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Crise de la dette, phase II

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Paul Jorion.
Published : June 24th, 2010
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Category : Editorials





Ce texte est un « article presslib’ » (*)


Nous sommes entrés dans la seconde phase de la crise de la dette publique, avec l’entrée en scène des Etats-Unis et du Japon aux côtés de l’Europe. Cela va désormais être à celui qui va bousculer les autres pour leur voler le rôle de vedette de l’actualité.

« L’économie (américaine) ne progresse pas aussi vite que nous voudrions » vient de reconnaître Barack Obama lors de sa causerie radiophonique hebdomadaire. Il en faut des précautions de langage, à un président, pour admettre que la croissance enregistrée ces derniers temps n’est qu’un feu de paille destiné à ne pas durer ! Alors que les effets des plans de soutien de l’Etat fédéral et du restockage des entreprises s’estompent et que rien n’est prévu pour la suite, si ce n’est la nécessité de réduire le déficit public.

Timothy Geithner, le secrétaire d’Etat au Trésor, a pris moins de gants en déclarant devant une commission parlementaire que « notre économie traverse encore une période extrêmement difficile. Des millions d’Américains cherchent toujours du travail et continuent de souffrir des blessures causées par une récession forte ». Dans la foulée, il a aussi admis qu’elle devait faire face « à des défis considérables ».

Le Comité de politique monétaire (FOMC) de la Fed n’y a pas été non plus par quatre chemins, si l’on tient compte de ses manières, en admettant que « d’une manière générale, la conjoncture financière est devenue moins favorable à la croissance… », avant de détailler à son tour le maintien d’ »un chômage élevé », la « croissance modeste des revenus », la « baisse de la valeur du patrimoine immobilier » et la difficulté à obtenir des crédits : autant d’entraves à la consommation des ménages, principal moteur principal de l’économie.

La publication de deux indicateurs très décevants est il est vrai intervenue, signalant un brusque ralentissement des embauches dans le secteur privé, ainsi que l’effondrement des ventes de maisons neuves, suite à l’arrêt fin avril des incitations fiscales.

Dans l’ensemble du monde occidental, les dirigeants en viennent à rivaliser de superlatifs pour décrire, dorénavant sous un jour sombre, la situation actuelle. Ils relèguent ce faisant au passage les prédictions alarmistes les plus féroces au rang d’aimables plaisanteries. Une dramatisation de la situation qui justifie leurs restrictions budgétaires, certes, mais exprime également leur profonde préoccupation.

La situation de l’économie américaine, ce fer de lance de l’économie occidentale, inquiète plus que toute autre, après que l’Europe a symbolisé le danger d’une récession déflationniste qui la menace mais pourrait ne pas lui être réservée.

Telle est la toile de fond du G20 qui va commencer vendredi prochain, alors que les membres du Congrès peinent à mettre au point les compromis permettant de boucler la loi de régulation financière. Les questions les plus chaudes ayant été gardées pour la fin. Ce panorama permet, en le contemplant, de mieux apprécier à sa juste valeur la lettre circulaire envoyée par Barack Obama à ses collègues, les exhortant à « agir ensemble pour renforcer la reprise ». Prenant, comme amplement souligné, à contrepied les Européens emmenés sur la voie des sacrifices par Angela Merkel et David Cameron, qui vient de la rejoindre en rendant public ceux qu’il entend imposer à ses concitoyens.

Si l’on se tourne vers le Japon, que l’on a trop tendance à oublier en dépit de son poids économique, le nouveau gouvernement japonais vient de rendre public son plan d’action. Pour les trois années à venir, ce plan repose sur le plafonnement des dépenses publiques, ainsi que sur celui des émissions de bons du Trésor nécessaires au financement du déficit public (dont le plafond devra donc être de 393 milliards d’euros annuel). Cette stabilisation devrait être un premier pas vers la diminution de moitié du déficit, puis la réalisation à l’horizon lointain de 2020 d’un excédent, qui permettrait d’engager la décrue de la dette. Avec 200% du PIB, le Japon est en effet son champion toutes catégories.

