livre de Guitton, n'était jamais qu'un mot de
sémantique, une rhétorique "au mauvais sens du mot" qui n'ajoutait rien de
précis, bien au contraire, à tout ce qu'il y pouvait dire.
c. etc.
En vérité, tout cela témoigne du caractère récent de la science que de
prétendus "historiens de la pensée économique" veulent ancienne et à
l'ancienneté de quoi les ouvrages de ces derniers tentent de faire
croire.
Que penser, en effet, d'une science comme l'économie politique où les mots qui
l'expriment, se trouvent dans un tel état d'anéantissement ? (cf. target="_blank"
billet d’août 2015 )
Répétons-le : il revient au même de ne pas définir un mot ou de lui donner, en
guise de définition, une "armée mexicaine de définitions".
2. Le point de départ.
Longtemps, l'économie politique a eu pour seul point de départ
la "théorie de la valeur" (cf. ce target="_blank"
billet d'octobre 2015 ).
"Valeur" dénommait alors
- la matière, des choses ou des biens économiques observés, comme la terre
ou le travail, aussi bien que
- leur mesure, leurs nombres ou quantités ... abstraites.
La valeur cachait plus ou moins la "valeur d'usage" ou la "valeur d'échange"
que Locke (1632-1704) avait eu l'occasion d'envisager en long et en large d'un
point de vue juridique.
Ce qui a conduit Jacques Rueff (1896-1978) à essayer d'amener ses contemporains
à voir dans les droits de propriété, un "récipient à valeur" (cf. target="_blank"
billet de mars 2009), la «valeur » étant la chose, le bien, etc. que la
personne juridique physique donnait à la faculté de jouir et de disposer de la
chose, du bien, etc.
Par exemple, le "travail" en tant que "valeur" contribuait à cacher la "valeur"
que chacun donnait au travail qu'il menait.
Attention néanmoins à la "valeur d'usage" de la valeur travail
- que lui donne et qui n'est connue que de chacun, ex ante, et
- que ses prosélytes prétendent connaître et crient à tue-tête dans le "marché
du travail" - qu'ils dénomment aussi pour l'occasion "marché de l'emploi"!
-.
"Valeur" laissait ouverte la valeur d'échange dans quoi Stanley Jevons a vu un
"taux d'échange" de deux marchandises et Vilfredo Pareto un prix (oubliant que
le taux d'échange n'était pas nécessairement convenu).
a. Autres définitions.
Cela étant, la "valeur" s'est vue dénommer aussi
- des "produits" ou des "facteurs de production" et
- leur mesure, leurs nombres ou quantités ... abstraites..
Simultanément, elle a dénommé
- des "objets matériels" et des "services" et
- leur mesure, leurs nombres ou quantités ... abstraites.,
à l'instigation d'Adam Smith, de la "matérialité" et du "temps" (cf.
Bastiat).
Avec Jean Baptiste Say, la "valeur" a encore employé le mot "utilité" pour
désigner toute chose, bien économique, etc.
Puis, dans le seconde moitié du XIXème siècle, le mot "utilité" est devenu
"marginal" pour faire valoir le jugement que chacun pouvait donner à des
choses, biens économiques, etc.
L'"utilité marginale" allait ainsi, à la fois, être distincte du jugement
de "rareté" et la dénommer ainsi (cf. Pareto).
Entretemps, la valeur avait encore dénommé le "prix d'une chose, etc.",
cachant, le cas échéant,
- la valeur "marchandise" qu'elle dénommait aussi ainsi et
- leur mesure, leurs nombres ou quantités ... abstraites..
b. Développement de la valeur.
Les savants économistes qui se cachaient sous tous ces mots et expressions
n'ont pas hésité non plus à développer leurs explications de la "théorie de la
valeur" ... "par tous les moyens".
La démarche a amené
- à des axiomes mathématiques de target="_blank" Antoine Augustin
Cournot (1838) sur la relation entre la valeur "quantité de marchandises"
et la valeur "prix en monnaie de la marchandise",
- puis à ceux de target="_blank"
James Stuart Mill et
- surtout à ceux de target="_blank" Léon
Walras qui ont débouché sur la "théorie de l'équilibre économique
général".
… Soit dit en passant, l'"équilibre économique général" est ainsi né,
mathématiquement, avec les valeurs "quantité de travail" et "quantité de
monnaie" non distinguées, dans leur nature, des autres valeurs.
i. La monnaie.
C'est au XXème siècle que la valeur "quantité de monnaie" a commencé à être
cernée par les savants et a donné lieu à une attention particulière après les
débats du XIXème siècle entre l'"école de la monnaie" et l'"école de la banque"
ou entre le monométallisme et le bimétallisme.
Elle était censée avoir une influence sur l'activité économique.
Elle ne cachait pas le "prix en monnaie" d'une chose, etc., celui-ci n'étant
qu'un taux d'échange convenu par les partis.
