Après une crise sans
précédent, la question, qui est à l’ordre du jour,
est celle de la reprise. L’envolée du marché des actions,
du prix des matières premières (pétrole, sources
d’énergie et minéraux) en serait le signe annonciateur.
Le taux de croissance, en Allemagne et en
France (et au Japon), est repassé en territoire positif (0,3% au
deuxième trimestre), la chute du PIB américain est moindre que
prévu (-0.3%) et le marché immobilier se stabiliserait
(augmentation depuis trois mois des promesses de vente).On peut attribuer
cela, aux effets mécaniques des plans de relance et à la fin du
destockage des entreprises.
Peut-on en conclure pour autant que la
crise est finie et est-il possible d’anticiper une reprise forte et
durable ?. Trois facteurs essentiels plaident, en réalité, pour
un scénario de récession à double détente (W) :
les conséquences du chômage sur l'économie et le
sytème financier, le dilemme de la politique économique ainsi
que l'existence d'une bulle d'actifs.
Le relâchement de la politique
monétaire a créé une bulle d’actifs :
L’extrême relâchement
de la politique monétaire : intérêts à taux
zéro, mesures de détente quantitatives, nouvelles
facilités de crédit, émission d’obligations
d’état et rachat d’actifs privés non liquides et
à risque, auquel s’ajoute la dépense de sommes colossales
pour stabiliser le système financier, est en train de créer une
bulle d’actifs, dûe à l’injection massive de
liquidités sur les marchés financiers et ceux des
matières premières.
Ceci conduit à une
augmentation trop rapide et trop précoce du prix de
l’énergie. Si le prix du pétrole se situait au même
niveau que lors de l’été 2008 (franchissement de la barre
des 100 dollars, voir des 140 dollars), cela nous mènerait tout droit
à une récession en forme de W.
On peut donc dire que
l’augmentation actuelle du prix des actifs par rapport à leur
niveau de mars repose à la fois sur des anticipations, trop
optimistes, de reprise rapide de la croissance vers son niveau potentiel et
sur une bulle de liquidités qui fait augmenter le prix du
pétrole et des actions de manière trop rapide et
précoce.
Le scénario d’une
récession à double détente se précise,
d’autant plus que l’augmentation du chômage aggrave
considérablement les choses.
Les conséquences de
l’augmentation du chômage sur l'économie et le
sytème financier :
On peut prédire que le taux de
chômage sera supérieur à 10% dans l’ensemble des
pays développés en 2010. En effet les chiffres récemment
publiés montrent une aggravation du chômage.
Ainsi aux Etats-Unis, la
productivité a augmenté de 6,4% au second trimestre, du fait
d’une contraction dramatique des heures travaillées (-7,6%)
ainsi que d’une baisse du coût unitaire du travail -5,8% (la plus
forte baisse depuis 9 ans).
En effet les entreprises demande à
leurs salariés, afin d’éviter les licenciements,
d’accepter des réductions de salaire. British Fairways a
demandé ainsi à ses salariés de travailler un mois sans
percevoir de salaire.
Cette baisse dramatique des emplois et
des revenus du travail aura des conséquences majeures sur
l’économie et le sytème financier.
La baisse des revenus implique une baisse
de la consommation, d’autant plus que les ménages ont du faire
face à une diminution de la valeur de leurs biens (et donc de leur
richesse) et à une augmentation de leurs dettes.
La consommation représente, dans
l’ensemble des pays développés, 70% du PIB, c’est
dire l’ampleur du problème. La bonne tenue de la consommation
(0,3%), dans notre pays (et en Allemagne), est due pour l’essentiel
à la prime à la casse.
Mais cela va aussi entraîner une
crise immobilière bien plus conséquente et lourde, puisque le
chômage et la baisse des revenus va entraîner une augmentation
des taux de défaillances et des saisies immobilières (y compris
sur la catégorie prime). Avant la fin de cette année, ce sera
prés de 8,4 millions d’américains qui ont contracté
un emprunt qui seront incapables de l’honorer.
L’augmentation des taux de
défaillance ne se fera pas sentir uniquement sur les prêts
immobiliers, mais aussi sur le marché des prêts commerciaux, des
cartes de crédit, des prêts étudiants, des prêts automobiles
….etc.
Les pertes des banques sur leur actifs
toxiques et leurs besoins en capitaux devraient être bien plus
importants que prévus (stress test).Enfin l’augmentation du
chômage enferme les politiques économiques des Etats dans un
véritable « dilemme cornélien ».
le dilemme de la politique
économique :
Elle entraîne une augmentation du
déficit budgétaire, puisque les stabilisateurs automatiques
font augmenter les dépenses et diminuent les recettes fiscales (dans
notre pays, les recettes fiscales ont diminuées de 24% au second
semestre).
D’un autre coté une telle
augmentation (d’un point de vue politique) appelle la mise en place de
nouveaux plans de relance.
Mais avec un déficit
budgétaire dépassant les 10% aux Etats-Unis et les 8% en
France, une dette publique dont on estime qu’elle va doubler, par
rapport au PIB aux Etats-Unis, et atteindre 100% du PIB en France d’ici
2014 et la monétisation des déficits, on peut craindre
(à moyen terme) une forte augmentation de l’inflation et donc
des taux d’intérêts réels plus
élevés, ce qui freinera la consommation des ménages.
Si, comme le Japon dans les
années 1990 et les Etas-Unis en 1937, les Etats réduisent les
dépenses publiques et augmentent les impôts top tôt, leur
économie sombrera de nouveau dans la récession.
Mais s’ils acceptent
l’augmentation des déficits, les taux longs monteront de
manière inexorable traduisant l’impact des déficits
budgétaire sur le risque souverain et sur l’incitation à
monétiser ceux-ci. En conséquence et de la même manière,
l’augmentation du prix de l’emprunt sur les marchés
obligataires pourrait aggraver les déficits et donc les effets de la
récession.
.
Les Etats n'ont plus de cartouche de
réserves et la politique monétaire a peu d’impact sur les
économies qui souffrent de problème
d’insolvabilité et de liquidité. En outre, le risque
inflationiste est très fort à moyen terme.
En conclusion l’existence d’une
bulle d’actifs sur le marché des actions et des matières
premières auquel s’ajoute les conséquences du
chômage sur la consommation, le prix de l’immobilier, les bilans
des banques, ainsi que le dilemme de la politique économique
permettent de valider le scénario d’une récession
à double détente, en forme de W : commencement de la seconde
jambe haussière, en France et en Allemagne, au second trimestre, et
aux Etats-Unis au cours du quatrième trimestre.
Paul
Bara
Blog de la Finance et de l’Economie.com
Paul
Bara a été trader, économiste de marché puis
directeur financier. Il a parallèlement enseigné
l'économie et la finance à Paris X et à l'ENA.
Paul Bara est
contributeur à 24hGold.com. Les vues présentées sont les
siennes et peuvent évoluer sans qu’il soit nécessaire de
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