C’est ce que l’on appelle tirer des plans sur la comète. En vue de recueillir la confiance des marchés, car si 95% de la dette japonaises est financée sur le marché intérieur, ce pourcentage est destiné à décroître et il va falloir affronter les grands vents du marché mondial, dans un contexte concurrentiel accru qui n’y est pas favorable.

Le Japon reste toujours à la recherche du mécanisme vertueux qui le sortira de la déflation, ne pouvant s’appuyer que sur ses exportations en direction des pays asiatiques pour alimenter sa croissance. Rien ne change donc.

Sans qu’il soit nécessaire de revenir sur toutes les incertitudes qui assaillent l’Europe, une constatation illustre la dynamique qui s’y est enclenchée et que les dirigeants européens ne parviennent à endiguer. Il ne s’agit pas, encore une fois, de cette confiance que l’on invoque à tout bout de champ alors qu’elle vous échappe et qu’on ne la retrouve pas, mais d’une conséquence irrésistible de son absence. Les écarts (le spread) continue de s’accroître entre deux catégories d’obligations souveraines : celles de l’Allemagne et de la France, rejoints par le Royaume-Uni depuis l’annonce de son plan d’austérité, et celles des pays périphériques, comme on les dénomme poliment.

Le taux des obligations à 10 ans de la Grèce vient ainsi de refranchir la barre des 10%. Cela revient à dire que les pays les plus faibles économiquement vont payer plus cher le financement de leur endettement, tandis que les plus forts bénéficient a contrario d’un prime de moindre risque. Avec comme conséquence, comme il a été relevé dernièrement par un analyste de Citigroup, que la zone euro n’est plus considérée comme une entité homogène par les marchés. Ceux-ci pressentant une suite qu’ils accélèrent en se conduisant ainsi.

D’autant que la BCE diminue de semaine en semaine ses achats sur le marché de la dette obligataire, soumise à la très forte pression politique allemande, ce qui n’a pas manqué d’être remarqué par ceux qui savent compter et cherchent à anticiper. Elle en est à 51 milliards d’euros au total, aux dernières nouvelles mais fait toujours mystère de ce qu’elle entend continuer de faire, alimentant les tensions sur le marché et réduisant la portée de ses achats au prétexte de les rendre plus efficaces.

Un curieux récent épisode n’a pas non plus été ignoré par les marchés, une sorte de pas de deux de la BCE. Elle a lancé un ballon d’essai qui n’a pas été repris par Jean-Claude Trichet, lors de sa dernière intervention de début de semaine devant le Parlement européen. Dans sa note du 10 juin dernier, la BCE a en effet préconisé la création d’une « instance indépendante fiscale » (Independant Fiscal Council), qui aurait pour mission non seulement de faire la police mais aussi de se substituer à la BCE pour acheter la dette souveraine des pays de la zone euro. Grâce – croit-on deviner – à une réaffectation de l’enveloppe du fonds de stabilité financière, dont ce n’est pas l’objet actuel. La police est restée, le mécanisme de financement n’a pas été pour l’instant du moins retenu.

On parle peu du Portugal, mais la Banque du Portugal vient d’annoncer que les banques portugaises ont emprunté en mai dernier à la BCE près de 36 milliards d’euros, plus du double du mois précédent. Elles sont donc tenues hors de l’eau par la BCE, auprès de laquelle elles trouvent des capitaux à 1%, tandis qu’elles doivent offrir de 6 à 7% sur le marché, en raison de la hausse du taux obligataire de l’Etat Portugais.

Comment, dans ces conditions, la BCE va-t-elle pouvoir revenir sur les programmes qu’elle a activés, devenue un rouage essentiel du fonctionnement du système bancaire, seule porte ouverte disponible, via le second marché, pour les pays les plus menacés et en quête de financement ?

Pendant ce temps là, toujours à la recherche d’une confiance en vain très sollicitée, les dirigeants européens travaillent à la mise au point des stress tests des banques. Il est maintenant question, face à l’amicale insistance des marchés, d’en élargir le champ, afin d’inclure de nouvelles banques dans son périmètre. Il y a de la marge, entre les 25 mégabanques initialement retenues et les milliers d’établissements bancaires européens répertoriés…

Le gouverneur de la Banque d’Espagne a quant à lui apporté sa modeste contribution à cette réflexion, en annonçant que, quoiqu’il arrive, l’Espagne rendrait public les stress tests de l’ensemble de ses banques, poursuivant sa stratégie du fait accompli qui lui a déjà si bien réussi.