Elle a contribué à modifier la "théorie de l'équilibre économique
général".
John Maynard Keynes a "enfoncé le clou" (si on peut dire...) en proposant une
théorie du "marche de la liquidité" dans son ouvrage intitulé target="_blank"
Théorie de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie (1936), où la
notion de "liquidité" n'était qu'une composante de la valeur "monnaie"
(celle-ci étant supposée de "liquidité absolue"), quoique condition nécessaire
de l'incertitude sur l'avenir du taux d'intérêt dont elle procédait
(jusqu'alors, la "théorie de l'équilibre économique général" faisait
l'hypothèse de la certitude...).
Il a aussi ouvert le chemin de la théorie dite "macroéconomique" et le débat
sur la prétendue alternative "monétarisme" et "keynésianisme".
ii. Le travail.
Pour sa part, la valeur "quantité de travail", notion abstraite, a suscité
des réponses particulières discutées à la question de sa mesure concrète.
Le travail était certes une valeur, mais il n'était pas susceptible d'être
mesuré directement par une quantité concrète.
On peut toujours parler de sa quantité abstraite, mais non pas de sa quantité
concrète.
Sa quantité concrète fut empruntée en partie à une notion de "quantité" des
savants de la physique, à savoir la "durée".
On sait que, depuis le XVIIIème siècle, les savants de la physique ont
introduit dans leur science la notion de "durée" et celle de "quantité de
mouvement".
La notion de "quantité de mouvement" avait dénommé le produit mathématique
constitué par la notion de "masse" et la notion
de "vitesse".
La "masse" était mesurée concrètement par un instrument de physique et le
"newton", unité de masse, la "vitesse" l'était tout autant à l'aide de la
notion de "durée" et divers instruments de physique ...
Vraisemblablement, l'analogie de l'économie politique avec telle ou telle
science physique a contribué à donner une mesure concrète à la notion de
"travail".
La mesure qu'on lui connaît dans ces différentes physiques procèdait d'une
"durée", d'un "intervalle de temps"... au cœur de la "vitesse", du "mouvement",
de l’"accélération", de l’"énergie" ou etc. …
Et des économistes ont mesuré la quantité de "travail" concrète par une
"durée".
Reste que la mesure de la "quantité de travail" par la "durée", n'est pas
satisfaisante sauf pour les matérialistes.
Des économistes ont tenté de surmonter l'obstacle et introduit la notion
de "valeur travail", de valeur du service "travail", "abstraction" supposée
être en propriété de chacun.
La démarche s'est poursuivie jusqu'à aujourd'hui comme le prouvent nombre de
discours d'hommes de l'état, en passant par des ouvrages du type de celui de
Gérard Debreu à la fin de la décennie 1950 qui n'hésitait pas à écrire
que:
"Le premier
exemple d'un service économique sera le travail humain.
Sa description est celle de la tâche accomplie [...]" (Debreu, 1960)
La notion de "travail" est,
dans ces conditions, une absurdité d'économistes relayés par des
politiques.
Et qu'une analyse économique, sans concept d'"acte humain", qui identifie le
travail à un résultat d'action observé comme le faisait Debreu en évoquant la
"tâche accomplie", n'y change rien.
La mesure du travail par une quantité digne d'intérêt reste à être trouvée en
économie politique ...
3. Deux
hypothèses.
L’économie politique a eu aussi pour hypothèses importantes
- que les choses sont rares et
- que "[l]es
biens économiques peuvent se transformer les uns en les autres,
* soit matériellement, par la production,
* soit économiquement, par l'échange." (Pareto, 1896-97, §43)...
comme l'écrivait Vilfredo Pareto dans son target="_blank"
Cours d'économie
politique.
Tout se passait ainsi, tacitement, à la fin du XIXème siècle comme si la
valeur, les choses, les biens économiques, etc. étaient des entités de
pensée...
A écouter ces savants économistes qui partageaient le point de vue de Pareto,
la "production", l'"échange" et la "capitalisation" étaient des phénomènes
intimement liés (il n'était pas question de la consommation...) .
On ne peut que s'interroger sur ces phénomènes qui ne sont jamais que des
actions humaines qu'a laissé de côté Pareto ...
4. Les résultats d'action.
Reste que, dès la première page de l'ouvrage cité, Pareto a prévenu
que:
"3. Notre étude a
pour objet les phénomènes qui résultent des actions que font les hommes pour se
procurer les choses dont ils tirent la satisfaction de leurs besoins ou leurs
désirs.
Il nous faut donc
- d'abord examiner la nature des rapports entre les choses et la satisfaction
de ces besoins ou de ces désirs, et
- tâcher ensuite de découvrir les lois des phénomènes qui ont précisément ces
rapports pour cause principale." (Pareto, 1896-97, §3).
De
cette façon, il faisait référence, tacitement encore,
- à l'approche "autrichienne", toute nouvelle alors, de l'économie politique
et
- à l'accent qu'elle mettait sur l'action humaine.
