Pas un jour ne
passe sans qu’une quelconque autorité européenne ne
pointe du doigt « les marchés » ou les agences
de notation et ne les accuse d’avoir provoqué la crise.
Peut-être nos hommes politiques devraient-ils relire
l’Évangile selon Saint-Luc…
« Pourquoi vois-tu la paille
qui est dans l’œil de ton frère, et
n’aperçois-tu pas la poutre dans ton
œil ? » Si l’apôtre Luc place ces paroles
dans la bouche de Jésus s’adressant aux Pharisiens, elles
pourraient tout aussi bien être la réponse des
« spéculateurs » et des agences de notation aux
critiques émanant des dirigeants européens.
Si les
marchés sont aujourd’hui sceptiques sur les capacités de
remboursement de nombreux États, ils ont raison de l’être,
car ces derniers ne gèrent pas les finances publiques comme un bon
chef d’entreprise ou un bon père de famille. Il y a à
cela trois raisons principales, pour lesquelles, jusqu’à il y a
peu, les marchés semblaient les absoudre.
Les gouvernements n’ont aucun
problème avec les budgets en déficit
Aucune
entreprise ni aucun ménage ne pourrait survivre à long terme
avec des rentrées d’argent inférieures aux
dépenses consenties. Or, les États en font une règle de
gestion. Au point que les fameux « critères de
Maastricht », que les États entrés dans la zone euro
étaient censés respecter, prévoyaient un déficit
budgétaire qui ne soit pas supérieur à 3% du PIB, et non
pas une absence de déficit, comme une saine gestion le recommanderait.
Tôt ou tard, il était clair que cette gestion irresponsable
entraînerait une catastrophe et nécessiterait des mesures
correctrices. Nous y sommes aujourd’hui.
Lorsqu’ils sont à court
d’argent, les États empruntent ou taxent
Protégés
par la célèbre maxime « les États ne peuvent
pas faire faillite », les gouvernements ont emprunté
à tour de bras pour couvrir leurs déficits structurels. Une
famille ou une entreprise engagée dans une telle spirale aurait
tôt fait de voir les banques fermer le robinet. Mais en forçant
par voie légale banques et fonds de pension à investir une part
de leurs avoirs dans des obligations « sûres » -
leurs emprunts – les États ont pu continuer beaucoup plus
longtemps à jouer ce jeu dangereux. Aujourd’hui, on ne parle
toujours pas de faillite. Mais on n’hésite plus à parler
de défaut de paiement : les États pourraient refuser de
payer leurs dettes à l’échéance prévue.
La voie de
l’emprunt se referme. Resterait donc celle des impôts.
Malheureusement, la plupart des économies développées
ont trop tiré sur la corde depuis la moitié du siècle
dernier. Pour la plupart d’entre elles, les dépenses de
l’État avoisinent les 50% du PIB. Monter au-delà est aujourd’hui
politiquement irréalisable, ou presque. Les deux instruments favoris
des gouvernements pour combler leurs déficits structurels sont
désormais inutilisables. Reste le troisième.
Lorsqu’ils ne peuvent ni
emprunter, ni taxer, les États créent de l’inflation
Tous les
débiteurs d’un crédit hypothécaire le
savent : l’inflation est l’amie des emprunteurs, car les
remboursements à effectuer sont déterminés en termes
nominaux. Si je rembourse 1000€ à chaque échéance
de mon prêt, mais que la valeur de l’euro (ce que je peux acheter
avec un euro) s’érode au fil du temps, la valeur de chaque
remboursement diminue en termes réels.
Ni les
entreprises, ni les ménages, ne peuvent créer de
l’inflation. Ils se contentent de la subir. Mais les États, eux,
le peuvent très facilement : en injectant de la monnaie dans
l’économie, ce qu’on appelait dans le temps
« faire fonctionner la planche à billets ».
Aujourd’hui, évidemment, on n’imprime plus. Il suffit
simplement que les banques centrales relâchent les critères de
réserve des banques, ou bien acceptent des emprunts
d’État pourris en garantie de nouveaux prêts, et hop, les
banques créent de la monnaie en octroyant de nouveaux emprunts aux
entreprises et aux particuliers, voire aux États eux-mêmes.
Aujourd’hui,
ce risque d’inflation est bien réel, bien que le « scénario
japonais » - une forte création de monnaie sans inflation
au cœur d’une économie totalement déprimée
– reste possible. L’évolution actuelle du prix de l’or
et de l’argent indique en tout cas que les investisseurs nourrissent
aujourd’hui de sérieuses craintes. L’or est en effet
l’ultime refuge des épargnants. S’il
s’échange aujourd’hui contre plus de devises, ce
n’est pas parce que sa valeur augmente. C’est parce que la valeur
de la plupart des monnaies fiduciaires ne cesse de s’effriter.
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