Comment les banques qui se révéleront avoir besoin de fonds propres seront-elles recapitalisées ? Cette question décisive n’a toujours pas l’amorce d’une réponse. Laissant aujourd’hui supposer que leur résultat positif est acquis d’avance, ce qui ne crédibilise pas exagérément l’opération dans son ensemble.

Baudoin Prot, directeur général de la BNP Paribas, a déclaré qu’il était « tout à fait confiant » à propos des résultats des stress tests pour sa banque, alors même que leurs modalités ne sont pas encore officiellement déterminées. On ne peut pas dire que cela fait preuve d’une grande habilité, mais il lui fallait bien faire front suite à la dégradation de la note de la banque par Fitch.

Plus les éléments du feuilleton se mettent progressivement en place, moins la gestion de la crise de la dette publique qui est entamée apparaît crédible : la croissance se dérobe sous les pieds de ceux qui cherchent à en faire un tremplin, ne leur laissant comme leviers que les restrictions budgétaires ou les augmentations fiscales. Une étude de HSBC est venue à point nommé, à ce propos, pour montrer qu’il faudrait aller bien au-delà de ce qui est actuellement prévu pour atteindre dans ces conditions les objectifs affichés de réduction de la dette. Le problème est qu’il n’y a pas de plan B.

Est-ce bien envisageable, par ailleurs, de durcir les mesures déjà annoncées en Europe, alors que l’on enregistre que certains s’engagent à reculons dans l’austérité et que d’autres parlent fort mais agissent avec une certaine circonspection, quand on y regarde de plus près ? L’effet simultané de ces mesures d’austérité, même tempérées, va avoir un effet multiplicateur difficilement prévisible.

Quand aux Etats-Unis, on attend toujours des échos des travaux de la commission bipartisane chargée par Barack Obama d’inventorier les économies budgétaires qui devraient être réalisées pour engager la décrue de la dette. Ainsi qu’un éclairage sur le sort que l’administration entend réserver à Fannie Mae et Freddie Mac. Ou encore des nouvelles de l’augmentation (ou l’introduction dans certains Etats) de l’équivalent de la TVA. Petit à petit, les lampions des programmes de soutien à l’économie s’éteignent, sans éclairage de secours de prévu.

Intervenant mercredi soir sur CNBC, une chaîne américaine d’information financière en continu, Christine Lagarde s’est interrogée : « Comment stimuler la croissance et rétablir les finances publiques ? C’est le grand dilemme auquel nous faisons face depuis un moment ». Prenant implicitement ses distances avec la politique préconisée par le gouvernement allemand, elle a donné pour toute réponse que « nous devons être fermes et sérieux sur la réduction du déficit et de la dette, même si en même temps nous ne pouvons pas nous permettre de ralentir le peu de croissance que nous avons »… A force de vouloir contenter tout le monde, elle risque de ne contenter personne et de n’atteindre ni l’un ni l’autre des deux objectifs.

Il n’est pas certain que le « plan d’urgence » britannique, que vient de dévoiler le chancelier George Osborne, s’inscrive exactement dans ce cadre. 40 milliards de livres d’économie sont prévues par an, pendant 5 ans consécutifs. Chaque ministère, à l’exception de ceux de la santé et de l’aide au développement, devra couper en 4 ans un quart de son budget en moyenne. Les fonctionnaires subiront un gel de deux ans de leur salaire. La TVA passera de 17,5 à 20% en janvier prochain. Les banques vont être taxées à hauteur prévisionnelle de 2,4 milliards de livres. 900.000 contribuables à faible revenus seront exemptés de l’impôt.

Heureusement, le G20 est arrivé ! A temps, comme le fait toujours la cavalerie. En quelques phrases savamment tournées du communiqué final, une ligne commune d’intervention va être fixée. Munis de ce précieux viatique, les dirigeants vont pouvoir rentrer chez eux afin d’appliquer la recette magique qui leur aura été confiée.



Billet rédigé par François Leclerc


               

Paul Jorion

pauljorion.com




(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.


Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).





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Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).
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