Rappelons, en passant, ce qu'est l'économie politique ou la science économique
pour Ludwig von Mises (1881-1973) :
… "La science économique ne porte pas sur les biens et services,
elle porte sur les actions des hommes en action.
Son but n'est pas de s'attarder sur des constructions imaginaires telles que
l'équilibre.
Ces constructions ne sont que des outils de raisonnement.
La seule tâche de la science économique est l'analyse des actions des hommes,
c'est l'analyse des processus." (Mises, 1962, cf. target="_blank"
ce texte),
après qu'il avait écrit, en 1949, dans le livre intitulé target="_blank" L'action humaine, que la science économique
avait pour domaine les phénomènes de marché expliqués par les actes des êtres
humains et était une:
[...] branche de la connaissance [...]
pour étudier les phénomènes de marché, c'est-à-dire
- la détermination des rapports d'échange mutuel entre les biens et services
négociés dans les marchés,
- leur origine dans l'action humaine et
- leurs effets sur l'action ultérieure. et qu'il l'avait complété par ce texte
(cf. target="_blank"
billet de février 2010).
Pareto laissait entendre, toujours tacitement, qu'il s'en séparait pour
conserver l'approche antérieure des valeurs "résultats d'action".
C'est d'ailleurs la démarche de la plupart des économistes aujourd'hui quand
ceux-ci ne transforment pas, à tort, "action" en "comportement" comme
actuellement.
Le "comportement" dont ils parlent est d'ordre psychologique et non pas d'ordre
économique...
5. "Rareté des choses".
Qu'à cela ne tienne, l'hypothèse de la "rareté des choses" est commune à toutes
les approches de l'économie politique, y compris l'approche "autrichienne" (cf.
ce target="_blank" billet
d'octobre 2018).
J'aurai tendance à opposer à ce jugement de valeur un autre jugement de valeur,
à savoir celui de l'"abondance des actions humaines" de vous et moi (cf.
ci-dessous).
Curieusement, selon les approches non autrichiennes, "mainstream", la
"rareté des choses" n'empêche pas les gens de faire des choix, mais s'en
accommode moyennant l'introduction de mult théorèmes mathématiques
différents.
Bien au contraire, elle les pousse à un choix compte tenu d'autres hypothèses
qu'elle introduit pour l'occasion comme le montrent les diverses "contraintes"
de la théorie microéconomique.
Sauf à ne donner aucun sens aux mots qu'on emploie, on s'attendrait à ce que,
dans un monde de rareté des choses, le choix soit superfétatoire à cause de ce
seul fait de la rareté...
Mais ce n'est pas la démarche habituelle.
Microéconomiques ou macroéconomiques, les approches proposées font intervenir
la notion de "rareté des choses" et laissent de côté l'"action humaine".
6. L'approche "autrichienne".
C'est à 50% la démarche de l'approche autrichienne qui met l'accent sur les
actions de vous et moi dont se moquent les approches non autrichiennes qui
préfèrent insister sur les résultats des actions quand elles ne les déforment
ou dénaturent pas (cf. Debreu, 1960).
Mais elle les allient avec la rareté des choses comme si ces choses n'étaient
pas des résultats d'actions...
Les économistes dits "autrichiens" se séparent de tous ces économistes car,
parmi leur points de départ, figure l'"action humaine" (Mises) et non pas les
"résultats de l'action".
Cette notion n'est pas une hypothèse, un axiome, mais une réalité sauf à ce que
vous preniez ce que vous faites pour un axiome
7. "Abondance des actions".
Pour ma part, je dirai que chacun d'entre nous est confronté à une multiplicité
d'actions humaines, plus ou moins en parallèle avec celle de ses besoins ou
désirs (qui situent dans la psychologie...).
8. L'infirmité humaine.
Mais l'homme est infirme, nous sommes infirmes !
Henri Poincaré (1908) a mis l'accent sur l'"infirmité du savant" dans ses
travaux de recherche.
L'accent se généralise sans difficulté à l'infirmité, voire à
l'incapacité, de vous et moi, étant donné l'abondance des actions.
. Une action à la fois.
Compte tenu du fait que l'homme est infirme, il ne peut mener qu'une action à
la fois.
Pas besoin de faire intervenir d'autres hypothèses (et d'insister, par
exemple, sur les monopoles), ce double fait de l'"abondance des actions"
et de l'"infirmité humaine" se suffit à soi-même pour comprendre l'économie
politique.
9. Un dernier mot (provisoire).
L'économie politique devrait abandonner une bonne fois pour toutes,
l'hypothèse de la "rareté des choses" en opposition avec la réalité et
avec la prétendue cohérence de ses hypothèses essentiellement mathématiques,
pour adopter l'hypothèse de l'"abondance des actions" de vous et moi en
harmonie avec cette dernière et avec l'"infirmité humaine".